Vinification
Une nouvelle année atypique

Régis Gaillard
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Plus les années passent et plus les millésimes se distinguent de leurs prédécesseurs. L’année 2020 ne dérogera pas aux désormais habitudes prises depuis une vingtaine d’années avec une précocité de plus en plus marquée. Et, forcément, une vinification qui doit s’adapter à un changement climatique qui impacte inévitablement le produit mis en bouteille.

Une nouvelle année atypique
La précocité des vendanges est de plus en plus marquée au fil des années, impactant la vinification.

Jean-Luc Soty, du Centre œnologique de Bourgogne à Davayé, ne dit pas autre chose au moment de porter un regard sur le dernier millésime en date. « La précocité du millésime témoigne une nouvelle fois de conditions de maturation particulières. Ces dernières ont engendré des équilibres de la vendange assez uniques et inédits. À savoir une concentration sur certains moûts des sucres, bien entendu, mais également des acidités. Ceci a été particulièrement constaté sur les cépages rouges où il n’a pas été rare d’avoir des degrés potentiels de 15 % vol et plus avec des acidités de 5.5 g/l H2SO4. Des phénomènes de flétrissement ont été fréquemment rapportés. La majorité des blancs mâconnais a cependant souffert de pH assez élevés, nécessitant parfois de légères corrections. La vendange a été saine et le manque d’eau sur certains secteurs a impacté les rendements, espérés pourtant bons en début d’été. Les fermentations sont parties relativement rapidement, permettant un développement qualitatif des levures. Quelques moûts carencés cependant, ou dont le degré potentiel était élevé, présentent des fins de fermentation difficiles, avec parfois des fermentations malolactiques sur sucres et des montées d’acidité volatile restant maitrisées. Les équilibres gustatifs actuels sont surprenants, avec une tension et une fraîcheur que l’on n’imaginait pas avec ces profils de maturation. Les rouges terminés sont d’une couleur et d’une concentration rares ».

Pour sa part, Jean-Michel Atlan œnologue - responsable Technique au sein de la Cave des Grands Crus Blancs à Vinzelles souligne que « concernant notre secteur, les vinifications se sont particulièrement bien déroulées avec une excellente fermentescibilité. Les moûts manquaient un peu d'acidité à cause de la sécheresse estivale mais les pluies à quelques jours des vendanges ont permis de parfaire la maturité dans les zones où la maturité était bloquée. Il a fallu être très vigilant sur l'ordre de récolte des parcelles car les jeunes vignes peu enracinées ont plus souffert de l’été. Il y a donc eu des décalages de maturité mais un suivi régulier et une bonne connaissance de notre parcellaire a permis une récolte en toute sérénité. À la dégustation, on se rend finalement compte que les équilibres sont là avec une belle fraîcheur et un joli fruité. L'élevage finira d'apporter la complexité et le volume en bouche qu'on attend de nos vins ».

Un millésime très prometteur

Du côté des caves particulières, les retours sont sensiblement identiques.  Ainsi, François Grenot du Domaine des As à Péronne, constate que « dans l'ensemble, la fermentation alcoolique s'est bien passée, relativement vite. Certains moûts manquaient d'acidité mais les teneurs en azote étaient correctes et les degrés situés entre 12 et 14. Il fallait avoir un bon groupe froid compte tenu des températures élevées lors de la récolte. Les volumes sont variables en blanc avec des déficits dans les jeunes vignes et les parcelles en coteau. Côté pinot, les rendements sont en chute de 20 à 60 % ».

À Rully, Jean-Baptiste Ponsot précise que « sur ce secteur, les 30 millimètres de pluie tombés la semaine avant les vendanges ont permis d’avoir des équilibres parfaits sucres - acidité - pH. Avec des degrés oscillant entre 13 et 13.8. Les vinifications se sont bien passées et les fermentations étaient normales (inférieures à trois semaines). Les rendements désirés en blanc ont été atteints. Il manque cependant entre 10 et 15 % de volume dans les rouges. Vu la sécheresse, ce millésime est qualitatif et quantitatif. Je signerai bien pour le faire tous les ans ».

Enfin, Jean-Claude Dessendre du Domaine de la Tour Bajole à Saint-Maurice-les-Couches rappelle que « dans ce contexte de réchauffement climatique, il faut être encore plus réactif. Pour mémoire, depuis 1985, nous n’avons vendangé qu’une fois au mois d’octobre. Cette année, nous n’avons vendangé qu’une journée en septembre ! Nous sommes confrontés à des années de plus en plus précoces. Le 20 août, le degré potentiel des vins était de 12° sur les vignes précoces. Nous savons que les raisins prennent en moyenne trois dixièmes de degrés par jour. Cela nous a amené à débuter les vendanges le 26 août pour finir le 1er septembre. Nous avons commencé par les pinots précoces, pour terminer avec les chardonnay qui, cette année, avaient du retard dû à la période froide du printemps. Ensuite, en terme de vinification, les fermentations alcooliques sont parties très rapidement du fait des températures élevées. Il a fallu refroidir pour calmer leurs ardeurs. Par contre, le fait de procéder à des vendanges en journée continue, débutées très tôt le matin et finies en tout début d'après-midi, a atténué ce phénomène. Je pense qu’à l'avenir, nous procèderons de la même manière au niveau des horaires de vendanges. La température ambiante élevée a favorisé l’enclenchement dans la foulée des fermentations malolactiques. La bonne surprise est que nous avons des vins très équilibrés, tout comme l’an dernier. Finalement, les épisodes caniculaires n’altèrent pas les niveaux d’acidité. On devrait avoir des vins bien structurés, riches, assez concentrés, très colorés pour les rouges, sur le fruit, même si les rendements ne sont pas atteints. Pour les blancs, la belle surprise vient des rendements en jus qui, malgré la sècheresse, sont là. Le processus fermentaire a été identique aux rouges avec, quelquefois, des fins de fermentation plus longues ».