Syndicalisme
Des invités de marque

Berty Robert
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Arnaud Rousseau, le nouveau président de la FNSEA, était en Côte-d’Or vendredi dernier. À son programme : la visite d’une exploitation d’élevage et une participation à l’assemblée générale de la FDSEA. Et c’était une surprise : le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, l’a rejoint lors de ce deuxième rendez-vous !

Des invités de marque
Marc Fesneau et Arnaud Rousseau étaient le 26 mai à Sombernon.

Le président de la FNSEA et le ministre de l’Agriculture le même jour en Côte-d’Or et plus largement en Bourgogne Franche-Comté : il faut sans doute remonter loin dans le temps pour retrouver les traces d’une telle visite de « haut standing ». Si Arnaud Rousseau a passé l’intégralité de la journée avec les membres de la FDSEA, Marc Fesneau ne les a rejoints qu’après son déplacement dans le Parc national de forêts de Champagne et Bourgogne, en milieu d’après-midi. La présence de ces deux hommes dans le département était une aubaine pour faire passer des messages syndicaux et rebondir sur une actualité agricole « brûlante » avec les attaques de loups sur bovins et le rapport de la Cour des comptes, préconisant une réduction du cheptel français. Sur ce dernier point, le ministre s’est tout de suite voulu rassurant : « La cour des comptes est la cour de comptes… Elle produit des rapports, mais c’est bien le gouvernement qui décide. Je suis totalement en désaccord avec ses recommandations, celles-ci ne correspondent pas aux perspectives du gouvernement. Diminuer les troupeaux quand on n’est même pas capables de subvenir à ses propres besoins ne veut rien dire. Cela n’a pas de sens ».

Avec toi, Fabrice

L’assemblée générale a débuté par une minute d’applaudissements pour encourager Fabrice Genin, le président de la FDSEA, qui a démissionné de son poste et qui était absent de cette réunion pour des raisons de santé. Jacques de Loisy, vice-président, a endossé le costume d’animateur en abordant plusieurs sujets. Le loup, bien entendu, avec les récentes attaques sur bovins qui ajoutent de nouvelles difficultés et un nouveau stress aux éleveurs, mais aussi la lutte contre la tuberculose bovine pour laquelle une enveloppe financière de 100.000 euros est demandée : « Cela correspond à la somme nécessaire pour solder les dossiers d’indemnisations dans notre département. La revalorisation de ces indemnisations, intervenue en milieu de campagne, n’a pas été effective pour tout le monde selon la date des interventions, c’est un scandale. On nous a longtemps rabattu le quoi qu’il en coûte : 100.000 euros, ce n’est pas la mer à boire pour la cinquième puissance mondiale, surtout dans le domaine du sanitaire. Le ministre l’a bien entendu ».

Aux côtés de l’AGPMB

Les productions végétales ont également fait l’objet de discussions. En ce qui concerne le désherbage, la FDSEA demande le maintien du « peu de matières actives restant sur le marché », notamment dans la culture de moutarde. « Le risque est de se retrouver très vite face à un mur », prévient Jacques de Loisy, « les producteurs ont besoin d’un traitement de semences homologué ou en dérogation. Dans le cas contraire, nous avons besoin a minima de deux matières actives différentes en traitements foliaires. L’AGPMB va monter au front, nous sommes logiquement à leurs côtés ». Le vice-président de la FDSEA de Côte-d’Or profite de l’occasion pour évoquer les futures moissons dans les autres cultures : « le ciseau de prix va être terrible, les producteurs ont acheté des fertilisants – et pas que – à des prix astronomiques et dans le même temps, le prix du blé est retombé plus bas que son niveau avant le début du conflit en Ukraine… Pour couvrir les coûts de production, il nous faudra pourtant viser entre 250 et 280 euros/tonne ! Une belle moisson est donc indispensable ».

Il va falloir produire !

