Conseil de l’agriculture de Saône-et-Loire
Garder et passer le cap ensemble

Cédric Michelin
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Réuni le 22 juillet à Groupama Mâcon, le Conseil de l’agriculture de Saône-et-Loire faisait un tour de table sur un bilan de conjoncture à mi-saison.

Garder et passer le cap ensemble

Traditionnellement présidé par la FDSEA, Christian Bajard remerciait donc les élus des organisations professionnelles (JA, chambre d’Agriculture, Groupama, Crédit Agricole, Safer, CERFrance, GDS, Cuma…) et des représentants des opérateurs économiques (Feder, Bourgogne du Sud, Fédération des caves coopératives…) invités à faire dans un premier temps, un bilan de la conjoncture des filières.

Premier à s’élancer, le président du Groupement de défense sanitaire (GDS71), Julien Chardon se félicitait de voir la situation sanitaire en élevage s’améliorer sur le front des maladies réglementées BVD et IBR. À l’inverse, il s’inquiétait du retour d’un nouveau sérotype FCO et des conséquences « fortes » de la MHE, tant sur le cheptel (puisqu’il n’y a à ce jour pas de vaccin) que sur les flux commerciaux. En effet, l’exportation pourrait se fermer. Nouveau président de Feder, l’éleveur de Côte d’Or, Jocelyn Laligant avait fait le déplacement jusqu’à Mâcon et confirmait les craintes de voir la MHE toucher notre zone allaitante. « L’alerte pourrait arriver de l’Allier avant la Saône-et-Loire », surveille-t-il les prises de sang venant du périmètre de la coopérative. Alors que le marché Algérien ouvre et se ferme plus pour des questions politiques que sanitaire, le jeune président de Feder fait l’analyse de changements côté broutards. Le marché italien pèse moins en volume en raison de la nouvelle politique d’engraissement. Il se disait confiant sur le long terme pour trouver une forme d’équilibre entre naisseurs et engraisseurs. « Il faudra aussi trouver un équilibre avec les consommateurs sur le prix de la viande », concluait-il dans un contexte de décapitalisation généralisée en Europe. « La France a perdu 10 % de ses têtes et le cheptel de Saône-et-Loire fait à peine mieux », notait Christian Bajard, qui s’inquiète aussi pour « garder les outils » industriels sur nos territoires.

Une décapitalisation qui touche aussi la filière lait. Sans parler de sa production de lait à Comté, Anton Andermatt fait le pari que « le lait conventionnel reste stable » mais que des arrêts sont à craindre lorsque des éleveurs laitiers arrivent à l’âge de la retraite sans « être passés aux robots et surtout en Gaec » pour répartir les « 365 jours de traite par an deux fois par jour ». Même le Comté n’est plus épargné par la baisse du pouvoir d’achat des Français avec l’inflation. « Les foins de moindre qualité » risquent de faire baisser la production cet hiver, ce qui dans un contexte de stocks hauts, va « réguler » donc stabiliser les prix, en baisse actuellement.

Alors que la crise de fonds Feader et des dossiers DJA a compliqué les installations, le président des JA confirmait que 80 installations aidées ont tout de même pu se faire mais qu’en élevage, « les capitaux à reprendre restent un problème » pour un jeune démarrant sans apport. Ce que confirmait la directrice de la Safer de Saône-et-Loire, Valérie Diagne.

Le monde végétal « sur la corde raide »

Du côté du monde végétal, l’année est pour l’heure « compliquée ». « La moisson d’orges d’hiver est à 90 % mauvaise », avec une moyenne « en prenant aussi en compte l’autoconsommation » de 53 qtx/ha. Le directeur de Bourgogne du Sud, Bertrand Combemorel continuait sur la « bonne surprise » par contre en colza, « mieux que le prévisionnel » pour finir à près de « 36 qtx/ha avec de bons taux d’huile ». Enfin, si la moisson de blé se lance du côté de l’ouest du département, la majorité est faite en Bresse et vallée de la Saône avec 63 qtx/ha, « soit la plus mauvaise année en 25 ans, exceptée 2016 ». La coopérative a toutefois bon espoir de réussir à trier et obtenir les PS nécessaires en blé meunier, « même s’il y aura des blés déclassés ». Pour son président, Lionel Borey, cela vient confirmer la stratégie misant sur la qualité plus que la quantité. « Notre avenir est d’arriver à nous démarquer par la qualité et d’arriver à honorer nos contrats. Il faut garder le cap ». Car, les variations des cours sur les marchés des céréales n’ont plus forcément de lien qu’avec les fondamentaux. « La concurrence Mer Noire nous sort des marchés », avec des blés « 25 $ trop cher » par rapport aux Russes. Pour l’heure, les céréaliers « perdent plusieurs centaines d’euro à l’hectare », confirme le directeur du CERFrance 71, Pierre Thorel. « L’effet ciseaux, avec un exercice 2024 sur la corde raide », prophétise Lionel Borey malheureusement qui sait que tout se jouera sur les cultures d’automne (soja, maïs, tournesol), espérant un « temps favorable pour aller au bout » et sauver les trésoreries.

De leurs côtés, les vignerons vivent aussi une année éprouvante : gel, grêle, excès d’eau, mildiou… et la « Bourgogne ne coupe pas à la crise viticole », expliquait la vice-présidente de la Fédération des caves coopérative Bourgogne-Jura, Bénédicte Bonnet. En effet, « les marchés des vins ne sont pas ce qu’ils ont été. Bien que tellement haut, les négociants veulent se refaire » et les cours du vrac sont revenus à leurs standards d’avant 2021, voire en dessous. « Il va falloir faire le gros dos pour ceux n’ayant pas vendu leur vrac », alors que les prix bouteilles commencent à baisser aussi çà et là, se montre réaliste Marc Sangoy, président de la cave de Lugny. Pour Bénédicte Bonnet, face à cette accumulation de « mauvaises nouvelles », « le collectif est une belle arme pour passer le cap ensemble ». Ce qui constituait la meilleure conclusion à ce bilan de conjoncture à l’image des nuages… jamais loin cette année et prêt à nous tomber sur la tête.