Loi Climat
Les mesures à retenir de la loi Climat

Suite de l’exercice inédit de la Convention citoyenne, la loi Climat a été adoptée par les deux chambres le 20 juillet, au terme de l’examen de plusieurs milliers d’amendements par les parlementaires. De l’artificialisation des sols à l’écocide en passant par les engrais et la commande publique : le point sur les principales mesures agricoles de la version finale de ce texte-fleuve, au travers duquel le gouvernement entend mettre l’écologie dans le quotidien des Français.

Les mesures à retenir de la loi Climat
Parmi les autres mesures de la loi Climat, l'interdiction de louer des passoires thermiques à partir de 2028 ou encore l'interdiction d'installer des chaudières au fioul pour les nouvelles constructions.

Affichage environnemental : exception agricole, la rémunération absente

Prévu par le premier article du texte, l’affichage environnemental fait partie des sujets sur lesquels les citoyens de la Convention climat ont obtenu satisfaction, sinon sur le calendrier, du moins sur le fond. À l’issue d’une durée d’expérimentation maximale de cinq ans après promulgation, l’affichage environnemental – que la loi Agec avait instauré sous forme de volontariat – devrait être rendu obligatoire pour des catégories de biens et de services définies par décret.

Suite aux travaux des députés, les produits agricoles et alimentaires bénéficieront d’un traitement de faveur, puisque l’affichage devra prendre en compte leurs « externalités environnementales ». Les sénateurs ont en revanche échoué à conserver la rémunération des producteurs dans les calculs de cet affichage, qui sera réservé à l’éventuelle création d’un « rémunéra-score » sur lequel planche la députée Célia de Lavergne avec l’aide du ministère de l’Agriculture.

Biocarburants : publicité autorisée pour les carburants renouvelables à plus de 50 %
La publicité sera désormais interdite pour les énergies fossiles, mais autorisée pour les carburants renouvelables à plus de 50 %. Cet amendement proposé par Barbara Pompili a été apporté par le Sénat et repris en commission mixte paritaire (CMP) Il entre dans le cadre d’un article réglementant la publicité sur les produits et services « ayant un impact excessif sur le climat ». C’est la seule avancée de la loi Climat pour les dossiers des biocarburants. Les professionnels comptaient beaucoup sur une prise en compte de l’analyse de cycle de vie des énergies utilisées en distinguant le carbone d’origine fossile et celui d’origine renouvelable.

Cette prise en compte était intégrée dans un amendement adopté par le Sénat, mais avec avis défavorable du gouvernement. Patients, les professionnels comptent s’appuyer sur la loi Lom (loi d’orientation des mobilités), qui fixe une trajectoire de réduction de 37,5 % des émissions de CO2 d’ici 2030, pour demander chaque année lors de la discussion du PLF un abattement de 40 % sur le malus des voitures roulant à l’E85 (le malus est une taxe additionnelle qui doit être payée lors de la première immatriculation de certains véhicules polluants, en fonction de leurs émissions de CO2).

Artificialisation des sols : le gouvernement obtient gain de cause


Dossier qui traînait de longue date, un cadre réglementaire de lutte contre l’artificialisation est instauré par la loi Climat dans son chapitre IV. La version de la CMP conserve bien le dispositif élaboré par Emmanuelle Wargon : le zéro artificialisation nette s’imposera d’ici 2050 à l’échelle régionale par les Sdraddet, qui pourront le décliner de manière différenciée sur le territoire, avec un premier objectif de division par deux de l’artificialisation sur la première décennie. Principale concession aux sénateurs : les documents d’orientation et d’objectifs, documents opérationnels des Scot, pourront tenir compte, dans leur application de l’objectif, de nombreux critères dont les besoins en matière de logement ou de revitalisation rurale, ainsi que des efforts déjà consentis par le passé.

