Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire
Une session purement viticole

Cédric Michelin
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Une fois n’est pas coutume, la dernière session de la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire était entièrement dédiée à une production. Un choix assumé car cette culture pérenne est au premier rang face au changement climatique. À la cave de Buxy, le 24 novembre, même si les questions restent nombreuses, les réponses et solutions se mettent en place.

Une session purement viticole

« Non pas qu’il n’y ait pas de problématiques pour autant dans les autres productions du département mais cette session sera totalement consacrée à la viticulture », introduisait le président de la chambre, Bernard Lacour. Dans la nouvelle salle de réception de l’historique cave de Buxy, son président François Legros rappelait l’évolution de la coopérative, symbolique de celle de la viticulture du département. « Après la crise du vrac en 1989, en 20 ans, on a renversé pour s’orienter vers la bouteille à 99 % », en s’appuyant sur les appellations régionales (2/3) et les AOC communes (1/3). À quoi, ont été rajoutées des démarches qualités (Vignerons engagés, HVE, bientôt AB…). Sauf que le changement climatique se fait déjà ressentir, en bien sur la qualité des vins (fin des chaptalisations…), mais aussi en mal comme en 2021 avec moitié moins de récoltes (35,000 hl contre 70.000 hl à Buxy). Et la filière de se poser nombre de questions face aux « contradictions » soulevées par le changement climatique et les demandes sociétales. « Nous sommes confrontés à des choix de taille, entre améliorer nos bilans carbones, en passant plus (travail du sol…) ou avec une chimie raisonnée » pour lutter contre les maladies (mildiou, oïdium…) et de nouvelles.
Fils de viticulteur dans les Corbières, le nouveau préfet, Yves Séguy en est parfaitement conscient, lui qui à son poste, voit se « combiner contraintes réglementaires, contrôles, techniques, cahier des charges AOP, HVE, labels… et des contraintes sociétales toujours plus fortes ». Pas de doute, au XXIe siècle, être vigneron, « c’est être un très bon technicien », saluait-il, tout comme son secrétaire général de la préfecture, en fin de session, jugeant la « culture scientifique » des agriculteurs et viticulteurs, « bien meilleure que celle du reste de la population française », jugeait Anthony Delavoët.

La charte ZNT signée (à nouveau)

Après tant de louanges, le préfet Séguy mettait néanmoins en garde sur « les standards qui dictent l’achat des clients, à ne pas ignorer », même si les consommateurs « ne se rendent pas compte de tout ce qu’il y a à faire », suggérant à la filière d’être plus pédagogique. Une façon sans doute aussi de souligner l’évolution vers la viticulture biologique, qui communique sur le sans pesticide (*de synthèse) notamment. Verra-t-on fleurir d’autres assertions dans le futur (*sans CRM ; sans néonicotinoïde…) ?

L’État a également une part de la réponse en fonction de la suite qui sera donnée aux Chartes ZNT riverains. Celle de la Saône-et-Loire a été signée le matin du 24 novembre. « C’est un signal fort de la profession, signe de sa maturité à fixer ses règles du jeu ». Pourtant, en clôturant son discours, le préfet faisant mention des « actions à mener contre le mal-être », nul doute qu’être traité de pollueur régulièrement, y contribue fortement.
Et ce n’est pas l’intervention du président de l’association de consommateurs, UFC Que Choisir 71, qui était de nature à rassurer, obligeant le DDT, Jean-Pierre Goron a lui rétorquer que la « Charte de 2020 n’était en rien critiquable. Et cette nouvelle Charte non plus », avec une durée pour la consultation publique « multipliée par plus que deux », d’août jusqu’au 12 septembre.

De nombreux paramètres à croiser

Ce que confirmait l’élu en charge de la viticulture, Marc Sangoy. « Si la viticulture de ce département va plutôt bien, ce n’est pas un long fleuve tranquille et il y a encore des problèmes à régler », introduisant le reste des débats, « sur les marchés, le matériel végétal, l’environnement, la société… » et même la pénurie de main-d’œuvre et le futur des formations viticoles. Des sujets « pour une prochaine session », lançait-il. Bernard Lacour n’y était pas opposé tant cela remodèle l’économie et les choix des exploitations, pas que viticoles. Dans tous les cas, les équipes de la chambre d’agriculture, et son service Vigne & vin étaient salués pour leur « implication » et sauront accompagner la profession pour « tracer la route ».
Une route qui continue soulignait Pascal Gaguin, viticulteur de « quatrième génération qui a vu le travail avec pulvés à dos », rappelant ainsi les progrès accomplis, à ne pas oublier ou mésestimer.

Des décisions pas simples

Qui de mieux pour parler d’avenir qu’un jeune, Mathieu Jambon en l’occurrence pour les JA71, vigneron à Prissé, installé à 25 ans, hors-cadre familial et « passionné. Mais la gestion, la comptabilité, les normes… cela fait réfléchir lorsqu’on s’engage dans ce projet de vie. Les jeunes vignerons ont conscience des évolutions très rapides mais, il faut nous donner le temps nécessaire aux adaptations ». Une nécessité pour « nous laisser le temps de trouver des solutions afin de continuer à boire le verre de l’amitié dans trente ans encore ».
À la fin de la session, Bernard Lacour remerciait tous les intervenants (dans nos prochaines éditions). « Au regard des exposés, un travail important reste à faire. La viticulture à valeur d’exemple pour son organisation et ses réflexions. Les décisions à prendre ne seront pas simples », concluait le président de la chambre. L’implication de toutes et tous est donc plus que jamais nécessaire.

