Génétique montbéliarde
Pluie de changements ce printemps !

Marc Labille
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Le 10 mars dernier à Frontenaud, une journée génétique montbéliarde était organisée par Elvanovia et AGS. En présence de représentants d’Umotest et de Montbéliarde Association, cette réunion a donné lieu à un bilan de campagne ainsi qu’à la présentation de nombreuses nouveautés touchant l’indexation génétique. 

Pluie de changements ce printemps !
Montbéliarde Association a remis des statuettes aux détenteurs des vaches ayant produit plus de 100.000 kg de lait. Ces laitières à la longévité remarquables sont : Varie, Gaec des 4 Chênes (21) ; Vanessa, Gaec du Confluent, Charnay-lès-Châlon ; Ulivia, Gaec Denizet, Montpont-en-Bresse ; Brouette, EARL Androz, Montpont-en-Bresse ; Découverte, Gaec du Bois Chavet, Saint-Germain-du-Bois ; Bafouille, Gaec de la Clairière, Saint-Vincent-en-Bresse.

Ces dernières années, l’essor de la semence sexée et celui du génotypage ont entraîné de gros changements dans la conduite de la reproduction des montbéliardes. À l’échelle d’Umotest aujourd’hui, les inséminations se répartissent à part sensiblement égale entre semences sexées, semences conventionnelles et croisement viande. Sur la zone Elvanovia, les semences conventionnelles dominent à 55 %, devant le croisement à 28 % et les semences sexées à 17 %. La progression de la part des semences sexées s’accentue, de même que l’offre. Adopté de longue date par la race, le génotypage des femelles continue de gagner du terrain lui aussi avec 55 % des génisses inséminées génotypées. 

Quatre ans de progrès génétique gagnés !

Les coopératives Elvanovia et AGS (Ain Génétique Service) sont très actives dans la collecte d’embryons en ferme avec près de 800 produits. Depuis 2015, les deux coopératives démultiplient le progrès génétique grâce à la station de donneuses « Génumo Intense » à Ceyzériat (01). Tous les trimestres, une quarantaine de femelles sont ainsi sélectionnées sur leurs index génomiques pour produire des embryons à la station. Ces embryons sont transplantés dans des élevages receveurs pour un total de 240 embryons posés en 2020-2021 sur les deux coopératives Elvanovia et AGS. Preuve de la pertinence de ce programme, plusieurs femelles issues de la station de Ceyzériat figurent désormais dans le top 5 des meilleures montbéliardes en index ISU. Et le niveau d’ISU des femelles nées du programme Génumo Intense est supérieur de + 15 points aux autres femelles, soit l’équivalent d’un gain de quatre ans de progrès génétique, faisait valoir Pierre-Élie Richard, d’Umotest. Des taureaux performants proposés au catalogue Umotest tel Roannais, Rainbow, Ricardo, Reebok et Rinvader sont également issus de la station. 

Un groupe de travail a vu le jour au sein d’Umotest (UMOgest) pour parfaire la technique de transplantation embryonnaire, expliquait Pascal Quignard, technicien montbéliard à Elvanovia. 

Un index sur l’efficience alimentaire

Courant 2021, un nouvel index mesurant l’efficience alimentaire est entré en service dans la génétique Umotest. Appelé « diger », cet index génomique repose sur les acides gras du lait, lesquels « témoignent de la bonne digestibilité dans le rumen », présentait Pierre-Élie Richard. Cet index est le fruit d’un partenariat entre Umotest, Conseil élevage 25-90 et Gen IA test. Ensemble, ils ont recherché l’existence d’une variabilité des profils d’acides gras du lait. Et corrélativement à cette variabilité, ils ont mis en évidence une différence moyenne de + 450 kg de lait par vache et par an ; cinq jours d’intervalle vêlage-vêlage gagnés et moins de mobilisation des réserves corporelles en début de lactation. L’étude a permis de conclure en outre que le caractère « efficience alimentaire » est héritable donc sélectionnable. Il est désormais inscrit dans les fiches de génotypage offrant un critère de rentabilité supplémentaire pour la sélection des cheptels.

Un nouvel ISU pour un objectif de sélection plus équilibré

Au printemps 2022, la race montbéliarde va connaître deux évolutions majeures en matière de sélection. 

