Ferm'Inov
Comment optimiser la gestion de son pâturage pour réduire la complémentation des veaux ?

Florence Bouville
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Lors de la journée technique régionale organisée le 10 novembre à Ferm’Inov, plusieurs ateliers se sont succédé, dont un dédié à un des dispositifs phares du site expérimental : la conduite du cheptel de jeunes bovins. Depuis 2015, le suivi ne cesse d’évoluer, permettant d’étudier les effets de la zéro complémentation, couplée à la mise en place du pâturage tournant.

Comment optimiser la gestion de son pâturage pour réduire la complémentation des veaux ?
Depuis 2015, Ferm'Inov conduit un essai visant à réduire la complémentation du cheptel de broutards nés à l'automne.

Le protocole expérimental ainsi que les résultats de l’essai ont été expliqués à deux voies, celles de Thierry Lahemade et Véronique Gilles, respectivement conseiller élevage allaitant et conseillère entreprise à la chambre d’agriculture 71.

Adapter le pâturage à la pousse, pas si simple…

L’objectif premier du pâturage tournant est de « gérer la hauteur d’herbe », introduit Véronique Gilles. En sachant qu’en Saône-et-Loire, comme dans la quasi-totalité des départements, la pousse de l’herbe est très hétérogène ; elle varie selon les conditions météorologiques et pédoclimatiques. Pour améliorer cette gestion, des règles de base et des valeurs de référence ont donc été déclinées, en fonction de la topographie, de la nature des sols… À commencer par la hauteur d’herbe, devant mesurer entre 10 et 13 cm à l’entrée du paddock et au minimum 5, à la sortie des animaux. Si jamais vous ne disposez pas d’un herbomètre, les "repères à la botte" (10 cm au niveau de la cheville, 5 cm au talon, etc.) demeurent tout aussi efficaces. Autre outil d’aide à la décision : les jours d’avance. Donnée se calculant en divisant le stock d’herbe disponible par les besoins journaliers des bêtes. À noter qu’il faut au minimum compter 21 jours de repousse (repos) et au maximum sept jours de présence par paddock. Ces laps de temps se traduisent aussi, sur le territoire, par une durée de rotation de 28 jours (avec au minimum quatre unités). Il convient ainsi d’avoir des paddocks les plus homogènes possibles, dont l’accessibilité peut être facilitée, si nécessaire, via des chemins de terre. De plus, le point d’eau ne doit pas se trouver à plus de 400 m du fond du paddock. Quant au maintien de l’ombre, cela constitue le facteur « le plus difficile à obtenir et à aménager », indique la conseillère. Enfin, concernant les clôtures, il est préférable d’installer des modèles permanents ou des semi-permanents électriques.

À Jalogny, le pâturage tournant a été mis en place à partir de 2021, via cinq parcelles. Avant cette date, le système était basé sur du pâturage libre à deux parcelles (de 2015 à 2018), suivi d’une période de pâturage "intensifié" à trois parcelles, en 2019 et 2020.

Baisse de la complémentation : recherche d’une marge économique

L’objectif global de la conduite du cheptel de broutards est de « trouver la bonne complémentation pendant la phase hivernale », explique Thierry Lahemade. C’est dans ce contexte-là que les effets du pâturage tournant sont étudiés ; dans la mesure où « en plus d’une dynamique de préservation des prairies, il s’agit d’un mode de gestion des troupeaux et de leur complémentation ». Gestion visant donc à diminuer la consommation quotidienne de concentrés. En sachant qu’aujourd’hui, l’évaluation des avantages économiques engendrés par un gain d’autonomie protéique constitue une démarche d’autant plus importante que la conjoncture est loin d’être idéale. Attention toutefois, « performance technique ne signifie pas toujours performance économique », avertit le conseiller.

Les veaux de l’essai nés à l’automne (de fin août à octobre) sont répartis en deux lots, selon deux conduites alimentaires (complémentations) différentes. Sous la mère, la croissance visée s’élève à 1.300 - 1.400 g/j. Au bout d’environ neuf mois, ils sont commercialisés en Italie, au plus tard le 1er juillet, du fait des cours du marché.

En 2021, début de la mise en place du pâturage tournant, le second lot n’a pas été complémenté de fin mars à juin. Par rapport au premier lot complémenté en bâtiment et au pâturage, il a fallu compter deux semaines supplémentaires pour que le poids à la vente soit égalisé. Là où cela devient intéressant, c’est que, malgré ce décalage, la marge économique enregistrée sur le second lot s’est révélée supérieure. En 2022, deuxième année de test, la décision a été prise de vendre le lot non complémenté au pâturage plus tôt (pas d’affouragement mis en place), à cause des conditions de sécheresse. Cela s’est traduit par un différentiel de poids moyen de 32 kg entre les deux lots. Au bilan, malgré « un timing moins parfait, la marge économique fut quand même bonne », relate Thierry Lahemade.

En 2023, toujours en accord avec les objectifs de commercialisation, Ferm’Inov a poussé l’expérimentation un cran plus loin, en introduisant un lot non complémenté, de mi-novembre à juin. De très bons niveaux de croissance ont été obtenus, même sans cet apport de concentrés. Ainsi, grâce au pâturage tournant, une économie d’un kilogramme de concentrés par mâle et par jour a été permise ; ce qui représente un total de 100 kg/tête. Ces résultats restent bien sûr à confirmer et à pérenniser, pour véritablement « tendre vers la zéro complémentation ». En outre, ces pratiques ont un impact positif sur la qualité de l’herbe, s’inscrivant dans un réel cercle vertueux. En résumé, « une bonne herbe est un bon concentré par excellence », souligne Thierry Lahemade, au vu des valeurs énergétiques recensées.