Élections européennes
La parole aux candidats

Les candidats aux élections européennes étaient invités par la FRSEA et JA Bourgogne Franche-Comté le 29 mai dernier sur la ferme du Gaec Grand Meix à Saint-Baraing. Huit candidats de six listes ont présenté leur projet politique pour l’agriculture. Extraits de leurs interventions par thématiques.

 La parole aux candidats
  • Favoriser le revenu des agriculteurs, la création de valeur ajoutée sur le territoire

Violaine Gillet (PS/PP) : « Notre programme répond à un défi simple : produire de la nourriture en quantité, de qualité, en proximité et à prix maîtrisé. Cela nécessite une juste rémunération des agriculteurs, une répartition de la valeur captée par l’industrie et la grande distribution et un renouvellement des générations en agriculture. Sur les 338 mesures de notre programme, 62 mesures sont en lien avec l’agriculture et l’alimentation. Nous proposons un axe fort sur la souveraineté alimentaire avec une gestion des crises efficaces, une gestion stratégique de nos stocks alimentaires, des clauses miroirs… Nous devons passer de la PAC uniquement « agricole » à une « Politique agricole ET alimentaire commune », construite de manière simple, avec les parties prenantes, et en plafonnant le versement des aides. »

 

Évelyne Guillon (Alliance rurale) : « L’Europe est gérée par une élite intellectuelle avec une administration complètement déconnectée de la réalité. Nous ne pouvons plus vivre sous ces contraintes continuelles que l’Europe impose. L’Europe a été détournée de ses objectifs, il faut remettre un peu de bon sens… Nous prônons l’autonomie alimentaire : pouvoir consommer une alimentation régionale ou nationale. Arrêtons d’importer des produits qui ne souffrent pas des mêmes normes qu’en France. »

 

Anna Maillard (Les Écologistes) : « Je suis personnellement soucieuse de l’alimentation et de la préservation des agriculteurs face à l’augmentation des zones construites et des grandes surfaces… Le projet écologiste pour l’agriculture est un projet en lien avec la vie quotidienne. Notre priorité est de maintenir garantir un revenu digne aux agriculteurs, une agriculture de production, qui existe déjà, avec un schéma d’aménagement qui protège de toute urbanisation… Nous ne défendons pas que la vente directe et les circuits courts… Comment retrouver prise sur les produits agricoles quand les grandes surfaces surmargent, par exemple de 30 % les produits bio à certains moments ? Cela passe par des marges transparentes de la grande distribution. »

 

Jacques Ricciardetti (Rassemblement national) : « Nous avons été les premiers à développer des idées de souveraineté alimentaire et de patriotisme économique… Comment sortir des accords de libre-échange ? Nous voulons sortir l’agriculture du carcan européen pour arriver à une exception française, ce qui existe d’ailleurs pour le volet culturel. L’agriculture est un levier de croissance, nous ne sommes surtout pas dans la décroissance… Il faut que 100 % des cantines scolaires donnent à manger des aliments issus de la production française. Il faut réserver les marchés publics aux producteurs français. Aujourd'hui ce n'est pas possible, mais avec l'exception française ce sera possible. »

 

Jérémy Decerle (Renaissance), député européen : « En tant que député, je suis comptable d'un bilan. Nous avons essayé de garder un budget conséquent pour la PAC. Grâce à la profession et à la région, nous avons pu mettre la pression pour que les pays européens soient volontaires pour garder ce budget. La France a aussi bataillé pour maintenir les paiements couplés (...) Sur la simplification de la PAC, vous pouvez être exigeant. Suite aux mobilisations, il y a eu quelques mesures pour simplifier autour des 4 % de jachère obligatoires, le retournement de prairies, pour redonner une souplesse nécessaire. (…)  Nous proposons des Egalim européens car certains acteurs arrivent à contourner la loi française. Ce ne sera pas forcément une transposition à l'identique de ce qui se fait en France. Il nous faut travailler sur le droit à la concurrence, faire lever des freins, et demander aux agriculteurs et aux consommateurs de manger plus local. Le droit européen bloque ce point ; une loi Egalim européenne pourrait le permettre… Un Egalim européen pourrait permettre aussi la structuration des filières, une organisation commune de marché pour avancer sur les questions de revenu agricole… Nous souhaitons organiser une force de contrôle pour éviter de laisser entrer des produits qui ne respectent pas nos règles. Tout en restant dans les accords de commerces, avançons sur les clauses miroirs et sur la réciprocité. L’Europe est consciente de ces enjeux et a énormément avancé sur ces questions. Pour la prochaine PAC, on veut avancer sur la question des actifs agricoles. Cela ne veut pas dire que l’on ne veut plus d’aide à la surface mais l’élément déclencheur de la PAC ce doit être les hommes et les femmes et pas les hectares (…) Il nous faut travailler sur la gestion de risques pour compléter le système mis en place en France.  »