Avec quelques possibilités de dérogation, l’ensemble des autres documents d’urbanisme auront entre cinq et dix ans pour se mettre en conformité avec l’objectif, sous peine de ne pas pouvoir délivrer de permis de construire. Si le dispositif répond aux inquiétudes des citoyens de la Convention qui souhaitent assurer la conformité entre PLU et Scot, il ne sanctuarise en revanche pas les terres agricoles péri-urbaines, comme la Convention l’avait recommandé. La FNSEA, le 21 juillet, a salué l’élargissement des capacités des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPenaf), qui pourront être saisies sur tous les Plans locaux d’urbanismes (PLU).

Menus végétariens : l’expérimentation d’Egalim devient la règle
Sur le dossier médiatique du menu végétarien, les citoyens de la Convention n’ont obtenu que partiellement gain de cause. Alors qu’ils souhaitaient, avec l’appui de nombreuses ONG, imposer un menu végétarien quotidien dans la restauration collective à partir de 2025, le texte final pérennise dans son article 59 l’expérimentation de la loi Egalim en imposant un menu végétarien hebdomadaire. La ministre de la Transition Barbara Pompili avait fait de cette mesure l’un de ses combats prioritaires, face aux sénateurs qui proposaient de prolonger de deux années supplémentaires l’expérimentation d’Egalim.

Les collectivités locales volontaires pourront toutefois s’engager dans une nouvelle expérimentation de mise en place de ce menu quotidien durant deux ans à compter de la promulgation. L’objectif du menu quotidien s’imposera d’ailleurs dans la restauration collective de l’État pour les établissements qui « proposent habituellement un choix multiple de menus ». Pour la mise en œuvre, les établissements de l’État comme les collectivités volontaires à l’expérimentation renforcée bénéficieront d’outils « d’aide à la décision, à la structuration des filières d’approvisionnement sur leur territoire, à la formulation des marchés publics et à la formation des personnels concernés ».

Commande publique : un approvisionnement des cantines précisé
Lors de la CMP, députés et sénateurs sont de nouveau revenus sur la liste des produits éligibles pour atteindre les objectifs d’approvisionnement de la restauration collective fixés par la loi Egalim (50 % de produits de qualité et durables, dont 20 % de bio). Alors que les sénateurs, bien décidés à élargir au maximum la liste de ces produits, lui avaient ajouté en première lecture les produits sous certification de conformité des produits, ils ne seront finalement pas retenus. L’élargissement aux produits issus du commerce équitable est quant à lui bien maintenu.

La date à partir de laquelle seuls les produits issus des exploitations HVE (niveau 3 de la certification environnementale) seront éligibles (et non plus les produits bénéficiant du niveau 2) est bien avancée de trois ans au 1er janvier 2027 comme le souhaitaient les députés. De plus, de nouveaux objectifs spécifiques pour la viande sont ajoutés. À partir de 2024, au moins 60 % des viandes bovines, porcines, ovines et de volailles devront répondre aux critères de qualité et de durabilité prévus par la loi Egalim. Pour les restaurants gérés directement par l’État, ce taux devra atteindre les 100 %. L’ensemble des règles d’approvisionnement des cantines seront applicables à la restauration collective privée dès le 1er janvier 2024.

Engrais azotés : redevance conditionnée à l’absence de distorsion de concurrence
C’était l’un des points les plus périlleux pour la profession agricole : espérant réduire les émissions liées à la fabrication et aux épandages d’azote de synthèse, les citoyens de la Convention avaient proposé dans leur rapport final d’augmenter la TGAP (taxe sur les activités polluantes) pour les fabricants, ou de mettre en place une nouvelle redevance inspirée de celle dédiée aux pollutions diffuses.

Dans sa version finale, la loi climat prévoit que cette redevance sera mise en place sous une double condition : que le secteur ne respecte pas sous deux ans la trajectoire d’émissions qui sera fixée par décret, et que le dispositif de taxation veille « à préserver la viabilité économique des filières agricoles concernées et à ne pas accroître d’éventuelles distorsions de concurrence ».

