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La résistance des levures au cuivre au détriment du goût du vin

Une équipe de recherche d’INRAE et de l’Institut Agro montre que l’acquisition de la résistance au cuivre des levures utilisées pour la vinification s’est faite en contrepartie d’une production en excès de sulfure d’hydrogène (H2S), un composé à l’odeur d’œuf pourri qui altère la qualité sensorielle du vin. Cela est dû à la multiplication d’un gène impliqué dans la résistance au cuivre qui a eu pour conséquence une production en excès de H2S.

La résistance des levures au cuivre au détriment du goût du vin
L’adaptation de la levure Saccharomyces cerevisiae de vin au cuivre suite aux traitements anticryptogamiques à base de bouillie bordelaise a engendré une surproduction de H2S pendant la fermentation alcoolique. Cette production excessive, exacerbée par l'ajout de sulfite couramment utilisé en œnologie, altère considérablement la qualité du vin. Illustration © Irène De Guidi

Le profil aromatique des vins est la principale qualité recherchée par les consommateurs. Une des étapes clés de la vinification est la fermentation du moût de raisin durant laquelle les levures Saccharomyces cerevisiae, transforment le sucre contenu dans le moût de raisin en alcool. Durant cette étape, les levures synthétisent également du sulfure d’hydrogène (H2S) pour produire les acides aminés soufrés indispensables à leur développement. Or, il s’agit d’un composé à l’odeur très désagréable d’œuf pourri qui peut être produit en excès par S. cerevisiae et ainsi altérer le goût du vin. La production de H2S étant très coûteuse en énergie pour la levure, la question se pose de savoir pourquoi certaines souches de S. cerevisiae en produisent en excès.

Les scientifiques ont cherché une explication à ce phénomène en explorant le lien entre la synthèse de H2S chez la levure et deux pratiques traditionnelles : le traitement de la vigne par la bouillie bordelaise et le sulfitage des moûts de raisin. La bouillie bordelaise est un traitement antifongique à base de cuivre utilisé pour protéger la vigne des champignons, y compris en agriculture biologique. Le sulfitage des moûts de raisin consiste en l’ajout de sulfite lors de la vinification, un composé antiseptique et conservateur du vin qui permet de préserver sa qualité.

Découverte du rôle crucial d’un gène des levures

Dans un premier temps, les scientifiques ont montré que les levures S. cerevisiae issues du vin avaient une production accrue de H2S en comparaison avec des souches issues d’écorce de chêne ou isolées à partir de voiles de vin. Cette production était amplifiée par l’ajout de sulfite, qui sert de précurseur pour la synthèse de H2S. Les levures S. cerevisiae issues du vin se sont adaptées à la présence de cuivre suite à l’utilisation courante de bouillie bordelaise dans le traitement de la vigne durant plus d’un siècle. Cette adaptation est caractérisée par la multiplication du gène CUP1 qui permet de produire la protéine Cup1 capable de fixer le cuivre, ce qui donne à la levure la capacité de survivre dans un environnement riche en cuivre. Cette protéine est riche en acides aminés soufrés qui nécessitent le H2S pour leur production.

L’acquisition de la résistance des levures S. cerevisiae de vin au cuivre s’est faite en contrepartie d’une surproduction de H2S. Cette production excessive, amplifiée par l'ajout de sulfite couramment utilisé en vinification, peut altérer considérablement la qualité du vin. En réponse à ces défauts sensoriels, les pratiques de soutirage, dans le processus de vinification, se sont vraisemblablement intensifiées afin de limiter l'impact négatif du H2S sur le profil aromatique des vins. Les résultats de cette étude ouvrent également une nouvelle piste de recherche sur les souches de levures très résistantes au cuivre (ayant un grand nombre de copie du gène CUP1) pour limiter la présence de H2S dans le vin.