Les brèves du 30 juin 2023

Mis en ligne par Cédric Michelin
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Voici les brèves du 30 juin 2023

Les brèves du 30 juin 2023

Biodiversité : l’État condamné pour préjudice écologique dû aux pesticides

Le tribunal administratif de Paris a condamné l’État français à réparer, d’ici un an, un « préjudice écologique » lié au recours massif aux pesticides dans l’agriculture, rapporte l’AFP le 29 juin. La décision de justice rendue le même jour s’inscrit dans l’affaire dite « Justice pour le vivant ». Le tribunal a estimé que l’État a commis « deux fautes » en « méconnaissant » ses objectifs de réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques et son obligation de protéger les eaux souterraines. La justice « enjoint au gouvernement » d’adopter « toutes les mesures utiles » afin de « réparer le préjudice écologique, prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto ». De même, il appelle le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour « restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques ». Le recours avait été déposé par cinq ONG de défense de l’environnement (Pollinis, Notre affaire à tous, l’Association nationale de protection des eaux et rivières, Biodiversité sous nos pieds et l’Aspas).

 

Dénominations animales : vers un renvoi de la décision devant la Cour de Justice de l’UE

Dans ses conclusions présentées le 28 juin devant le Conseil d’État, le rapporteur public recommande de renvoyer devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) le dossier du décret du 29 juin 2022 qui interdit aux produits contenant des protéines végétales d’utiliser des dénominations animales (telles que « steak » ou « saucisse »), rapporte le journal Les Échos (article payant). L’avis du rapporteur public va dans le sens de l’organisation requérante, Protéines végétales (entreprises), qui estime que le décret du gouvernement est « en opposition avec le droit européen de libre circulation des marchandises », puisqu’il ne concerne que les produits végétaux français, a expliqué son avocat Maître Guillaume Hannotin, cité par le quotidien économique. Le décret avait été suspendu via une ordonnance du 27 juillet par le juge des référés du Conseil d’État. Il reste suspendu dans l’attente de l’arrêt de la CJUE sur lequel pourra s’appuyer le Conseil d’État pour rendre sa décision. D’après la Fédération nationale bovine (FNB, FNSEA), qui a rencontré le ministre de l’Économie au début du mois de juin, le gouvernement plancherait sur un nouveau décret pour la fin du mois. Questionné, le gouvernement n’a pas précisé s’il comptait toujours faire paraître son décret, comme annoncé à la FNB.

 

Marchés agricoles : les colégislateurs de l’UE renforcent l’encadrement de la spéculation

Alors qu’elles étaient loin de faire l’unanimité, les principales propositions portées par le groupe des Verts du Parlement européen pour encadrer les pratiques spéculatives sur les denrées agricoles ont finalement été intégrées dans l’accord politique conclu le 29 juin par les colégislateurs sur les révisions de la directive (MIFID) et du règlement (MIFIR) relatifs aux marchés d’instruments financiers. Le texte va notamment donner la possibilité aux autorités de marché d’exiger la suspension des transactions sur certains marchés en cas de situation d’urgence, par exemple en cas de volatilité excessive des prix, comme sur le marché du gaz l’an passé. La Commission européenne devra également remettre, en 2024, un rapport analysant les conditions dans lesquelles les entreprises de l’agroalimentaire sont autorisées à agir sur les marchés financiers, afin de les soumettre aux mêmes règles que les entreprises financières. Un autre rapport portera, en 2025, sur les limites qui doivent être imposées aux traders sur les marchés alimentaires ou énergétiques. Ce rapport pourrait être source d’une future proposition législative. Une fois que le texte de l’accord politique provisoire aura été consolidé, il devra être formellement adopté par le Conseil et le Parlement, avant d’entrer formellement en vigueur.

