Le 19 mai, AG3C, l’association Comptabilité et Gestion - spécialiste et partenaire des coopératives et Cuma - tenait son assemblée générale à la cave de Lugny. Pour ses 15 ans, l’occasion de rappeler ses forces, ses perspectives, ses valeurs… à travers deux témoignages forts.

Start-up coopératifs

Le patron, c’est lui. Martial Darbon, l’ancien président de la coopérative Bresse Val de Saône dans l’Ain, est revenu sur la naissance de la marque laitière "C’est qui le patron ? !".
Comment un syndicat de moissonneuse-batteuse devenu coopérative de vente de lait au tournant de la fin des quotas laitiers est devenu cette coopérative moderne ? « Le maître mot est valeur ajoutée », rappelle-t-il. Et cela va de pair avec sa relation « presque en symbiose » avec AG3C. Ses services ont toujours permis « d’adapter » rapidement la coopérative aux nouveaux marchés et débouchés. Car l’histoire n’est jamais simple.

« Mon défaut, je suis entier, je fais confiance, je suis transparent et quand tout le monde dit impossible, je cherche une solution quand même ». Martial Darbon a eu l’occasion de l’appliquer à maintes reprises et surtout en 2016 lorsque sa coopérative laitière - qu’il préside alors - voit le gouvernement français « couper le robinet russe », déjà en représailles de la première guerre d’Ukraine en Crimée. Le contrat de l’entreprise italienne fabricant et exportant en Russie « tombe » du jour au lendemain, laissant « 300 salariés sur le carreau et les éleveurs organisés » derrière. Le lait - entre 0,34 et 0,37 €/l - était mieux valorisé qu’en moyenne à 0,32 €/l, souligne-t-il. « Il m’est insupportable d’entendre que nous allions détruire de la valeur ajoutée et ne plus livrer que de la matière première ». Il part donc en quête de valeur et pour cela observe les clients finaux, les consommateurs de lait. L’idée d’un lait éthique, il ne la retrouve nulle part en rayon, alors que beaucoup de clients soutiennent les éleveurs dans leur combat d’une juste rémunération.

Des patrons motivés dans les box

Avec AG3C et la filière, « on a écrit sur un support comptable à chaque maillon pour sortir un litre de lait à 99 centimes le litre ». Une mini-étude de marché auprès de 500 Franciliens vient confirmer son intuition et le travail de filière à opérer. L’association "C’est qui le patron ? !" voit le jour.

Mais toujours avec une envie de « transversalité » d’acteurs pour garantir sa force. L’association regroupe donc les éleveurs mais aussi des consommateurs, des sociétaires de la coopérative… « L’association protège le maillon du bas, le plus faible, les éleveurs car, lorsque vous montez les étages des centrales d’achat, ce sont des ogres. Ils écrabouillent votre commercial. On ne peut pas le laisser négocier l’avenir de centaines d’éleveurs. Il faut un patron motivé dans le box ». Il séduit le directeur du Carrefour local qui parle de la marque au national. L’idée fait mouche. Avec Nicolas Chabanne, le père des "fruits moches", ils trouvent une formulation à afficher : « Ce lait rémunère au juste prix son producteur. Prix conseillé voté par les consommateurs », alors à 0,99 centime d’€ (passé à 1,03 € depuis), formulation permettant de contourner le droit à la concurrence européen. Le succès est immédiat, les consommateurs plébiscitent ce lait éthique… et coopératif donc.