 

Matthieu Bloch (Les Républicains) : « C’est la première fois que la France a une balance agricole déficitaire, hors vins et spiritueux. C’est dramatique. On vous pond des textes, le green deal, avec des dispositions normatives, on vous pointe du doigt et on fait de l’agribashing… Vous avez toujours été des producteurs consciencieux, avec des aliments de qualité. Si la France est le pays de la gastronomie, ce n’est pas pour rien ! Il n’y aura pas de pays sans paysans, pas de France sans vous… Nous devons arrêter la politique de décroissance… Notre programme prévoit d’inscrire l’agriculture et la pêche dans le droit européen comme étant d’intérêt général européen majeur. Le vrai problème est la surtransposition des normes européennes par la France… Sortir de l’Europe ? Non, faisons attention, car la balance européenne est bénéficiaire et l’isolationnisme serait suicidaire. Pas de dogmes ou de démagogie facile… Nous ne voulons aucun accord de la part de la France si cela met en péril la production agricole française. Nous voulons ajouter un principe de non-régression économique : aucune règle ne doit être votée si elle implique une baisse de la production en Europe. Nous avons besoin de produire pour nourrir une population qui augmente et pouvoir rentrer sur le marché mondial, avec des clauses miroirs. »

 

  •    La préservation de l’environnement, le bien-être animal, l’adaptation aux évolutions climatiques

Violaine Gillet (PS/PP) : « Il est essentiel d’avoir des mesures sur la biodiversité (l’agriculture a besoin des pollinisateurs), sur la santé environnementale, sur une nouvelle politique de l’énergie en lien avec l’agriculture (…) Sur l’adaptation au changement climatique, commençons pour diminuer les émissions de carbone, par consommer local, de la viande française, et privilégier les produits européens. (…) Les effets des produits phytosanitaires touchent en premier les agriculteurs : malheureusement le lien entre certains cancers et les produits que l’on vous a dit d’utiliser est avéré. Des pratiques agricoles différentes sont possibles en gardant la même productivité, nous proposons de financer le surcoût. C’est aussi le rôle de l’Europe de financer des solutions avant d’interdire. C’est par le dialogue que nous avancerons. »

 

Évelyne Guillon (Alliance rurale) : « Nous sommes confrontés à une philosophie de décroissance qui est en train de s’amplifier. Je ne veux pas que l’on transforme notre territoire en « zone de méditation »... En matière d’environnement, les agriculteurs sont souvent désignés comme responsables de tous les maux : Parkinson, l’augmentation du CO2, la perte de la biodiversité, la disparition des oiseaux… Soyons raisonnables. Par exemple la disparition des oiseaux vient de l’habitat certes mais pas uniquement : la grippe aviaire impacte les oiseaux rassemblés dans les zones d’hivernage (…) Que veut cette idéologie européenne sinon le « zéro viande » et cela passe par le bien-être animal. J’alerte aussi sur un projet de loi européen sur les animaux domestiques : dès que vous posséderez 2 femelles vous serez considérés comme éleveur avec des restrictions, des obligations (chenils climatisés, éclairés…). C’est l’intégrisme animaliste qui parle.  »

 

Anna Maillard (Les Écologistes) : « Un de nos grands leviers c’est de rendre le pollueur-payeur et de rémunérer les services rendus par l’agriculteur à l’environnement. Quand on accompagne la conversion d’agriculteurs sur des zones de captage, nous sommes tous gagnants (…) Si vous dites « nous avons fait une agriculture qu’on nous a dit de faire », pour les PFAS et l’amiante c’est le même sujet, il faut que l’on fasse attention (…) Nous avons un travail de fonds à mettre en place pour que se rejoignent la demande de viande, de protéines sur un territoire et la production (…) L’HVE est une arnaque.(…) Le label bio est le seul qui garantit une viande élevée en plein air, des contrôles inopinés. Dans notre programme, nous préconisons d’accompagner vers la conversion, avec une transition à définir avec la profession agricole(…) Les Écologistes ne parlent pas de bien-être animal mais de condition animale. En nous appuyant sur les sciences, vos pratiques. Il faut par exemple accompagner vers l’élevage de porc sur paille. Et ne pas laisser à votre charge les coûts de reconversion (…) Concernant le climat, une piste du côté de la préservation des haies, qui protègent aussi la qualité des herbages. »

