Reprise des exploitations
L’enjeu du renouvellement des générations

Le groupe BPCE, l’organe central commun à la Banque populaire et à la Caisse d'épargne française, a présenté le 20 juillet les résultats de son deuxième observatoire de l’agriculture. Si la crise sanitaire a plus pesé sur les esprits que sur les comptes d’exploitations, l’avenir de la profession passera, selon le groupe, par la transmission des exploitations et l’arrivée de sang neuf pour conserver sa compétitivité. 

L’enjeu du renouvellement des générations

Si l’on en croit les résultats de l’enquête menée par la BPCE entre février et mars derniers, seuls 45 % des agriculteurs ou viticulteurs de plus 55 ans estiment que la reprise de leur exploitation est aujourd’hui assurée. Cette donnée constitue un « enjeu démographique et économique majeur à court terme, mais aussi un levier de transformation pour le monde agricole », a indiqué Alain Tourdjmann, directeur des études et de la prospective du groupe. Il appelle d’ailleurs les futurs cédants à anticiper la reprise car « elle contribue à allonger l’horizon de l’exploitant, lui permettant de projeter des investissements au-delà de sa fin d’activité, ce qui est doublement vertueux : à l’échelle individuelle, cela préserve la valeur de l’outil de production, à l’échelle collective, cela contribue à préserver la compétitivité moyenne des exploitations françaises », a-t-il expliqué. Cependant, la cessibilité est corrélée à la taille de l’exploitation mais aussi à sa forme juridique. Sous forme sociétaire, la reprise est assurée à 55 % contre 37 % pour une forme individuelle. Plus le chiffre d’affaires (CA) de la ferme à céder est important, plus l’assurance de la transmettre est grand : 32 % pour un CA inférieur à 50.000 euros ; 43 % entre 50 et 100.000 € ; 49 % entre 100 et 250.000 € et 54 % pour un CA supérieur à 250.000 €. 

50 départs par jour ! 

La transmission, la retraite et la santé font d’ailleurs partie des préoccupations principales, « surtout à partir de 55 ans. Entre 2019 et 2021, la préoccupation pour la retraite a fortement augmenté auprès des 40-55 ans », a assuré Alain Tourdjmann. Ce phénomène est d’ailleurs visible chez les agricultrices qui « sont davantage préoccupées par la préparation à la retraite (48 %, +5 pts vs 2019) et par la cession-transmission (41 %, idem 2019) que les hommes (respectivement 42 % et 33 %) », a-t-il ajouté. La BPCE s’attend d’ailleurs à un « volume de départ massif dans les 5-10 prochaines années », confirmant ainsi les études menées par le ministère et les organisations professionnelles agricoles. « 22 % des agriculteurs ne sont pas certains de travailler sur leur exploitation dans les cinq ans », a certifié le directeur Études et prospective. Ce qui pour les 440.000 exploitations représenterait un volume de 96.800 cessions d’ici 2025/2026, soit plus de 50 par jour !  

Relativement épargnée 

Cette étude montre par ailleurs que les agriculteurs s’investissent dans une logique de transformation (lire encadré), développent une « consciences aigüe » des attentes de la société et savent très bien les intégrer dans leurs pratiques, a indiqué Perrine Lantoine, responsable des études à la BPCE. C’est notamment le cas du bien-être animal (70 %), du changement climatique (67 %). L’observatoire bisannuel confirme aussi que la crise sanitaire, malgré un ressenti négatif des exploitants interrogés, n’a eu qu’un effet limité en termes de pertes d’activité économique (-2 %) au regard des autres secteurs comme l’hôtellerie (-55 %), les activités de service (-27 %) ou la construction (-10 %). Il n’en reste pas moins que si l’agriculture a été « relativement épargnée par la crise », le choc s’est révélé « asymétrique » selon l’âge, la taille des exploitations, l’activité et la diversification de celles-ci. Il en résulte « une vision de l’avenir qui s’est dégradée par rapport à 2019 », a confirmé Alain Tourdjmann. Ce qui ne les empêche pas d’être dans « une logique de croissance soutenue », a-t-il précisé. 

Les résultats complets de l’enquête de la BPCE sont à retrouver à l’adresse suivante :

https://newsroom.groupebpce.fr/agriculture.html

Des agriculteurs engagés dans l’écologie et l’entreprise

Pas moins de 51 % des agriculteurs interrogés déclarent être déjà engagés dans l’agroécologie à des degrés divers, un chiffre stable par rapport à 2019 et 38 % affirment pratiquer la conservation des sols. L’observatoire confirme un engouement attesté pour l’agriculture biologique et les certifications environnementales. Si 51 % des sondés connaissent les grandes lignes des paiements pour services environnementaux, ils sont en revanche presque un tiers à ne pas y croire du tout.

Par ailleurs, Perrine Lantoine a confirmé « le succès des coopératives et des Cuma » et indiqué que « les réseaux d’échange et de coopération pourraient se renforcer ».

Les jeunes agriculteurs semblent assez enclins à développer un modèle entrepreneurial. « Il est plus fréquent chez eux, avec un impact sur la gouvernance et la structure du capital dans une logique sociétaire », a indiqué Alain Tourdjmann. « Presqu’un agriculteur sur cinq est prêt à accepter un investisseur minoritaire », a-t-il ajouté. « Agroécologie et entreprise agricole sont deux modèles de transformation non exclusifs », a-t-il conclu. Autrement dit : différents mais compatibles.