 

Poulet : Anvol veut activer la clause de sauvegarde contre les importations ukrainiennes

Face à l’explosion des importations de viande de poulet en provenance d’Ukraine, Anvol (interprofession des volailles de chair) demande au ministre de l’Agriculture « d’activer la clause de sauvegarde » prévue dans l’accord commercial UE/Ukraine, d’après un communiqué du 29 juin. Selon la filière française, cette clause permettrait d’ « empêcher la poursuite des importations […] à droit nul et sans limite de volume ». Afin de soutenir l’économie ukrainienne dans le contexte de la guerre avec la Russie, cet accord a été renouvelé pour un an le 6 juin. À cette occasion, les modalités de déclenchement de la clause de sauvegarde « ont été assouplies », rappelle Anvol. L’interprofession demande aussi à Marc Fesneau de « convaincre » ses homologues européens d’activer aussi la clause, afin d’éviter la réexpédition de viandes importées. « Le Commissaire européen semble aussi ouvert. » Sur la période allant du 1er janvier au 16 juin 2023 (24 semaines), les importations européennes en provenance d’Ukraine ont « augmenté de 108 %, dont 201 % sur la viande fraîche », alerte Anvol, soit « entre 15 et 25 000 tonnes » par mois. Même si la filière française est d’accord « pour aider l’Ukraine », elle estime « injuste » que le secteur avicole « supporte une part aussi importante de la charge collective ».

 

Crise du bio : la Fnab (producteurs) s’inquiète des aides qui tardent à venir

Quatre mois après l’annonce au Salon de l’agriculture d’une enveloppe de 10 millions d’euros (M€) pour soutenir le secteur bio en difficulté, les producteurs n’ont toujours pas perçu cette aide à la trésorerie, regrette le président de la Fnab (producteurs) Philippe Camburet. « On a perdu du temps parce que les montants étaient trop faibles », explique-t-il. « Avec si peu, on est obligé de couper les cheveux en quatre. Il y a des fermes qui abandonnent [la démarche] compte tenu du faible montant [de l’aide], du dossier à constituer, des coûts que peuvent représenter les justificatifs à obtenir auprès des organismes bancaires ou de gestion. » Philippe Camburet estime que les premières aides devraient arriver dans la poche des agriculteurs d’ici la mi-juillet pour les départements ayant déjà sélectionné les exploitations bénéficiaires. « Dans d’autres départements, les fermes n’ont pas encore été sélectionnées, il y a encore un travail d’analyse des dossiers qui doit être mené. » Autre motif d’inquiétude pour le président de la Fnab : le deuxième plan d’aides de 200 M€ annoncé le 17 mai, dont 60 M€ d’euros d’aides d’urgence. « Ce sera des crédits européens et on ne connaît pas à ce jour les critères retenus pour être éligible à cette aide-là. »

 

Vaccin influenza : les filières avicoles proposent de financer une dose sur deux (Cifog)

Alors qu’elles divergeaient il y a peu sur le financement de la vaccination contre l’influenza aviaire, les filières avicoles ont « fait une proposition collective » aux pouvoirs publics, indique Marie-Pierre Pé, la directrice du Cifog (interprofession du foie gras), le 28 juin à Agra Presse. Pour cette première campagne, les professionnels suggèrent de « prendre en charge une partie des frais de vaccination correspondant à l’achat d’une dose appliquée » sur les deux nécessaires. Un niveau de participation qui « représente ce qui est attendu par le cabinet du ministre ». Pour mémoire, les professionnels demandaient que l’État prenne en charge l’intégralité du coût en première année. Comme le rappelle Marie-Pierre Pé, « le ministre nous a répondu qu’il voulait une participation des filières, ainsi qu’une mutualisation entre les espèces, car en vaccinant les canards, on protège toutes les volailles ». Aux yeux du Cifog, la surveillance post-vaccination devra « être assurée et garantie par l’État, car c’est un gage de réassurance des pays tiers. Pour nous, c’est un critère de réussite » Pour les éventuelles campagnes suivantes, les filières avicoles étudient un recours au FMSE (fonds sanitaire professionnel).

