Problématique sanitaire
Datura : tolérance zéro !

Françoise Thomas
-

Lors de la rencontre technique Sym’Biose proposée le 4 mars dernier en visioconférence, l’un des sujets abordés fut la problématique du datura (stramoine). Particulièrement toxique pour les animaux comme pour les hommes, il convient de bien le connaître et d’activer un maximum de leviers pour juguler l’expansion de cette plante invasive.

Datura : tolérance zéro !
Une nouvelle réglementation en cours en Europe devrait bientôt encore abaisser les seuils limites tolérés de présence de datura en alimentation humaine.

Parce que la toxicité de cette plante est extrême (voir encadré) aussi bien pour les animaux que pour les hommes, le message est qu’il n’y a aucune concession possible : dans chaque parcelle agricole (ou autres), l’objectif, c’est zéro datura.

Aussi, lors de la visioconférence Sym’Biose, organisée entre autres partenaires par Arvalis le 4 mars dernier, la partie consacrée à cette plante visait clairement à alerter sur sa dangerosité et à indiquer les leviers à mettre en œuvre pour l’éliminer des parcelles et empêcher sa présence.

Actuellement, l’expansion du datura (stramoine) est généralisée à l’ensemble du territoire français, mais il apparaît que les bords de Loire, du Rhône, tout le sud-ouest et surtout la façade atlantique, le bassin parisien et le pourtour méditerranéen sont particulièrement impactés.

Le déploiement de cette plante annuelle estivale s’opère surtout à la faveur des cultures de maïs et de tournesol.

Ses atouts sont de très petites graines à la très longue durée de vie et des levées échelonnées d’avril à septembre.
Sa dangerosité vient aussi du fait que toutes les parties, des racines jusqu’aux graines, sont toxiques !

Différents leviers

Pour cette plante estivale, il convient de surveiller les abords des parcelles et les chaintres, toutes les zones nues : les passages d’enrouleurs et de roues, les zones de cultures peu denses et de tout mettre en œuvre pour empêcher son déploiement dans une parcelle.

Lorsqu’il ne s’agit que de quelques pieds, le plus simple reste l’arrachage manuel, avec des gants ! Et en sortant la plante de la parcelle.

Lorsque la prolifération est plus marquée, il est conseillé de procéder à un faux-semis en interculture pour faciliter la levée du datura afin de le détruire avant sa montée à graines.

Lors du travail du sol ou des récoltes, il faut veiller, dans la mesure du possible, à débuter par les parcelles les moins contaminées et à procéder à un nettoyage rigoureux du matériel à l’air ou à l’eau.

Dans le sud-ouest, zone particulièrement impactée, et ce, depuis de nombreuses années, les études montrent qu’une bonne alternance entre cultures d’hiver, cultures de printemps et cultures d’été limitent de fait l’implantation du datura. Il convient aussi de limiter les cultures à risques dans les parcelles historiquement très infestées.

Des herbicides sont aussi possibles (pour les conduites non bio), mais leur application est compliquée du fait que le datura a des levées très échelonnées. Ils ne se positionnent également qu’au stade 4 feuilles maximum du datura.
La destruction du datura avant la montée à graines reste la règle première.

Vers une réglementation encore plus drastique ?

Au-delà de l’aspect sanitaire direct pour les animaux, la lutte contre cette plante pourrait prochainement se trouver règlementairement renforcée.

Jusqu’à présent, pour l’alimentation humaine, seule la catégorie Baby Food se voyait imposer une limite maximale de 1 µg/ kg de présence des deux principaux alcaloïdes contenus dans le datura (l’atropine et la scopolamine). Ceci dans les aliments pour les nourrissons et les jeunes enfants contenant du millet, du sorgho, du sarrasin et leurs dérivés. Il est question qu’une règlementation européenne étende ce seuil limite à plusieurs autres classes de l’alimentation humaine. Si le texte suit son cours, cela pourrait être applicable dès la récolte 2022.  

La règlementation sur l’alimentation animale limite le seuil de présence à 1 g de graines de datura par kg de céréales. Seuil compréhensible lorsque l’on sait qu’un seul pied de datura pour 25 m² de ce qui deviendra du maïs ensilage peut intoxiquer mortellement un bovin…

D’où le message de cette visioconférence : le seuil de tolérance datura est donc bien de zéro pied sur l’ensemble des parcelles de l’exploitation.

Beauté fatale
Il n’y a pas que les belles fleurs de datura en forme de trompette qui présentent un potentiel de toxicité redoutable, toutes les autres parties de la plante aussi.

Beauté fatale

Les alcaloïdes tropaniques contenus dans chaque partie du datura (selon un degré de toxicité croissant : racine, tige, fleur, feuille, graine), dont principalement l’atropine et la scopolamine, agissent sur le système nerveux central. Ils entrainent des troubles cardiaques, respiratoires, digestifs, des hallucinations et de la confusion mentale. Et peuvent entrainer coma et décès.

Les animaux présentent des signes d’abattement, des troubles nerveux et alimentaires. Aucun traitement efficace n’existe. La toxicité de la plante persiste dans les fourrage et ensilages à des taux très faible : 1,2 % de datura dans l’ensilage et 0,5 % dans le foin entrainent des risques sanitaires importants !

Ruminants, équins et porcins sont concernés.

Cette plante envahissante peut mesurer jusqu’à 2 m de haut, chaque pied de datura peut contenir 20 fruits, chaque fruit peut contenir 500 graines, d’où une concurrence importante avec les cultures en place…

1 gr de graine de datura contient 4.443 ug d’alcaloïdes tropaniques, 1 graine pèse environ 6,3 mg. Donc une graine contient en moyenne 28 ug d’alcaloïdes tropaniques.