Ressource en eau
40 millions d’eau manquent déjà en été en Rhône-Alpes

Face à un manque d’eau important durant l’été en Rhône-Alpes, collectivités, représentants du monde agricole et économique se sont réunis lors d’une journée d’échange sur le partage de l’eau organisée par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC), à Lyon le 6 juillet.

40 millions d’eau manquent déjà en été en Rhône-Alpes
Le débit d’étiage du fleuve Rhône pourrait subir une baisse de 40 % d’ici à la fin du siècle. Sa ressource en eau doit être préservée.

La planète se réchauffe et les rivières s’évaporent… Les études révèlent un chiffre inquiétant : en été, sur le territoire rhônalpin, il manque environ 40 millions de m3 d’eau pour satisfaire l’ensemble des usages des bassins-versants. Les quantités qui alimentent les rivières ou s’infiltrent dans le sous-sol diminuent, entraînant une baisse des débits des cours d’eau et du niveau des nappes phréatiques. « Le changement climatique aggrave les choses au Nord du bassin RMC et ne laisse pas un débit suffisant dans les rivières pour préserver la qualité de l’eau et de la vie biologique », indique Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse (RMC). « Aujourd’hui, pas un territoire n’est épargné par la nécessité de mieux gérer et partager l’eau entre les différentes activités humaines, agricoles et industrielles… ». Telles étaient les propos tenus le 6 juillet, une dizaine de jours avant la crue historique d'été. Cet anachronisme ne doit rien enlever à la tendance à long terme cependant comme les trois années de sécheresse successives l'ont prouvé dans le récent passé.


Des bassins-versants en forte tension

Plus de deux tiers des bassins-versants sont en situation de déséquilibre en eau ou en équilibre fragile. Le changement climatique est à l’œuvre partout : sept nouveaux bassins versants* préservés jusque-là montrent les signaux d’une aggravation des tensions sur l’eau et pourraient d’ici 2022 s’ajouter aux 42 déjà en déficit. Loin d’être propre aux territoires rhônalpins, cette photographie préoccupante de la ressource en eau fait écho à une situation qui se généralise en France. À l’échelle nationale, à l’horizon 2050-2070, le débit moyen des principales rivières françaises devrait diminuer d’au moins 10 à 40 %. Avec un débit moyen annuel à son embouchure de 1.700 m³/s, le Rhône est le fleuve français le plus puissant par son débit. « Le fleuve Rhône est une solution partielle. Il peut rester une ressource de substitution pendant des décennies mais pas durant des siècles. Son débit est opéré par la fonte des glaciers mais lorsqu’ils auront tous fondu ce sera trop tard. Cette situation n’est pas éternelle si nous ne redoublons pas de mesures efficaces », alerte Laurent Roy.

« Il faut aller au-delà des PGRE »

Au cœur de l’action locale, les plans de gestion de la ressource en eau (PGRE) et les autres projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) incitent en priorité à économiser l’eau, regroupant autour de la table les principaux acteurs utilisateurs de la ressource : industriels, agriculteurs, pêcheurs, services de l’État, particuliers… « En 2015, nous nous étions donnés l’objectif de réaliser 70 PGRE, nous en avons déjà réalisé 60, aucun n’a fait l’objet de contentieux administratif. Ils visent à garantir un partage équilibré entre les besoins des différents usages », ajoute-t-il. En Rhône-Alpes, 20 PGRE sont adoptés, six en cours d’élaboration (Séran, Cance, Gier, Galaure, Drôme des collines et Payre Lavezon) et trois non encore engagés (Méouge Berre, Sud-Ouest Lémanique). En six ans, 5 millions de m3 ont été économisés en Rhône-Alpes et 15 millions de m3 ont été substitués grâce à des prélèvements dans des nappes ou des rivières plus abondantes. « Si les efforts réalisés sont considérables, il faut aller au-delà des PGRE, continuer à se mobiliser car plus le temps passe, plus les objectifs s’éloignent. Le réchauffement climatique avance. »

L’eau : un acquis culturel

Selon l’agence de l’eau RMC, sur les 40 millions de m3 manquant pendant l’été sur le territoire rhônalpin, 10 millions de m3 pourraient être gagnés sur l’eau potable, 8 millions de m3 sur l’industrie et 22 millions de m3 sur l’agriculture. L’enjeu pour le monde agricole est toujours le même : le stockage et la récupération de l’eau pluviale via la construction d’infrastructures. « Il s’agit aussi de recycler l’eau des stations d’épuration, de développer des modes d’irrigation plus économes en eau, comme le goutte-à-goutte. Les techniques existent et les efforts doivent continuer… En France, grâce à notre histoire, nous avons la chance d’avoir l’acquis culturel de la valeur de l’eau. Nous avons les structures, les connaissances, les compétences, les habitudes d’une bonne gestion de la ressource en eau pour pousser nos projets encore plus loin », reprend Laurent Roy. D’après le directeur de l’agence de l’eau RMC, la préservation de la ressource en eau passera aussi par une agriculture plus résiliente, le développement de variétés moins nécessiteuses d’irrigation. Encore une fois, facile à dire pour lui, beaucoup moins pour les agriculteurs s'ils souhaitent vivre de leurs productions.

Enfin, un effort plus conséquent de la part de tous les acteurs doit être réalisé dans la lutte contre l’imperméabilisation des sols. Les zones humides peuvent davantage se développer et s’épanouir lorsque l’infiltration de l’eau dans les nappes y est favorable. Si le volume d’eau est suffisant dans les rivières, les milieux naturels et la vie aquatique retrouveront leur place dans leur écosystème.

Alison Pelotier
* Lange-Oignin (Haut-Bugey), avant-pays savoyard, Fier et lac d’Annecy, Guiers Aiguebelette, Combe de Savoie, Isle Crémieu (Isère), Rivières du Beaujolais.

 

Quid des effets du réchauffement climatique ?
Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, le 6 juillet à Lyon.

Quid des effets du réchauffement climatique ?

Les tendances de diminution des débits d’étiage d’ici 2050 sont sans ambiguïté : de - 30 % et jusqu’à - 60 % sur certaines rivières. Le débit moyen du fleuve Rhône subirait une baisse de 40 % d’ici à la fin du siècle. La diminution possible de la recharge pluviale des nappes serait de - 15 % d’ici à 2050 et l’évapotranspiration augmenterait de 10 à 30 %. Le changement climatique est à l’œuvre partout y compris en zone de piémont ou sept nouveaux bassins-versants seront en équilibre fragile d’ici 2022.
AP