 

Flavescence dorée : annulation partielle de l’instruction d’encadrement de la lutte

Le Conseil d’État, dans une décision du 28 juin sur la lutte contre la flavescence dorée en vigne, a tranché en défaveur de la Confédération paysanne, pour qui les mesures ne vont pas assez loin, et en faveur de la Fédération de la pépinière viticole, positionnée à l’inverse. La plus haute juridiction administrative rejette la demande visant l’annulation de l’arrêté du 27 avril 2021 relatif à la lutte contre la maladie. La Confédération paysanne reproche au texte de ne pas généraliser le traitement à l’eau chaude. « Un traitement à l’eau chaude des plants plantés en zone délimitée où l’insecte vecteur est présent, en sus de la lutte menée directement contre l’insecte vecteur lui-même, ne permettrait pas de limiter plus significativement le développement de la maladie », juge notamment le Conseil d’État. Il préconise en revanche l’annulation partielle de l’instruction technique du 13 août 2021. Des mesures de lutte plus restrictives que la réglementation européenne sont en cause, concernant les plantations en zone exempte, la lutte anti-vectorielle en vignes mères et pépinières. Seuls la provenance de zone exempte et le traitement à l’eau chaude sont en effet prévus comme exceptions, pas l’absence de symptômes, d’après la décision.

 

Porc : le plus important élevage français condamné pour la pollution d’une rivière

La porcherie bretonne Kerjean, la plus grande de France, a été condamnée le 29 juin à 200 000 euros d’amende, dont 100 000 avec sursis, pour un déversement de lisier dans une rivière du Finistère, qui avait provoqué une mortalité massive de poissons en 2021. Selon l’AFP, le tribunal correctionnel de Brest a aussi prononcé une interdiction de percevoir des aides publiques pendant un an. Le ministère public avait requis, lors de l’audience du 4 mai, 300 000 euros d’amende, dont 150 000 avec sursis, à l’encontre de l’entreprise dont la porcherie incriminée compte 20 975 porcs. Benoît Tanguy, dirigeant de l’exploitation, a lui été condamné à une amende de 20 000 euros, dont 10 000 avec sursis, soit la peine requise par le parquet. « C’est totalement disproportionné », a réagi Me Marie-Thérèse Miossec, avocate de la porcherie, qui envisageait de faire appel. « La pollution est très restreinte, et il s’agit du premier incident. » « C’est infime par rapport au préjudice écologique qui a été fait », a estimé Patrick Clérin, vice-président de la fédération de pêche du Finistère, l’une des 11 parties civiles. Le 2 avril 2021, entre 50 et 100 m3 de lisier s’étaient déversés dans un ruisseau, à la suite du débordement d’une fosse. Le lendemain, plusieurs centaines de poissons avaient été découverts morts dans la rivière Penzé.

 

GNR agricole : le Modef demande le maintien du tarif réduit pour les petites et moyennes fermes

Réagissant au projet de Bruno Le Maire de supprimer progressivement la défiscalisation du gazole non routier (GNR) agricole, le Modef (syndicat agricole) demande, dans un communiqué paru le 29 juin, le maintien du tarif réduit pour « les petites et moyennes exploitations agricoles » en le limitant à « 10 000 litres par ferme ». La défiscalisation du gazole non routier représente un soutien budgétaire annuel de 1,4 milliard d’euros, soit 3500 euros par exploitation. Dans un rapport paru le 12 décembre sur la transition énergétique de la ferme France, le CGAAER (ministère de l’Agriculture) proposait de retaxer le gazole agricole « dès 2023 ou 2024 sur une période de dix ans », pour investir dans la transition énergétique » (p.ex. aide à l’achat de tracteurs GNV, robots électriques, panneaux photovoltaïques…). Le Modef s’interroge sur cette perspective, notamment sur les intérêts de grands groupes comme TotalEnergies dans la production de biogaz : « Le gouvernement ne doit pas user de son pouvoir pour développer le capital vert en offrant à ses copains du Cac 40 une fuite en avant dans la production [de] biométhane au détriment de l’intérêt des paysans et des citoyens. » Et le syndicat minoritaire de dénoncer un « greenwashing », rappelant son opposition au développement de la « méthanisation à partir de biomasse alimentaire ».

