Elevage Français
Plongée dans les grands troupeaux à la française

L’agrandissement des troupeaux s’accompagne d’une complète refonte de l’organisation du travail avec généralement des travailleurs plus nombreux et plus spécialisés.

Plongée dans les grands troupeaux à la française

En France, seules 600 fermes comptent plus de 200 vaches laitières. Le projet Casdar-Orgue, piloté par l’Institut de l’élevage (Idele), s’est intéressé à l’organisation de ces grands troupeaux laitiers et a permis de distinguer trois modèles, avec chacun leurs atouts et leurs difficultés. Il y a d’abord les « petits collectifs très productifs », explique Emmanuel Béguin de l’Idele. Ils se composent généralement de deux associés ou d’un chef d’exploitation avec un salarié.

Les travaux des cultures sont externalisés pour se concentrer sur la production laitière et les bâtiments sont équipés de robots de traite pour réduire le travail d’astreinte. Cependant, « les durées de travail sont assez longues et c’est le modèle où le nombre de jours libres est le plus faible », souligne le chercheur. Il attire l’attention sur l’importance de conserver une certaine qualité de vie : « Nous avons vu des exploitations avec des agrandissements importants où les gens avaient des charges de travail énormes. Ça devenait quasi invivable, ils avaient mal anticipé cette dimension. De plus, la rentabilité n’était pas toujours au rendez-vous ».

Des collectifs plus nombreux

Dans les exploitations ayant un groupe de salariés important, il est plus facile de se libérer du temps libre. Ce type d’organisation, peu fréquente en France, se développe. Mais encore faut-il parvenir à recruter, et à recruter les bonnes personnes. « La charge mentale du chef d’exploitation est très importante lorsqu’il ne peut pas déléguer une partie des responsabilités. Il faut trouver des gens capables de monter en compétences et de prendre des responsabilités », note Emmanuel Béguin. Gérer une équipe avec de nombreux salariés nécessite aussi des compétences managériales, or les éleveurs sont très peu formés sur ces questions.

Les systèmes les plus courants restent les Gaec familiaux ou avec des tiers associés. « Ce sont des modèles intéressants en termes de qualité de vie, il y a souvent un partage des responsabilités et une capacité à se libérer », retient Emmanuel Béguin. Ces exploitations présentent généralement plusieurs ateliers (cultures, autres productions d’élevage, transformation à la ferme…). L’enjeu est donc de conserver suffisamment de polyvalence pour pouvoir assurer des remplacements sur l’atelier lait. Difficile aussi de se mettre d’accord sur l’organisation du travail lorsque chacun est au même niveau. « Il faut maintenir une communication régulière, ce n’est pas toujours évident », relève le chercheur. Plus il y a d’associés, plus la prise de décision est complexe.

Des postes plus spécialisés

Que la main-d’œuvre soit composée de salariés ou d’associés, la gestion d’un grand troupeau nécessite de repenser complètement l’organisation par rapport à une exploitation de taille plus « classique ». « Notre vrai sujet était la réorganisation du travail », témoigne Michel Welter qui a piloté le projet de la ferme des mille vaches à Abbeville dans la Somme. « Au-delà de 200 vaches, on arrive à une organisation industrielle du travail avec une hiérarchie : de simples exécutants d’un côté et des stratèges de l’autre. Les postes sont spécialisés : il y a un responsable de la santé, un responsable de la traite, des trayeurs… », développe-t-il.

Au Gaec familial du Bourg Groux à Moyon dans la Manche, quatre cousins associés ont trouvé leur équilibre. « Chacun prend ses responsabilités sur l’atelier où il est impliqué et pour tout ce qui est grand projet on se réunit », raconte Arnold Viard, l’un des associés. Chaque jour, 280 vaches passent à la salle de traite et environ 70 % du lait est transformé sur place en crèmes, beurres, fromages blancs et riz au lait. Les effectifs de main-d’œuvre sont répartis équitablement : deux associés et quatre salariés sur la partie agricole et la même chose pour l’atelier de transformation. Après des années de croissance et d’investissement, le collectif n’envisage plus d’agrandir son cheptel. « On tourne bien comme ça », explique Arnold Viard.