La trajectoire fixée par décret détaillera les cibles de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) révisée en 2020, qui prévoit d’ici 2030 pour le secteur agricole des réductions des émissions d’ammoniac de 13 % par rapport à 2005, et de 15 % des émissions de protoxyde d’azote par rapport à 2015. Sur proposition des sénateurs, cette trajectoire sera assortie d’un plan d’action national dédié aux émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote, sur le modèle d’Ecophyto pour les pesticides. Ce plan, précise la loi, établira « un inventaire des technologies disponibles ainsi que la liste des financements publics et des mesures destinés à la recherche, à la formation et au soutien des exploitants agricoles ». Comme l’avait suggéré le sénateur Joël Labbé (Morbihan), les collectivités auront en revanche désormais l’interdiction d’utiliser des engrais de synthèse dans leurs espaces verts.

Déforestation : de nouvelles exigences pour l’industrie
Proposition introduite par les sénateurs, les sociétés soumises au devoir de vigilance et commercialisant des produits agricoles ou alimentaires devront présenter des mesures « propres à identifier les risques et à prévenir la déforestation associée à la production et au transport vers la France de biens et de services importés ». Un décret à paraître pour la période 2022-2026, puis renouvelé de manière quinquennale, devrait également détailler la manière dont l’État devra arrêter d’acheter des biens ayant contribué directement à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la dégradation d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national.

Depuis 2017, la loi sur le Devoir de vigilance impose à toute société possédant son siège social en France et employant plus de 5.000 salariés sur le sol français ou 10.000 dans le monde, de publier un plan visant à identifier ses risques en matière de droits humains et d’environnement, y compris chez ses sous-traitants.

Chèque alimentaire : deux rapports attendus sous six mois
Si le Sénat et l’Assemblée s’accordaient sur l’objectif d’un chèque alimentaire destiné aux personnes en situation de vulnérabilité, ils différaient sur les détails de la mise en œuvre. La version finale du texte conserve les propositions des deux chambres : le chèque devra faire l’objet de deux rapports gouvernementaux sous six mois qui détailleront sa mise en œuvre, et l’aide alimentaire comprendra désormais un critère de qualité.

La loi abandonne aux rapports gouvernementaux la précision du fond de la mesure, qu’il s’agisse « des personnes bénéficiaires, des produits éligibles, de la valeur faciale, la durée, les modalités d’évaluation et de suivi, les modalités de distribution, les mesures à mettre en œuvre pour assurer une bonne adéquation entre l’offre et la demande ».

Écocide : des garanties offertes au monde agricole
Après avoir été supprimé par les sénateurs, le délit d’écocide figure bien dans le texte final. Il concernera cependant uniquement les pollutions entraînant « des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune », et non l’ensemble des neuf limites planétaires (dont le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, ou la perturbation du cycle de l’azote) tel que les citoyens de la Convention l’avaient suggéré. Avec des peines pouvant atteindre dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende, un écocide sera désormais caractérisé comme toute pollution intentionnelle et grave dont les conséquences durent plus de sept ans.

Deux précautions ont été introduites pour lever les éventuelles ambiguïtés quant à le mise en cause des épandages d’engrais ou de pesticides du secteur agricole. Le texte précise que ces nouveaux délits généraux de pollution s’appliquent, « s’agissant des opérations de rejet autorisées et de l’utilisation de substances autorisées, qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente ». La version de la commission mixte paritaire a également clarifié la notion de déchet, en supprimant la mention aux écoulements de substances dans les sols introduite par les sénateurs. Une précision importante alors que les maires de plusieurs communes ont récemment tenté, auprès des tribunaux administratifs, de faire considérer les pesticides comme des déchets. La suite du combat pour l’écocide se déroulera pour le gouvernement français au niveau international, comme l’avait déjà indiqué le président devant la Convention citoyenne à l’été 2020.