Vendanges 2022
Une belle récolte en vue sans faire partout le plein espéré

Cédric MICHELIN
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Alors que les vendanges 2022 ont débuté très précocement, mi-août pour les crémants, ce mois d’été a été marqué par les canicules et la sécheresse bloquant par endroits les vignes. Les pinots noirs et gamay ont suivi et les chardonnays sont en cours. Les aligotés fermeront le bal. Si l’état sanitaire et les équilibres de ce millésime solaire sont bons, la quantité est hétérogène selon les parcelles. De beaux rendements mais qui ne permettront peut-être pas partout de faire des réserves (VCI) alors que les caves sont presque vides.

Une belle récolte en vue sans faire partout le plein espéré

Les sourires sont revenus sur les visages des vignerons du département. Après le gel 2021 et la reprise dynamique des marchés mondiaux, les caves se vidaient à grande vitesse et les vignerons espéraient faire le plein. Avec une belle sortie au printemps, et un temps sec limitant les maladies de la vigne au cours de la campagne, l’état sanitaire est cette année parfait du nord au sud, à quelques taches d’oïdium près.
Les vignes engagées en vins de base à crémant de Bourgogne ont donc été les premières vendangées à la main. Début août, la canicule et la sécheresse frappaient la France et les vendangeurs comme les vignes ont souffert. Heureusement, les pluies de mi-août ont fait « du bien » pour ramener un peu de volume dans des grappes aux jus très concentrés en sucre.
Dans le nord Beaujolais, Patrice Fortune voit déjà un millésime solaire avec des rouges frôlant parfois les 15 ° d’alcool en gamay. Les vendanges avançaient donc rapidement avec la chute des acidités et les « pertes en volume » dues à la sécheresse. Au vu du potentiel conséquent en juin, il ne cachait pas une certaine « déception sur beaucoup de parcelles du Beaujolais ».
Le président de l’Union des producteurs de vins Mâcon, Jérôme Chevalier, confirme ce constat de rendements variables selon les vignes et les secteurs. « Août a fait plus de mal qu’on pensait », constatait-il à la sortie des premiers jus aux pressoirs, avec des bourbes conséquences de peaux épaisses. « Mais il est encore trop tôt pour faire le bilan définitif », ne désespère-t-il pas, alors que la CAVB et l’ODG des Bourgogne ont déposé un dossier pour déplafonner les rendements butoirs. L’avis de l’INAO et du ministère devrait être connu en... novembre.

Sains avec de bons équilibres

Pour le cru saint-véran, son président, Kevin Tessieux, prédit un millésime « classique » en rendement, voire « un peu en dessous » alors que les grappes apparaissaient « chargées mais au final avec des raisins peu serrés ». Les parcelles bien mûres présentent de « bons équilibres » et le compte à rebours se fait toujours plus pressant pour les parcelles où le feuillage tombe avec la sécheresse, alors que les raisins continuent « d’épuiser » les pieds, pouvant entamer le potentiel de l’an prochain. Les vignerons en saint-véran comme ailleurs ont vendangé tôt, n’hésitant pas à commencer dès 2 h du matin pour conserver un maximum de fraîcheur.
Viticultrice à la cave d’Azé, la responsable Vigne & Vin de la chambre d’agriculture Céline Poulin est également dans ce cas avec une cave qui ouvrait à 6 h. « On commençait à tourner à 5 h du matin » avec les machines à vendanger qui gagnent du terrain, faute de vendangeurs (lire encadré). Si les vendanges se passent néanmoins « pas trop mal », avec une « superbe qualité mais des rendements en jus pas forcément élevés », les secteurs grêlés (Saint-Maurice-de-Satonnay…) n’ont vraiment pas apprécié « le sec par-dessus », laissant craindre de grosses pertes dans les couloirs de grêle.
Président de la cave des Vignerons des Terres Secrètes, Michel Barraud rappelle aussi que les « jeunes vignes, les pieds remplacés et les terrains peu profonds ont souffert », mais il garde le moral avec des « pinots mûrs (moyenne de 12,5 °) et une très belle récolte » en vue, alors que 60 % d’une récolte normale était rentrée ce mercredi 31 août. Ayant déjà dégusté des premiers jus de pressurage, « les blancs présentent de super arômes et les rouges une belle extraction de couleurs ».
À Lugny, après les crémants et les bourgognes rouges, le 31 août marquait "seulement" le début du ramassage des mâcons blancs, prévu pour durer une douzaine de jours. Journée continue ici également avec un démarrage à 4 h pour livrer à la cave jusqu’à 14 h.

