Relations commerciales
Nouvelle réforme annoncée

C’est acté. Trois ans après la promulgation de la loi ÉGAlim, l’exécutif constate l’échec du texte pour améliorer le revenu des agriculteurs, et il veut avancer. Le ministre de l’Agriculture a annoncé le 23 mars qu’il souhaite à nouveau modifier le cadre réglementaire, « dès cet été », poussé par le syndicalisme majoritaire, et notamment par la forte mobilisation syndicale de la Fédération nationale bovine. 

Nouvelle réforme annoncée
Le gouvernement devrait s’appuyer sur les rapports de l’ex-patron du Système U, Serge Papin, et du député Thierry Benoît, présentés les 24 et 25 mars. Une proposition de loi de Grégory Besson-Moreau serait en préparation. Reste à savoir jusqu’où les parlementaires pourront pousser les limites des règles de la concurrence, et voudront exposer les agriculteurs aux importations.

Le constat est désormais partagé. La loi ÉGAlim n’a pas réussi à remplir les objectifs que ses auteurs lui avaient fixés : revoir la répartition des marges au sein des filières au profit des agriculteurs. Et le gouvernement vient de s’engager à changer de nouveau les règles du jeu, dans l’année.

Le 23 mars, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie affirme qu’il mène des discussions avec les parlementaires pour que les recommandations de Serge Papin « soient suivies d’effet ». « Toutes n’ont pas besoin du cadre législatif », y explique-t-il. « Dans l’idéal, les amendements aux textes, les modifications nécessaires, devraient être apportés dès cet été afin que les prochaines négociations commerciales se déroulent dans un nouveau contexte ».

« Nous attachons une extrême importance au rapport de Serge Papin », confirme le cabinet du ministre de l’Agriculture, qui reste toutefois prudent sur la liste et les contours des mesures qu’il souhaiterait mettre en œuvre. Des échanges avec Bercy doivent avoir lieu.

Contrats obligatoires

Hasard du calendrier, ce n’est pas un, mais deux rapports qui ont été publiés la même semaine à ce sujet. Celui du député Thierry Benoit présenté le 24 mars aux députés de la commission des Affaires économiques. Et celui de Serge Papin, remis le lendemain aux ministres de l’Agriculture et de l’Industrie, qui le lui avaient commandé. Ces deux rapports, le premier soutenu par le député Grégory Besson-Moreau et l’autre par Julien Denormandie, devraient constituer une base de discussion importante.

Comme ce fut le cas lors de la loi ÉGAlim, les mesures les plus stratégiques de ces rapports – et celles les plus corsetées juridiquement – relèvent de la contractualisation. Qu’il s’agisse de son caractère obligatoire, de sa durée ou de la prise en compte des coûts de production.

Depuis environ un an, l’ensemble des filières – même la filière bovine – disposent d’indicateurs de marché et de coûts de production, comme l’imposait la loi ÉGAlim. Mais leur effet est encore limité, car la contractualisation est encore très loin d’être généralisée – obligatoire en lait, presque inexistante en viande bovine – et l’intégration des coûts de production reste à géométrie variable.

Sur le sujet central de la contractualisation, le rapport de Serge Papin est clairement le plus offensif : il propose tout simplement de rendre le contrat « obligatoire » entre les agriculteurs et leur premier acheteur.

Pluriannualité obligatoire

L’ex-patron de la distribution ne s’arrête pas là. Pour « des produits alimentaires de première transformation ou à forte composante de matière première agricole » (par exemple boulangerie, charcuterie), Serge Papin propose que les contrats soient non seulement obligatoires, mais aussi pluriannuels, d’une durée de trois ans. Et cette pluriannualité doit s’appliquer également aux contrats que ces mêmes transformateurs noueraient en aval, jusqu’à la distribution.

De facto, la généralisation des contrats pluriannuels supprimerait la date butoir du 1er mars, où chaque année doivent être conclus, sous peine de sanctions, les contrats entre les enseignes de la grande distribution et leurs fournisseurs.

Quote-part agricole « non négociable »

Serge Papin fait d’autres propositions détonantes, pour renforcer le maillon agricole. Toujours dans ce périmètre « des produits alimentaires de première transformation ou à forte composante de matière première agricole », Serge Papin propose ensuite que « la quote-part du prix de la matière première agricole doit figurer comme un élément non négociable ».

L’ancien patron de Système U remarque d’ailleurs que cette mesure « implique la transparence sur le prix payé par le premier transformateur au producteur au moment de la signature du contrat commercial ». Il propose même que ce prix figure « à part sur les factures ».

FNSEA et JA saluent le rapport Papin

Le 25 mars, la FNSEA et les JA ont salué le rapport Papin. Les syndicats saluent des mesures « qui vont dans le bon sens », approuvant de nombreux leviers mis en avant par le rapport : « la pluriannualité, la transparence, l’encadrement des promotions, l’identification de l’Origine France ou encore les pouvoirs du médiateur… Nous accueillons également avec intérêt la mesure relative au renforcement de la contractualisation ». La FNSEA et les JA demandent toutefois que « l’élaboration et la prise en compte des indicateurs de coût de production dans les contrats » soient rendues « plus contraignantes ». Les organisations demandent aux pouvoirs publics « d’aller vite » et promettent d’être « très attentifs aux propositions du Parlement, où le débat doit dès maintenant s’engager ! ».