À compter du 6 avril, un nouvel ISU entre en service. Cette réforme de l’Index de synthèse unique est le fruit de quatre années de travail des acteurs de la montbéliarde sur un nouvel objectif de sélection. Conçu au départ sur des considérations essentiellement productivistes, la constitution de l’Isu a été « reconsidérée » avec la prise en compte de « cinq systèmes d’utilisation de la montbéliarde (AOP Comté, bio, Massif Central/veaux croisés, gros troupeau intensif type ouest avec ou sans taurillons) », présentait Philippe Maitre, directeur de Montbéliarde Association.

Ce travail complexe aboutit à un nouvel Isu globalement plus équilibré. Il accordera moins de poids à la production (31 % contre 45 auparavant), à la reproduction (11 % contre 18 %). La nouvelle synthèse morphologique contiendra moins de format (30 % contre 40), moins de mamelle (35 % contre 40). Dans le même temps, le nouvel Isu consacre une plus grande importance à la longévité (11 % contre 5) et à la santé des mamelles (20 %). Après des années d’érosion, les caractères bouchers reviennent en force dans les objectifs de sélection passant de 0,6 à 10 %. Cela s’accompagne aussi de plus d’aptitude bouchère dans la synthèse morphologique qui reçoit aussi plus d’aplombs. Enfin, l’Isu intègre désormais le tempérament à hauteur de 2 %.

Passage au « single step »

L’autre grand changement de ce printemps concerne la méthode d’indexation avec la mise en place du « single step ». Cette évolution a pour but de corriger un biais induit par la génomique. En effet, l’évaluation génétique des animaux se fait aujourd’hui en deux étapes avec toujours une évaluation polygénique à partir de performances mesurées. Ces performances mesurées sont nécessaires pour construire l’évaluation génomique et elles servent aussi à corriger les index génomiques. Mais l’apparition d’index génomique au plus jeune âge des animaux fait que les moins intéressants sont éliminés avant d’avoir réalisé des performances (avant vêlage). Cette pré-sélection génomique fait que le progrès génétique est sous-estimé puisque les moins bonnes vaches ne sont pas évaluées. Les jeunes reproducteurs s’en retrouvent pénalisés. « Le single step permet de corriger cette pré-sélection par une prise en compte, dans l’évaluation génomique, de toute l’information dont on dispose, même sur les femelles pas évaluées », explique Philippe Maître. Les index en seront plus fiables. Dans l’immédiat, cela se traduira pour les éleveurs par une modification substantielle des classements avec des jeunes animaux revalorisés. Phénomène accentué par la réforme de l’Isu, prévenait le directeur de Montbéliarde Association. 

 

Montbéliarde Association : année difficile pour l’export

Se présentant comme le parlement de la race, Montbéliarde Association réunit tous les acteurs de la race montbéliarde dont les trois organismes de sélection (OSUE) Umotest, Evajura et Les Eleveurs Montbéliards. Elle représente près de 11.000 éleveurs et environ 900.000 animaux actifs. Montbéliarde Association assure la gestion des livres généalogiques de la race. Une de ses activités majeures est l’édition de pédigrés exports pour les animaux quittant l’Union Européenne. En 2021, le nombre de pédigrés édités a chuté de 18.300 à 7.800. Un effondrement dû principalement au débouché algérien lequel a entraîné une perte de ressource financière d’où un déficit de – 57.000 € pour l’association, révélait Philippe Maitre. 2021 aura aussi été marqué par l’annulation des concours de Paris et du Montbéliarde Prestige. A la place, pour ne pas relâcher ses efforts de promotion de la race, Montbéliarde Association a produit plusieurs vidéos. Le niveau de production moyen de la race s’élève à 7.700 kg de lait par vache et par an et ce chiffre a progressé de + 700 kg en dix ans, faisait valoir le directeur. Pour clore l’assemblée de section Bourgogne de Montbéliarde Association, Philippe Maitre a présenté la nouvelle classification morphologique de la race. « Son objectif est d’obtenir une vision globale de la morphologie des femelles pointées pour faciliter leur comparaison avec prise en compte de l’âge, du stade de lactation, du remplissage de la mamelle et du rang de lactation. Il s’agir de calculer une note globale de 50 à 89 pour les primipares ».