 

Jacques Ricciardetti (Rassemblement national) : « Il existe une maltraitance animale dont on ne parle pas assez : les abattages rituels… »

 

Jérémy Decerle (Renaissance), député européen : « L'agriculture et l'alimentation en Europe sont les meilleures du monde et parmi les plus vertueuses. Ceux qui montrent notre profession du doigt se trompent beaucoup. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas s'améliorer encore en matière d’environnement, de bien-être animal… Concernant la dimension environnementale de la PAC, nous sommes passés de dispositifs qui demandaient à tous les paysans d’Europe d'utiliser les mêmes pratiques agricoles, (ce qui ne produisait pas les mêmes résultats que l’on soit au fin fond du Portugal ou au milieu de la Lituanie) , aux éco régimes, où nous essayons de donner une politique incitative et plus pragmatique pour faire évoluer les pratiques. Pour la prochaine PAC, nous voulons poursuivre la réflexion dans ce sens… Sur l’HVE, la France est le seul pays à avoir trouvé une alternative entre le bio et les autres productions, je ne pense pas que ce soit « nul ». À ceux qui considèrent que l'agriculture est responsable de beaucoup de maux, je pense que nous avons un entre-deux, un bon équilibre à trouver entre agriculture et environnement. (…) Sur le bien-être animal, nous avons eu une Commission européenne des plus dogmatiques. Ce qui traduit la perte de pouvoir du politique, c’est pour cela que nous voulons renforcer le Parlement européen. Sur le Green deal et le Farm to fork, le parlement a réécrit des amendements en profondeur pour arriver à un texte adapté, recalibré. (…) Sur les adaptations aux changements climatiques, nous voulons également travailler sur les moyens à donner à l’agriculture pour atteindre ces objectifs. »

 

Matthieu Bloch (Les Républicains) : « Il ne faut pas ajouter de normes si elles ne sont pas efficaces. Nous demandons un contrôle continu de ces normes… Nous demandons de ne pas arrêter un produit phytosanitaire tant qu’il n’existe pas de solution de remplacement. Nous proposons d’augmenter le budget de la PAC sur la recherche de produits de substitution pour maintenir la production. »

 

  • Le renouvellement des générations

Violaine Gillet (PS) : « Nous proposons l’augmentation des aides à l’installation financée par exemple par la taxation des superprofits. Nous prévoyons aussi un dispositif de meilleure protection du foncier. »

 

Anna Maillard (Les Écologistes) : « Pour installer des agriculteurs et accompagner le renouvellement il faut plusieurs conditions : que tout n’aille pas à l’agrandissement, des revenus dignes, retrouver de la proximité un lien au territoire, ne pas avoir de productions hors sol, mais aussi garder une agriculture partie prenante de la vie sociale, maintenir la vie en ruralité avec des transports, des logements rénovés, pour pouvoir installer une famille. »

 

Jérémy Decerle (Renaissance), député européen : « . En Europe 5 % des agriculteurs ont moins de 35 ans et plus de 50 % ont plus de 55 ans. Il est indispensable que l’installation soit une priorité de la PAC. Le renouvellement des générations suppose un revenu pour les agriculteurs par : une augmentation du budget de la PAC, des échanges commerciaux plus justes, regagner du poids dans la chaîne de valeur et une simplification. »

 

Patricia Lime-Vieille (Les Républicains) : « Nous souhaitons une juste rémunération pour les agriculteurs pour qu’ils puissent vivre dignement de leur métier et faciliter ainsi le renouvellement. Pour faciliter la transmission, il faut un meilleur accès au foncier. Pour gagner en compétitivité, il faut réduire le fardeau des normes. »