Deux mamelles : confiance et transparence

Pour autant, Martial Darbon ne relâche pas le combat. « Nos sociétaires veillent » et font des relevés de prix réguliers dans les grandes surfaces surtout. Une exigence qui s’applique aussi aux producteurs à travers un cahier des charges « rigoureux » : pâturage entre trois et six mois, fourrages locaux, tourteaux non-OGM… « On cherche le bien-être animal, le modèle le moins destructeur pour la planète », pour répondre et anticiper les demandes sociétales. Avec son regard toujours tourné vers l’avenir, il planche sur une alimentation des vaches à base de protéines régionales (tournesol, soja, etc.) dans le but de renforcer « l’autonomie » des éleveurs laitiers, crises climatiques et géopolitiques obligent. Derrière, « c’est important pour le renouvellement des générations » et cela marche. Après une déprise du lait, depuis 2019, le ratio départ-installation est de « un pour un dans les 85 familles » d’exploitants laitiers de la coopérative.
Martial Darbon reste humble et sait qu’il a bénéficié d’un bassin de « huit millions d’habitants » à proximité, en région Aura. Il sait aussi tout ce qu’il doit à « l’intégrité et à la transparence » de l’industriel LSDH qui a immédiatement partagé les mêmes valeurs et avec ses salariés. Bien lui en a pris, puisqu’aujourd’hui, la marque est en croissance. Demain, la marque va partir sur de la « crème » et même du « compressé de tomates » toujours éthiques.

Passer en mode start-up

Encore et toujours, la recherche de la valeur ajoutée l’obsède, envisageant déjà qui sait « un laboratoire pharmaceutique sur les molécules du lait » bienfaitrices (crème beauté réhydratante, protéines pour bébé…), « dont la valeur doit revenir aux paysans ». Mais cela demande une nouvelle « une gymnastique comptable », de la « confiance », de la « réactivité » qu’il trouve à AG3C pour développer ses produits rapidement et « ne pas rater le train » commercialement.

Ainsi, les coopératives peuvent passer à la vitesse supérieure et « à l’âge des start-up ». Sans jamais se renier, portant les valeurs du mutualisme et de l’entraide. La coopérative a aidé des artisans et entreprises bressanes durant la crise Covid, des soignants ou encore une coopérative à Feurs traversant une « mauvaise passe ». « Avec la valeur, soit vous baisser les prix, soit vous redistribuer. On a créé un fonds de solidarité en retour aux citoyens », concluait Martial Darbon, ne laissant aucun doute dans son combat pour « soutenir nos ruralités et garder leur bien-être ».

Le levier des Cuma

Le levier des Cuma

Adhérent à six Cuma, Luc Vermeulen est un cumiste du Nord. Il est aussi président de la Fédération nationale des Cuma. « Le réseau Cuma nous permet de vivre et de nous adapter », défend-il inlassablement. Pour lui aussi, le système coopératif des Cuma est moderne et « ne s’essouffle pas, bien au contraire » puisqu’une soixantaine de Cuma se créent chaque année. Une vingtaine de Cuma sont dissoutes par an. Le réseau compte donc plus de 10.000 Cuma en France. Les nouvelles Cuma se tournent de plus en plus vers des « outils de transformation qui captent la valeur » ajoutée pour la redonner aux adhérents. Là encore, les AGC, dont « AG3C est précurseur », sont « indispensables à la professionnalisation de nos Cuma », notamment pour respecter les formalités et la gestion spécifique des coopératives. Pourtant, il regrette encore de voir le réseau Cuma « mal identifié ». « Le ministre Denormandie voulait toucher 20.000 agriculteurs avec son plan de Relance. Nous, avec 23 adhérents en moyenne, on en a touché 55.000 », laissant sans voix l’ex-ministre sur ce sous-estimé « levier d’efficience d’argent public ». Un vrai levier de solutions surtout pour les exploitations agricoles adhérentes : via les matériels en commun mais aussi l’emploi et demain autour des questions « d’énergies, d’alimentation… ». Par nature, les Cuma rompent « l’isolement » des agriculteurs et permettent « une dynamique de groupe » qui peut s’avérer utile pour les transitions agro-écologiques, climatiques, réglementaires…
Tout ceci contribue enfin à « l’accélération du renouvellement des générations », en allégeant les charges de mécanisation, notamment lors de l’installation. Bref, une belle façon de « construire les solutions de demain ».