Autonomie alimentaire et protéique
Des solutions à portée de main !

Marc Labille
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L’autonomie alimentaire et protéique était le thème d’une après-midi technique sur l’exploitation de Thierry Préaud à Digoin. Sur place, experts d’Alsoni, de la Chambre d’agriculture et de l’IDELE ont passé en revu des leviers pour être moins dépendants aux achats d’aliments. 

Des solutions à portée de main !
Dans la recherche d’autonomie alimentaire, le pâturage tournant est incontournable.

Le 13 septembre dernier, sur l’exploitation de Thierry Préaud à Digoin, Alsoni Conseil Élevage consacrait une après-midi technique à l’autonomie alimentaire en élevage viande. Cette porte ouverte, en collaboration avec la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, s’inscrivait dans le programme national Cap Protéines qui vise à réduire la dépendance de la France aux protéines végétales d’importation. Thierry Préaud est l’un des trois élevages engagés avec Alsoni dans cette démarche d’autonomie protéique chapeautée par l’Institut de l’Élevage. Sur son exploitation de 110 vaches charolaises en contrôle de performances, Thierry Préaud améliore l’autonomie alimentaire de son troupeau depuis 2014.

Pâturage tournant pour tout le monde !

Le point de départ a été l’introduction du pâturage tournant, aujourd’hui généralisé à toute la ferme. Cette gestion plus fine de l’herbe (lire encadré) a immédiatement porté ses fruits. Les croissances des veaux femelles ont progressé de + 20 kg à sept mois sans complémentation et les veaux mâles ont gagné + 33 kg de GMQ (gain moyen quotidien) avec moins de concentrés, fait valoir Arnaud Godard d’Alsoni. « Grâce au pâturage tournant, j’ai diminué la consommation d’aliment de 90 kg par broutard entre la mise à l’herbe et la vente », témoigne Thierry Préaud. Cette conduite pointue de l’herbe a aussi permis d’augmenter les stocks de fourrages récoltés. 150 à 250 bottes de fourrage ont ainsi pu être récupérés sur « des paddocks débrayés » et 50 à 100 bottes supplémentaires « sur du nettoyage de paddocks », indique Arnaud Godard. Autant de « ressources qui étaient gaspillées auparavant quand la pousse était trop forte », fait remarquer le technicien.

Engraissement 100 % herbe

Grâce au pâturage tournant, Thierry Préaud s’est également mis à engraisser des femelles 100 % à l’herbe dans le cadre d’essais conduits avec la chambre d’agriculture et Alsoni (lire encadré). En 2021, des génisses finies exclusivement au pré sur une durée d’engraissement de 168 jours ont donné des carcasses de 452 kg avec de bons rendements.

Méteil grain…

Pour tendre vers l’autonomie protéique, Thierry Préaud s’est mis à cultiver du méteil grain à la place de l’ensilage de maïs. Aujourd’hui, l’exploitation compte 17 ha de méteils grains composés de mélanges d’avoine, orge, triticale, blé, vesces, pois, féveroles. Ces cultures donnent des rendements moyens de 48 quintaux par hectare avec un objectif de 15-16 % de matière azotée. Ces méteils permettent à l’éleveur de réduire la part de complémentaire azoté distribuée aux vaches et aux génisses en hiver. Ces stocks et la meilleure qualité des fourrages récoltés participent aussi à de meilleurs résultats de reproduction, du fait d’une alimentation adaptée à l’approche du vêlage.

Mash fermier

Les méteils grains devraient bientôt être incorporés à un mash fermier que Thierry confectionne d’ores et déjà pour le démarrage de ses veaux. Ce mash est composé de foin de luzerne, de maïs, d’orge, de complémentaire à 25 % de MAT (matière azotée totale) et de mélasse pour 14 % de fibre, 18 % de MAT et 12 % de cellulose brute. Confectionné à la ferme, ce mélange de matières premières a d’ores et déjà permis à Thierry de diminuer le coût alimentaire de ses veaux sans détériorer leurs performances (1.200 g/j pour les mâles et 1.100 g/j pour les femelles). Une économie qu’avaient déjà démontré les travaux de la ferme expérimentale de Jalogny sur la complémentation des veaux d’automne.

