76e congrès de la FNSEA
Grand oral : les candidats ont présenté leur programme

Invités par le Conseil de l’agriculture française (CAF) à exposer leur vision de l’agriculture, six candidats à l’élection présidentielle ont répondu présents, le 30 mars, à Besançon pour un grand oral parfois riche en bons mots.

Les candidats ont-ils été « à la hauteur des ambitions de l’agriculture française ? » selon l’expression de Christiane Lambert, présidente du Caf. Si un jugement devait être porté sur le seul niveau sonore des applaudissements et des fous-rires, il est certain que le candidat Jean Lassalle (Résistons !) remporterait le premier prix, suivi de près par Fabien Roussel (PCF). L’un et l’autre, pour des raisons différentes, ont su dire tout leur attachement au monde agricole, viscéral et authentique chez le premier et plus politique, culinaire et réfléchi chez le second. « Chers frangins », a clamé les bras en l’air un Jean Lassalle qui, en terrain presque conquis, a fait vibrer le cœur et les cordes vocales des 1.000 congressistes : « Les agriculteurs ne sont pas les ennemis, ce ne sont pas eux qui polluent, et au moins ils ne mentent pas comme nous les politiques », a-t-il lancé. Jean Lassalle veut aussi prendre trois milliards d’euros sur les 26 que la France donne chaque année à l’Union européenne pour les consacrer à la ruralité et à l’agriculture. Fabien Roussel, qui n’a pas manqué de rappeler le bilan de son parti sur l’augmentation des retraites agricoles, s’est tout aussi clairement rangé du côté des agriculteurs. Il veut 500.000 agriculteurs sur le territoire, « sinon on ne tiendra pas et nous dépendrons d’autres pays ». Affichant sa volonté de dialoguer avec tous les corps intermédiaires (« Ce n’est pas à moi que vous ferez des leçons de syndicalisme »), il a soutenu l’élevage français : « Le steak, c’est de la viande », a-t-il clamé interdisant aux végétaliens et végans « d’imposer leur modèle de société ».

« Comité de la Hache »

Plus en retrait et plus convenus ont été les quatre autres candidats. Emmanuel Macron a clairement dit qu’après la crise du Covid et la guerre en Ukraine, « l’indépendance alimentaire de la France est non négociable ». Favorable à une révision de Farm to Fork, il entend notamment poursuivre son combat « contre les surtranspositions, pérenniser le Tode », « instaurer les clauses miroirs », développer les énergies vertes et revitaliser les ruralités. Il a aussi salué le bon travail de son ministre de l’Agriculture mais n’a pas confirmé si, en cas de réélection, il le reconduirait à ce poste. Quant à Valérie Pécresse, candidate des Républicains, elle s’est positionnée pour des prix justes et rémunérateurs, moins de charges et moins de normes tant au plan français qu’européen. Elle entend, pour ce faire, instaurer un « comité de la Hache », autrement dit une instance de simplification législative et réglementaire. Favorable à la recherche, l’innovation et à la « féminisation de l’agriculture », elle reste dubitative sur une loi foncière : « Tout dépend de ce que vous voulez y mettre dedans ».

« Talibans de la verdure »

Plus vindicatives ont été les interventions de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour qui ont joué sur la corde de la souveraineté et sur la fibre sécuritaire. La candidate Rassemblement national a fustigé l’attitude d’un gouvernement qui n’a « pas réagi face aux crises » et s’est érigée en défenseur du « patriotisme économique ». Brocardant les « billevesées des écolos », elle a taxé ces derniers de « talibans de la verdure ». La candidate souhaite en « finir avec cette délinquance inadmissible » et faire cesser « ce laxisme judiciaire ». Son alter-ego, Éric Zemmour, ne l’a pas démentie. Il souhaite introduire dans la loi française le principe de « défense excusable », un procédé hérité de nos voisins suisses pour en « finir avec les voyous et cette délinquance qui infeste nos campagnes ».

À différents degrés, tous les candidats veulent conserver la vocation exportatrice de la France et concilier, selon les mots d’Emmanuel Macron « Production et protection ». À charge maintenant pour chaque agriculteur de faire son choix avant de glisser (ou non), le bulletin dans l’urne.

Christophe Soulard

Les règles du grand oral

C’est devenu maintenant une habitude. Tous les cinq ans, à l’occasion de l’élection présidentielle, le Conseil de l’agriculture française (Caf) réunit les principaux candidats à l’élection présidentielle. Le 30 mars 2017, ils en avaient accueilli sept à Brest : François Asselineau, Emmanuel Macron, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle, Marine Le Pen, Jacques Cheminade et François Fillon. Cette année, six d’entre eux ont répondu à l’appel. Trois n’ont pas été qualifiés car ils ne franchissaient pas la barre des 2 % dans les sondages : Philippe Poutou (NPA), Nicolas Dupont-Aignan et Nathalie Arthaud (LCR). Trois autres ont décliné l’offre des agriculteurs : Yannick Jadot (EELV), Anne Hidalgo (PS) et Jean-Luc Mélenchon (LFI). Cinq autres candidats ont fait le déplacement en chair et en os et ont été astreints au protocole suivant : déclamer un exposé de dix minutes et répondre pendant 25 minutes aux questions des membres du Caf et de la salle. Une exception a toutefois été tolérée pour le candidat Emmanuel Macron pris par ses obligations de chef d’État. Il a cependant été filmé dans les conditions du direct dans son QG de campagne.