Guerre en Ukraine
Opération sauvetage des récoltes

Cédric Michelin
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En marge de la 77e session de l’assemblée générale des Nations unies qui s’est tenue à New York, du 20 au 23 septembre, la France a organisé une réunion avec d’autres États et institutions internationales pour réduire l’insécurité alimentaire mondiale. Un plan en trois actes.

Opération sauvetage des récoltes

La guerre en Ukraine dont les tensions se sont exacerbées après la mobilisation, par Vladimir Poutine, de plusieurs centaines de milliers de réservistes, n’en finit pas d’impacter le commerce mondial et de menacer la sécurité alimentaire. C’est pourquoi la France, par l’intermédiaire du président Macron, a pris l’initiative de réunir quelques pays et institutions (lire encadré) pour lancer une initiative appelée "Opération sauvetage des récoltes". Celle-ci doit, selon un communiqué de l’Élysée, « promouvoir l’accès aux engrais et autres intrants essentiels par les pays vulnérables ». Elle se déroulera en trois temps. La France et ses acolytes se sont concertés pour « lever les restrictions injustifiées à l’exportation, lutter contre la spéculation et améliorer la transparence des stocks » des denrées alimentaires brutes et transformées. Avec l’aide du système d’information sur les marchés agricoles (Amis), les pays « coalisés » espèrent cartographier, d’ici le 15 novembre date d’ouverture du sommet du G20 à Bali (Indonésie), les différentes restrictions à l’exportation, les « besoins en engrais et des goulots d’étranglement de la production dans les pays vulnérables », ont-ils indiqué. Par ailleurs, cette « coalition » devrait assouplir certains critères techniques d’exportation « auprès des opérateurs », ce qui, traduit en langage diplomatique, s’écrit « réduire les comportements de sur-conformité, notamment en […] octroyant des lettres de confort ciblées ».

Résilience alimentaire

Dans un deuxième temps, la France et ses alliés vont créer un mécanisme d’urgence pour l’achat d’engrais en Afrique. Comment ? « En mutualisant les demandes » ce qui aura pour effet de réduire les prix. Ils veulent aussi favoriser en priorité l’achat d’engrais et produits africains. Par ailleurs, ces pays et institutions se sont engagés à prendre en compte les risques de change et à fournir des solutions logistiques à bas coût, « dans le cadre de l’initiative Farm (mission pour la résilience alimentaire et agricole) en partenariat avec le secteur privé », précise-t-on à l’Élysée. Enfin, troisième et dernier acte, les pays coalisés par la France veulent soutenir « la production à court comme à moyen terme », en s’appuyant sur le programme de 30 milliards de dollars que la Banque mondiale a déjà débloqués pour soutenir la résilience des systèmes alimentaires. La présidence française a, en outre, indiqué qu’une réunion des dirigeants d’entreprises produisant des engrais « sera organisée à Paris en amont du Sommet du G20 de Bali pour intensifier la production aussi vite que possible », sans en préciser toutefois la date. Enfin, les pays coalisés espèrent être entendus des « producteurs gaziers du monde entier » à qui ils demandent « d’assumer leurs responsabilités en limitant les hausses des prix ».

Les puissances invitées 

Autour de la table, la France avait convié le Sénégal au titre de sa présidence de l’Union africaine, la Commission de l’Union africaine, la Commission européenne, le président du Conseil des ministres de la République libanaise. La réunion était en présence des dirigeants de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), du Programme alimentaire mondial (Pam), de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Fonds international de développement agricole (Fida), du Groupe de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) et de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank).

Russie : une récolte record de 150 Mt de céréales ?

Lors d’une réunion gouvernementale retransmise à la télévision russe le 27 septembre, le président russe, Vladimir Poutine, a affirmé que son pays avait déjà récolté « 138,7 millions de tonnes de céréales » et qu’il s’attendait, selon ses prévisionnistes, à une « récolte totale de 150 Mt dont 100 Mt de blé ». Une telle récolte constituerait un record. Vladimir Poutine n’a cependant pas précisé si ces chiffres incluaient les récoltes issues des 20 % environ de terres ukrainiennes que la Russie détient dans l’Est du pays. Cependant, Moscou peine à écouler ses céréales. À la fin du mois de juillet, le pays n’avait pu exporter qu’environ 6 Mt de blé, soit presque 3 Mt de mois que l’an passé à la même période.

25 à 30 % de semences de maïs en moins cette année ?

Selon les dernières prévisions de la Fédération nationale de la production de semences de maïs et de sorgho (FNPSMS), « le niveau de production serait situé entre 70 % et 75 % des objectifs ». En cause, « les conditions climatiques de l’été 2022 (qui) ont été extrêmement pénalisantes […] La sécheresse a eu un fort impact sur le besoin hydrique des plantes et les possibilités d’irrigation ont été limitées », explique la FNPSMS le 27 septembre. Rares sont les zones de production de semences en France à avoir échappé aux vagues de chaleur. Les concurrents directs que sont la Roumanie (2e producteur européen) et la Hongrie (3e) n’ont pas été non plus épargnés. La filière semence a également pâti cette année d’une augmentation des coûts de production et d’un manque de disponibilité de main-d’œuvre saisonnière. « Ces résultats de production inédits vont faire porter sur certaines variétés des risques de tensions en termes d’approvisionnement », insiste la FNPSMS qui assure que « les opérateurs semenciers se mobilisent pour proposer des alternatives ».