Lutte contre la flavescence dorée
Gare à ne pas transporter les cicadelles involontairement

Cédric Michelin
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Comme nous l’évoquions dans notre précédente édition, la lutte contre la flavescence dorée de la vigne n’est pas chose aisée. Après dix années de présence en Saône-et-Loire, cette maladie de quarantaine a explosé au sud du département, dans le Beaujolais en 2022. Après avoir vu les débats autour des prospections et des traitements, place cette semaine à d’autres messages de vigilance, autour du « transport », certes involontaires, des cicadelles ou sur la prochaine stratégie de lutte d’enrayement, qui n’est pas du goût de la profession.

Gare à ne pas transporter les cicadelles involontairement

Les services préfectoraux étaient venus en force, avec le Préfet, Yves Séguy, le 19 juin à Péronne et Viré. Gestion des prospections – et des « récalcitrants » -, gestion des arrachages – et « des fortes têtes » -, gestion des traitements – et des ZNT -, aucun de ces sujets n’a été occulté par le Préfet et les services sanitaires (lire notre précédent article et en accès libre après avoir donné son adresse mail sur notre site web Agri71.fr / « Mission impossible accomplie »).

À la trace dans les chemins et vignes

Alors que l’efficacité des traitements phytosanitaires peut être variable, notamment le pyrévert, les services sanitaires de la Draaf mettaient en garde contre le transport involontaire de la cicadelle dorée d’une parcelle à une autre. « Dans le Beaujolais, depuis un foyer, on peut suivre à la trace le parcours effectué avec le tracteur. On retrouve des vignes infectées sur tout le chemin », alertait Jérôme Chevalier, pour la CAVB. Un transport bien involontaire, mais qui dissémine le petit insecte suceur qui étend ainsi le rayon d’infestation du phytoplasme. Un fait à bien avoir en tête à l’heure des travaux en vert, notamment avec les rogneuses et effeuilleuses.

Pour limiter ce risque de propagation, pas d’autre choix que de prendre un temps pour nettoyer sa machine et outils à chaque changement de parcelles. Une organisation et du temps à rajouter à la lutte contre cette maladie mortelle pour les vignes. « C’est un élément à intégrer. Les éleveurs de ruminants sont coutumiers du fait », faisait comme parallèle, le préfet. Espérons qu’il ne faudra pas en arriver à des papiers d’identité et faire la traçabilité de ces pauvres Scaphoideus titanus. Mais même d’un anodin et régulier voyage, la cicadelle vecteur du phytoplasme peut créer un nouveau foyer, dont les symptômes ne sont visibles que deux ans après, et créer ailleurs « la dévastation d’un vignoble », n’hésitait pas à employer le Préfet, Yves Séguy, fils de viticulteur. Le foyer du Beaujolais a surpris les services du Sral pour son explosion entre 2021 et 2022, avec des parcelles a arrachées déjà. Nul ne sait l’étendue actuelle avec certitudes, et les communes voisines sont invitées à redoubler de vigilance, notamment Vinzelles où ont été identifiés de nombreux vignerons ayant des appellations Mâconnaises et Beaujolaises proches.

« Ne pas baisser la garde »

« Il ne faut pas baisser la garde pour ne pas anéantir dix ans de lutte », mettait en perspective, Dominique Crozier, chef de service adjoint du Sral à la Draaf Bourgogne. Nulle part en Bourgogne, « il ne faut crier victoire », lui qui voit la Côte-d’Or de plus en plus contaminée et la flavescence dorée arrivée dans le Chablisien. Preuve que le transport peut se faire de zones lointaines…

Certes, pas toujours facile de s’y retrouver en matière de lutte obligatoire. En fonction des risques sanitaires et des risques que sont prêts à prendre la profession, de nombreux aménagements ont été mis en place depuis dix ans. Sur les prospections, sur les analyses, sur les traitements surtout avec des nombres de traitement ou des périmètres en fonction des demandes de la profession et de l’acceptation de l’administration et préfet de Région. « On arrive à une complexité limite avec 105 pages d’arrêté et des cartes dynamiques selon les communes avec des ronds et des stratégies de traitements différentes dans une même commune », juge Dominique Crozier qui s’y prend dès Noël pour préparer les négociations à Beaune et Dijon. « C’est aussi la faute de la profession », admettait Jérôme Chevalier.

Ne pas perdre les vignerons

Si l’ODG pouilly-fuissé a obtenu une expérimentation pour ne pas traiter en contrepartie d’une double prospection collective obligatoire, avec plus d’analyses en laboratoire, donc une prophylaxie renforcée en amont de l’apparition de la maladie, du côté de Viré, les viticulteurs préféraient prévenir le préfet que cela ne peut être appliqué – et applicable dans les faits – partout. « Déjà qu’une journée à marcher dans les vignes, c’est lassant. On arrive déjà à 8 jours pour toutes nos parcelles et AOC par ici. Mais s’il faut faire deux prospections pour arrêter des traitements, cela ne se fera pas », prévenaient les vignerons à la cave de Viré. Le préfet, Yves Séguy l’entendait visiblement, car il sait que ces prospections reposent sur « un travail de conviction » collectif et personnel pour qu’elles soient bien réalisées.

« Si deux prospections donnent du sens, cela a aussi un impact économique et suppose un risque de perdre des vignerons », soupesait-il. Toutes les expérimentations menées conjointement sont analysées et permettent d'en tirer des enseignements instructifs pour tous.

Nouvelle complexification non enrayable

Un nouvel arrêté national – applicable en 2024 normalement - est en cours d’écriture pour respecter la nouvelle réglementation Européenne en matière de flavescence dorée. C’est d’ailleurs lui qui définit les distances de sécurité riverains (DSR), qui ont remplacé les ZNT riverains, pour chaque produit phytosanitaire, avec des DSR, donc de 3, 5, 10, voire 50 mètres par rapport aux habitations, riverains et cours d’eau. Si un produit n’a pas de DSR, selon le Code rural, en cas de lutte obligatoire par arrêté préfectoral, alors elle ne s’applique pas. C’est pourquoi la profession avait demandé de ne pas avoir de zone non-traitée, même de 3 m. Demande de la profession refusée par le préfet de Région. Une façon d’anticiper le prochain arrêté national qui inscrira cette distance à respecter de 3 mètres au minimum.

Le règlement Européen introduit également la notion d’enrayement de la flavescence dorée qui est testée en Aquitaine avant déploiement national. Notion devant se traduire en droit national donc en 2024. Un changement majeur en vue depuis l’introduction de la flavescence dorée en même temps que les porte-greffes américains résistants au phylloxéra. Dans une zone où la profession et l’administration estiment qu’il n’est plus possible de l’éradiquer (maladie endémique donc), ils pourront choisir de lutter pour enrayer sa propagation autour des foyers. Une zone tampon sera alors définie – à ce stade des réflexions, un rayon de 2,5 km – et les services sanitaires « surveilleront » uniquement ce périmètre "tampon", non-au-delà. Au cœur du foyer, la profession viticole se retrouvera seule à lutter obligatoirement comme avant mais en pouvant choisir sa stratégie de lutte (baisse ou hausse des traitements, multi-prospection ou prospection totale sur plusieurs années…). Ce qui fait bondir la profession qui voit là un désengagement de l’État et un report des contraintes aux vignerons à proximité d’un foyer. Alors que la flavescence dorée est présente depuis une dizaine d’années en Bourgogne, la CAVB a déjà demandé à « l’administration de rester présente à ses côtés, réglementairement parlant » pour lutter contre efficacement et maintenir l’unité collective.