Un tiers n’ont pas de successeur !

Pour présenter la Saône-et-Loire viticole de long en large, le directeur du service Vigne & Vin à la chambre et le directeur des marchés au BIVB, Philippe Longepierre n’étaient pas trop de deux. Avec 136 communes viticoles pour 14.000  ha, l’axe Nord-Sud va du Couchois/Maranges à la Côte Chalonnaise (5.000 ha) en direction du Mâconnais (7.000 ha) jusqu’à la zone Beaujolaise (2.000 ha). Si la vigne pèse pour 2,5 % des surfaces agricoles dans le département, elle n’en reste pas moins le « 9e en France et 1er des départements en Bourgogne », à 95 % classé en AOP (24 appellations). Avec quatre cépages principaux (0,4 % autres), la surface moyenne est de 9,31 ha en moyenne chez les 1.457 exploitations viticoles spécialisées. « Mais on voit une augmentation des surfaces », glissait Benjamin Alban, dénombrant 391 exploitations de moins de 2 ha, 533 entre 2 et 10 ha, 373 entre 10 et 20 ha, 146 entre 20 et 50 ha et même aujourd’hui 14 de plus de 50 ha. Corollaire, de nouvelles formes sociétaires sont apparues (SCEA, SARL, SA…) aux côtés des 360 EARL et 793 exploitations individuelles. Derrière, à noter également des modes de faire valoir souvent invisibles, à 32 % en propriété, à 60 % en fermages « souvent familiaux » et avec encore « un reliquat » de métayage.
Si la profession se féminise, 80 % des vignerons sont des hommes. L’âge moyen est de 51 ans et « un tiers ne connaissent pas leur successeur ». 40 % pensent remettre à un membre de leur famille.

Si les maisons de négoce sont aux entournures, les coopératives rappellent et travaillent à trouver des solutions. Car près de 300.000 hl - sur les 700.000 hl/an en moyenne qui sont produits en Saône-et-Loire - sont produits par treize caves coopératives et leurs 722 coopérateurs. Plus donc que les 618 domaines vinificateurs. 122 cartes de négoces sont comptabilisées en plus… pour rajouter des appellations, de la valeur et des volumes face aux aléas.

Prétentieux voir excluants !

Côté BIVB, Philippe Longepierre voit que la Saône-et-Loire pèse pour 44 % des vins blancs de la Bourgogne et 29 % des crémants. L’évolution des surfaces se fait néanmoins plus « doucement » (+1,4 %/an) que dans les années 1980, « après des pourcentages à deux chiffres ». Pesant donc pour 575.000 hl en moyenne, soit 40 % de la récolte en Bourgogne, les rendements moyens évoluent à la baisse depuis dix ans, « avec plus de pertes et un effet yoyo depuis 2003 », 2021 divisant la récolte carrément par deux, suivi d’un généreux millésime 2022.
Avec des marchés des vins demandeurs, 21 % des volumes des vins de Saône-et-Loire sont exportés (18,4 millions équivalent 75 cl pour Mâconnais/Chalonnais). La grande distribution écoule 24 % (7,9 M équivalent 75 cl), « en grosse proportion des vins blancs ».
Faute aussi de stocks et de disponibles, « les prix augmentent » aux clients. Le résultat aussi de la montée en gamme. Mais qu’en pensent les consommateurs de demain ? Le BIVB a enquêté auprès des Millenials (23-45 ans) en France, aux États-Unis et Royaume-Uni. Résultats, il y a du travail pour les conquérir car ils ne sont pas dans la continuité des précédentes générations. « 78 % des vins en France sont consommés par les plus de 50 ans et seulement 20 % par les moins de 30 ans ». La déconsommation totale atteint -34 % ces deux dernières décennies. La Bourgogne y échappe pour l’heure. Mais d’autres concurrents menacent. La bière est même devenue la boisson préférée des Français.
Les jeunes n’arrivent pas à nommer cinq AOC de Bourgogne, sauf à pointer dans une liste. Paradoxalement, les Millenials n’ont pas confiance dans les certifications mais demandent des preuves. « Le Bio n’est pas la solution à tout » et le producteur ou la marque doit apporter d’autres gages.
« Trop technique, intimidant… », pas la peine de compter s’appuyer sur les notions de cépages, millésime, terroirs ou Climats… « ce n’est pas clair, ou pas la même définition selon le pays des clients ». Seule la région viticole semble avoir un impact.
Pire, une majorité de Millenials exprime une forme de rejet des vins de Bourgogne, « prétentieux, pas modernes, exclusifs voir excluants ». Le syndrome du touriste mal accueilli à Paris gagnerait-il Beaune ? Lueur d’espoir, si le prix est « important », « tout dépend de la qualité et de la promesse derrière, comme pour les smartphones », en somme.
Mais n’espérez pas les convaincre facilement d’être l’iPhone des vins. Les Millenials vont chercher l’information « vers leurs communautés, sur leurs réseaux sociaux ». Pour imager cette rupture, « ce n’est plus le père qui transmet la culture du vin mais les enfants avec d’autres enfants-influenceurs, et encore plus dans les foyers monoparentaux ».