Génétique aussi

Aujourd’hui, l’exploitation de Thierry Préaud affiche un niveau d’autonomie protéique de 88 %. Pour l’éleveur, qui a fait de la valorisation de l’herbe la clé de son système, c’est « un moyen de rentabiliser le coût des fermages ». Toujours prompt à aller plus loin dans la technique, Thierry est même en train de tester le pâturage dynamique. Cette quête d’autonomie alimentaire et protéique est menée de front avec une amélioration génétique du troupeau. L’éleveur privilégie ainsi les qualités maternelles (aptitudes au vêlage et lait) ainsi qu’une bonne valeur bouchère. Pour y parvenir, il n’hésite pas à recourir à l’insémination artificielle, au génotypage. Les périodes de vêlage sont bien groupées et les performances techniques au rendez-vous (IVV, productivité, mortalité, poids…).

Conduite vertueuse

Tous ces efforts permettent à l’exploitation d’afficher un bilan environnement plutôt vertueux. Son bilan carbone montre qu’elle compense environ la moitié du carbone qu’elle émet, faisait valoir Sarah Bésombes d’Alsoni. Avec 336 kg de viande vive produite par UGB, l’élevage est performant. Si l’exploitation émet des gaz à effet de serre à travers le carburant, la fertilisation, les effluents, etc., elle le compense grâce à son linéaire de haies (42 km !), ses prairies qui stockent 690 kg de carbone par hectare, mais aussi par sa capacité à nourrir près de 600 personnes par an !

Le pâturage tournant clé de l’autonomie

« Le pâturage tournant est un moyen de maîtriser la quantité d’herbe à fournir aux animaux, sans se laisser dépasser par la pousse », introduisait Véronique Gilles de la chambre d’agriculture. « Riche en protéines, l’herbe courte affiche toujours une valeur de 1 unité fourragère et 18 à 20 % de matière azotée ! ». Une richesse digne d’un concentré du commerce qu’il serait dommage de gaspiller. En outre, le pâturage tournant ferait gagner 20 % de production en plus pour une prairie. Le principe est de découper les parcelles en quatre paddocks minimum. « Plus le nombre de paddocks est élevé, mieux on peut gérer la pousse », fait valoir Véronique Gilles. Les animaux pâturent ces paddocks les uns après les autres selon une rotation permettant une période de repos de 21 jours par paddock. La durée de pâturage est ainsi de sept jours par paddock si les bêtes tournent sur quatre paddocks. Et le pâturage ne doit jamais descendre en dessous de 5 cm de hauteur d’herbe. Le premier effet constaté par les éleveurs qui optent pour cette conduite, c’est le changement d’aspect des prairies avec une flore qui évolue rapidement. « Le pâturage tournant révèle le potentiel des prairies permanentes qui sont capables de toujours repartir moyennant un entretien régulier. En pâturage tournant, elles sont un moyen de s’adapter au changement climatique », concluait Véronique Gilles.

Engraissement à l’herbe tout à fait possible !

En Saône-et-Loire, depuis quelques années, plusieurs éleveurs expérimentent l’engraissement de femelles à l’herbe sous le regard expert de la chambre d’agriculture et d’Alsoni. Comme en témoignait Thierry Préaud, lui-même exploitation support de ce suivi, les résultats ont été très concluants en 2021 pour des génisses qui ont réalisé une croissance moyenne d’environ 1.000 grammes par jour. Pour des vaches suitées, la durée d’engraissement a été plus longue, retardant d’autant les dates d’abattage. Les analyses d’herbe ont révélé des valeurs jusqu’à 24-25 de matière azotée ! Cette herbe très riche bénéficie d’un faible encombrement et d’une très bonne digestibilité, soulignait Sarah Bésombes d’Alsoni. Pour une finition à l’herbe, « la mise à l’herbe doit être précoce. Le pâturage tournant est fortement conseillé. L’objectif de croissance est de 1.000 g/jour et l’animal doit être prêt à l’engraissement : état corporel suffisant, de bonnes pattes, déparasitage… », recommandait la technicienne.