 

Bovins viande : pour débloquer la contractualisation, Elvéa veut la limiter à 60 %

« Nous avons fait la proposition au ministre de l’Agriculture de descendre à 60 % de volume minimum sous contrat » en bovins viande, contre 100 % actuellement, a indiqué le vice-président d’Elvéa France Gilbert Delmond le 29 juin. « Ce serait une bonne solution pour que les éleveurs n’aient pas peur d’engager toute leur production », a-t-il estimé à l’occasion de l’assemblée générale du réseau d’organisations de producteurs (20 % des éleveurs allaitants). Cette proposition – qui nécessiterait de revoir les textes d’application de la loi Egalim 2 – a été faite à la Rue de Varenne début 2023. « Nous n’avons eu aucun retour depuis », précise Gilbert Delmond à Agra Presse. En application de la loi « visant à protéger la rémunération des agriculteurs », la contractualisation est obligatoire entre les éleveurs de bovins viande et leur premier acheteur depuis 2022. Mais plus d’un an après l’entrée en vigueur, « moins de 10 % » d’éleveurs auraient signé un contrat, selon M. Delmond. Les prix de la viande, historiquement élevés depuis des mois, n’incitent pas les éleveurs à proposer des contrats. Côté acheteurs, les négociants affichent depuis le début leur opposition à la contractualisation. Et « dans mon département (la Corrèze, N.D.L.R.), aucun abattoir ne veut signer », ajoute l’élu d’Elvéa.

 

Sortie du phosmet : parmi six recommandations, le CGAAER table sur l’usage de colza robuste

Dans un rapport publié le 28 juin 2023, une mission du CGAAER (ministère de l’Agriculture) formule six constats et recommandations pour sortir du phosmet, insecticide « essentiel pour le colza, mais désormais interdit ». Concernant les solutions curatives actuelles fondées sur l’agrochimie, la mission estime notamment que les pyréthrinoïdes de synthèse « ne sont pas une alternative durable au phosmet en raison du risque de sélection rapide de populations résistantes, faute d’alternance des modes d’action insecticides ». Dans la perspective des semis de colza de la campagne 2022-2023 (le rapport a été finalisé en octobre 2022, N.D.L.R.), la « technique du colza robuste » a été jugée comme étant « la seule méthode non chimique éprouvée et déjà adoptée sur des surfaces significatives », relève le rapport. Outre cette technique, le rapport prévoit des actions autour des « produits de biocontrôle et des préparations naturelles peu préoccupantes ». Par ailleurs, « les méthodes d’évaluation des coûts de transfert (vers les agriculteurs, N.D.L.R.) et de déploiement de ces méthodes alternatives demandent à être examinées ». Plus largement, « le manque de connaissances sur la biologie de ces ravageurs et leurs auxiliaires constitue une limite à la mise au point et au déploiement rapide de solutions techniques », selon la mission.

 

Installation : en Aveyron, les JA et la FDSEA critiquent l’aide bonifiée pour les femmes

Dans un communiqué commun, les Jeunes agriculteurs et la FDSEA de l’Aveyron critiquent l’aide bonifiée de 2000 euros que la région Occitanie a votée le 22 juin pour l’installation des femmes. Les deux syndicats y voient « une discrimination positive inefficace et inadaptée ». Cette mesure est « mal reçue par les agricultrices de nos réseaux », soulignent JA et FDSEA de l’Aveyron. « Nous souhaiterions que l’enveloppe fléchée sur cette bonification soit utilisée sur la promotion de modèles qui permettront aux jeunes filles de se projeter sur ce type de carrière, poursuit le communiqué. L’incarnation dans l’espace public et médiatique de l’agriculture comme un métier pleinement féminin qui dépasserait même la question du genre nous semble indispensable. » Interrogé dans le cadre de notre enquête sur l’installation des agricultrices, Alexis Roptin, membre du bureau national de JA, s’était dit « non favorable » à une DJA (dotation jeunes agriculteurs) bonifiée pour les femmes. « Aider un certain public, tel ou tel milieu plus qu’un autre ne présente pas d’intérêt », selon lui.