IR

Réponses par ordre d’intervention tiré au sort

Deux sujets s'invitent au débat

  • Le loup

Évelyne Guillon (Alliance rurale) : « En tant que présidente de la Fédération des chasseurs de Saône et Loire, je peux vous parler du loup et des attaques perpétuelles subies par les éleveurs. Parmi les élites qui gèrent l’Europe se sont infiltrés des écologistes extrémistes, des wokistes, des antispécistes, des animalistes… Le loup n’est plus une espèce en voie d’extinction, nous avons dépassé les 500 animaux sur le territoire. Le déclasser permettra aux éleveurs ou aux chasseurs, à la demande de l’éleveur, de prélever dès la première prédation. On nous dit que la population de loup a baissé de 9 %. Dans la Drôme où l’on a identifié 5 meutes, nous avons refait des protocoles de comptage et nous arrivons à 21 meutes officiellement identifiées. L’État nous ment… L’OFB a fait des prélèvements génétiques dans notre région. SI on le voulait, on pourrait faire facilement le rapprochement avec un parc animalier qui relâche des louveteaux. De même nous aimerions parler du taux d’hybridation. Un loup avec un taux d’hybridation n’est plus protégé par la Convention de Berne. »

Anna Maillard (Les Écologistes) : « Le loup est le meilleur gestionnaire de forêt qui soit… En élevage, nous pouvons regarder les bonnes pratiques de nos voisins et les adapter chez nous, installer des protections, passer du temps à dresser ses chiens, réinstaller des bergers… Tout cela doit être pris correctement en charge par la collectivité. Une nouvelle génération d’éleveurs est en demande de pouvoir concilier les deux. Le loup rend des services que l’on ne peut pas nier. »

Jacques Ricciardetti (Rassemblement national) : « Nous n’allons pas laisser le loup pour préserver les forêts et foutre en l’air l’agriculture. »

Violaine Gillet (PS) : « Il faut trouver des moyens de se défendre contre les prédateurs par la protection et le prélèvement quand nécessaire. Apprendre à se parler en fait, il n’existe pas de solution idéale. »

 

  • L’Ukraine

Matthieu Bloch (Les Républicains) : « Nous sommes opposés à ce que l’Ukraine entre dans l’Europe et à l’Otan. L’Ukraine a besoin d’armes, d’aide pour se défendre pas de déstabiliser notre agriculture. »

Jacques Ricciardetti (Rassemblement national) : « Nous sommes opposés à l’entrée de l’Ukraine et d’autres pays dans l’Europe. Le coût d’entrée se ferait à notre détriment. Je préfère nos agriculteurs français aux agriculteurs ukrainiens. »

Jérémy Decerle (Renaissance), député européen : « Nous ne pouvons pas laisser tout un peuple comme ça. Le conflit peut arriver jusqu’en Pologne et jusque chez nous. Si nous n’aidons pas l’agriculture d’Ukraine à sortir de l’ornière nous en paierons aussi les pots cassés… Il faut effectivement arrêter le dumping très important sur les poulets, le miel, le sucre, et mettre des clauses de sauvegarde pour éviter de pénaliser l’agriculture européenne. Si l’Ukraine entre dans l’Europe ce ne sera pas avant 15 ans et elle ne rentrera pas si elle ne répond pas à nos conditions. »

Anna Maillard (Les Écologistes) : « Aujourd’hui l’histoire se rappelle à nous. L’Ukraine est l’un des derniers remparts contre le despote russe. La Russie engage déjà des manœuvres numériques contre l’Europe… Inonder nos marchés avec des produits ukrainiens serait indécent. Il faut accompagner les éleveurs de poulets français, ce n’est pas à eux seuls de supporter le coût… On peut normer le socle de droit à respecter et l’appliquer aux nouveaux entrants dans l’Europe. »

Violaine Gillet (PS) : « Oui, il va falloir accepter l’Ukraine, comme dernier rempart contre Poutine. Mais la démarche sera longue et il faudra la préparer, l’anticiper. Faire en sorte que demain ce ne soit pas les plus grandes exploitations en surface qui soient soutenues mais que l’on valorise la plus-value humaine et une façon de produire… »

Évelyne Guillon (Alliance rurale) : « Je fais partie ce ceux qui ne sont pas favorables à l’entrée de l’Ukraine pour le moment, si l’on veut continuer à manger du poulet français. Nous voulons d’abord préserver notre territoire français. Je ne suis pas favorable à l’entrée de l’Ukraine dans les 5 à 7 ans à venir, dans 15 ans nous en reparlerons. »

IR