Une table ronde s’est également penchée sur la question suivante : « Comment concilier enjeux alimentaires, énergétiques, climatiques et économiques ? ». Arnaud Rousseau s’est prononcé en évoquant les objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone : « pour parvenir à cette décarbonation, c’est une bonne nouvelle, il va falloir produire en utilisant la photosynthèse, notamment de la biomasse pour nous nourrir et produire de l’énergie. Mais attention : le carbone est un sujet mondial, toute mesure qui serait de caractère franco-français n’aurait pas ou peu d’impact, je suis désolé de le dire… Nous devons être ambitieux, mais sans faire preuve de naïveté qui pourrait compromettre notre capacité productive face à des compétiteurs qui eux, ne se posent pas toujours la question ». Le président de la FNSEA a rappelé qu’en France, les émissions de carbone représentaient moins de 1 % des émissions l’échelle mondiale : « l’agriculture compte pour 20 % et l’élevage, à peu près la moitié ! Il ne faudrait pas se mettre dans une situation non tenable, ni sur le plan économique, ni en termes de souveraineté alimentaire. Cette question doit être européenne pour trouver une harmonisation, le G7 doit aussi d’en emparer ».

Échanges : « Des personnes ne savent pas de quoi elles parlent » 

Le président de la FNSEA a débuté sa journée côte-d’orienne par une visite à la Ferme de l’Épluvier, à Gissey-sous-Flavigny, pour discuter avec plusieurs éleveurs et aborder les grands sujets d’actualité.

Plusieurs attaques de loups sur bovins sont à déplorer en Côte-d’Or, quelle est votre position ?
Arnaud Rousseau : « Nous avons été alertés sur ce phénomène qui a malheureusement des précédents, dans le Doubs et dans d’autres départements (dont la Saône-et-Loire, N.D.L.R.). C’est tout d’abord un choc pour les éleveurs, notamment sur ce type d’animaux car nous étions davantage habitués à des attaques sur ovins. C’est une grande préoccupation. La FNSEA est évidemment à la manœuvre et ce, depuis de nombreuses années. Nous devons passer d’un état de gestion à un état de régulation. Nous travaillons pour augmenter le nombre de prélèvements : je rappelle que le plan loup prévoyait d’obtenir 500 loups et France. Or, nous en avons près de 1.000 selon les derniers comptages de l’OFB. Nous pensons même qu’il y en a un peu plus. L’enjeu est considérable : conserver un élevage dynamique sur le territoire. Nous ne pourrons pas atteindre cet objectif si nous ne réagissons pas rapidement. Il faut également faire en sorte que les indemnisations soient au niveau attendu et rapides. Les 1er et 2 juin se tient un colloque sur la prédation dans les Hautes-Alpes : toutes ces pistes y seront abordées, nous devons tout faire pour protéger l’élevage sur notre territoire ».

Quelle est votre réaction sur la Cour des comptes, qui préconise de baisser le cheptel bovin ?
A.R. : « Ce rapport a été vécu comme une blessure pour les éleveurs, ils ont l’impression d’être les victimes expiatoires, les boucs émissaires d’un sujet beaucoup plus important qui est la manière dont nous allons pouvoir réduire les émissions de gaz à effet de serre. S’acheter une bonne conduite en disant qu’il faut réduire le cheptel pour y arriver est un faux débat, une fausse route. Il y a un tas de personnes qui ne savent pas de quoi elles parlent… La consommation de viande bovine en France ne fléchit pas depuis plusieurs années : elle est d’environ 1,5 million de tonnes. Nous importons 400.000 tonnes, soit près du quart : cela voudrait dire que nous importerions encore plus de viandes de l’étranger ! Ce n’est pas sérieux… La Première Ministre est elle aussi en Côte-d’Or aujourd’hui, sur le thème de la biodiversité : j’ai envie de lui demander ce qu’elle entend faire pour l’élevage français ? Nos prairies n’ont pas d’avenir si nous n’avons pas de vaches, il faut le dire et le répéter. Si demain, nous n’avons plus de bovins, la fonctionnalité de notre pairie sera remise en cause, de même que tous les éléments de biodiversité qui l’accompagnent. Ce n’est vraiment pas la peine d’appuyer sur la tête des éleveurs : ils sont 25 % de moins qu’il y a 10 ans et la décapitalisation du cheptel a déjà commencé. Si les hommes et les femmes qui travaillent durement se font en permanence taper dessus, nous n’y arriverons pas. Il vaut mieux leur venir en aide et voir comment nous pouvons trouver des solutions tous ensemble. La FNSEA est à leurs côtés ».