De la cuisine au terroir
Les abats n’ont plus la cote

Ariane Tilve
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Cervelle d’agneau, tête de veau ou langue de bœuf, ces plats qui ont fait les beaux jours de la gastronomie française sont de moins en moins demandés. Pour tenter de les remettre au goût du jour un évènement est organisé chaque année, "Novembre, le mois des Produits Tripiers". Pour la 22e édition, la Bourgogne-Franche-Comté se mobilise sur la thématique du trompe-l’œil.

Osez manger osé ! L'opération de séduction des produits tripiers.
Osez manger osé ! L’opération de séduction des produits tripiers.

Trente-huit restaurateurs du territoire ont décidé de se joindre aux 10.000 artisans et bouchers tripiers, partout en France, pour mettre ces produits à l’honneur. Parmi eux, on retrouve cinq restaurants de Saône-et-Loire : Les Canailles à Chalon-sur-Saône, Le Relais des Perrons à Mont-Saint-Vincent, Le Châteaubriant à Autun, L’Auberge des Gourmets à Le Villars et Le Moulin du Gastronome à Charnay-lès-Mâcon. Tous vont participer à l’opération "Osez manger osé", dont l’objectif est de camoufler les abats dans l’assiette. Le principe est de ne pas laisser de place aux éventuels préjugés. Seul compte le goût pour inciter le grand public à (re) découvrir les produits tripiers. Sous couvert de nouvelles expériences culinaires, il s’agit de redorer le blason de ces produits qui ont mauvaise presse, dans les grandes agglomérations surtout.

Patrick Gautier, chef des restaurants La Madeleine et le Crieur de vin, à Sens, se désole du manque d’engouement de ces produits qu’il aime travailler. « Certains produits comme les tripes, le gras-double ou les rognons blancs, ont complètement disparu de nos cartes parce qu’il n’y a tout simplement plus de public pour les consommer. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Le seul produit qui trouve encore preneur, c'est le ris de veau, la star des abats. On en écoule quatre à six kilos par semaine. Encore faut-il suivre, parce qu’ils ont augmenté de 10 à 15 %, en un an, à l’achat. »

Arnaud Baptiste, ancien candidat de l'émission Top chef sur M6, engagé pour les produits tripiers.

 

Côté producteur, Bœuf éthique, que l’on retrouve notamment sur les marchés de Chalon-sur-Saône, Chagny et Cussy, a choisi de ne pas conserver ce que l’on appelle le cinquième quart. « Notre fonctionnement ne le permet pas, explique la présidente et fondatrice Émilie Jeannin. Nous travaillons avec un abattoir ambulant. Trier et conditionner ce type de produit coûterait sans doute trop cher. Nous n’avons même pas pris la peine de le chiffrer puisque de toute façon, nous n’avons pas la demande ». À l’inverse, la Ferme du Mont Rouge, à Blanot, garde et conditionne les abats sur commande. « Nous avons une clientèle rurale et traditionnelle qui demande régulièrement ce type de produit. Pour ma part, je ne constate pas d'évolution dans la demande, ni dans un sens ni dans l’autre », explique Marine. 43 % des ménages français achètent régulièrement des produits tripiers généralement très abordables, puisqu’ils affichent un prix moyen au kilo de 9,80 €. Un argument insuffisant pour cette filière.

Il semblerait que le désamour ait débuté, notamment en milieu urbain, juste après la crise de la vache folle. Il y a 22 ans, artisans et bouchers tripiers lancent donc l’opération de novembre pour redynamiser la filière et valoriser les produits tripiers. L’opération parvient-elle à changer les mœurs ? C’est ce que semble indiquer la responsable de la communication de l’évènement, Justine Chevrier. « De 2014 à 2018, nous avons vu une évolution grâce aux événements grand public. D’année en année, le nombre de consommateurs grandit parce que nous faisons des événements en lien avec les tendances du moment ». Cette 22e édition n’échappe pas à la règle avec la présence d’Arnaud Baptiste, qui a participé à l’émission Top Chef, sur M6, et qui joue à présent les influenceurs sur les réseaux sociaux. C’est lui qui ira à la rencontre des Français pour leur faire goûter, à l’aveugle ou en trompe-l’œil, des produits tripiers, afin de faire tomber les a priori. Autre argument, très tendance lui aussi : « ne plus rien mettre de côté dans l’assiette, et limiter ainsi le gaspillage alimentaire, en consommant tout ce que l’animal a de bon à nous offrir ».

Les abats en trompe-l’œil