Vendanges nocturnes

François Legros lui débutait à 2 h du matin pour arriver avec deux remorques pleines à l’ouverture des quais à 5 h 30. Le président de la cave de Buxy, comme ses confrères, n’a pas eu vent de voisins mécontents du bruit pour ces vendanges nocturnes à la machine. La Côte chalonnaise semble atteindre les rendements des appellations, à première vue en pinot, alors que les blancs débutaient par les premiers crus cette semaine. « Cela fait du bien au moral de voir les cuves se remplir », est-il rassuré. Lundi, un tiers de la récolte de la cave était rentré. La pluie dans la nuit de mardi-mercredi va-t-elle apporter un peu de volume en plus ? Président de l’ODG Rully, David Lefort n’attend pas pour tirer un premier bilan « satisfaisant ». L’état sanitaire « très sain » a permis ou permet d’attendre le moment « opportun » pour vendanger. « Les maturités technos sont à 13 ° et les maturités phénoliques plutôt la semaine prochaine ». Côté mercurey, les degrés oscillaient entre 12 et 13 °, soit un mix parfait d’un « millésime solaire ET bourguignon », défend Loïc de Suremain, président de l’ODG. « La qualité est là et les rendements sont bons, ça fait du bien au moral et les vignerons ont le sourire ». Même constat du côté de l’appellation givry où les raisins de pinot sont « parfaits », selon Baptiste Lumpp, le président. Un mot résumant bien ce millésime 2022 au final.

Une concurrence nationale pour les vendangeurs
Frédéric Brochot en train de vendanger à Quintaine.

Une concurrence nationale pour les vendangeurs

Mercredi 31 août, le vice-président du Conseil départemental en charge de l’agriculture, Frédéric Brochot, s’est rendu à la cave de Viré accompagné de Patrick Desroches et Carine Lalanne, conseillers du canton d’Hurigny. Reçus par le président de la cave, Stéphane Jacob, et le président du cru, Benjamin Dananchet, la visite du quai au pressoir s’est poursuivie dans les vignes d’Étienne Lacroze et de son père Daniel. Éleveur de profession, Frédéric Brochot montait à bord de la machine à vendanger et encourageait les viticulteurs. Ces derniers en profitaient pour lui faire remonter les problèmes de recrutement de vendangeurs. « Mon prestataire m’a planté lundi. Et je ne suis pas le seul. C’est une catastrophe pour ceux qui ramassent à la main », déplorait Benjamin Dananchet qui constate que les problèmes de logements sont croissants, entre la réglementation pour les héberger, la période haute des campings « qui n’en veulent plus ». Le problème serait encore pire cette année du fait des vendanges se déroulant partout en France avec « des Champenois qui payent plus et c’est devenu un business au plus offrant avec la main-d’œuvre étrangère ». Néanmoins, faute d’étudiants en nombre, comme d’autres peu motivés, « sans les étrangers, il y aurait plein de vignes pas faites », remarquait Étienne Lacroze qui s’est équipé lui de deux têtes de récolte pour faire ses 28 ha.

Des VCI additionnels dès cette année

Des VCI additionnels dès cette année

Mercredi 31 août, à l’initiative du député du Mâconnais, Benjamin Dirx, le préfet de Saône-et-Loire, Julien Charles a fait une première visite « vendanges ». Débutant à la cave de Charnay, en la présence de Luc Chevalier, président, et de son collègue Michel Barraud pour les Terres Secrètes, les sujets s’enchaînaient alors pour la rentrée autour des questions de projet de loi de finances ou encore sur le dossier des fermages à la cave de Lugny, avec Marc Sangoy. Le député, le préfet et le DDT s’enquerraient également de la demande pour « déplafonner le rendement butoir pour permettre de stocker les bonnes années », expliquait Jérôme Chevalier, vice-président de la CAVB. Le travail est bien enclenché avec l’INAO et le Ministère de l’Agriculture « pour faire bouger les lignes du code rural dans les années à venir ». La directrice de la CAVB, Marion Sauquëre se disant confiante dès cette récolte 2022 pour l’obtention de VCI « additionnel » puisque le dossier est porté par le président de l’Inao, avec les vignobles de Champagne, Savoie et de Bourgogne. Ce dispositif pourrait être ouvert à tous après. Pour le Département, Christine Robin revenait sur la question de l’emploi « pour trouver des solutions plus en amont des vendanges, au-delà du RSA vendanges » en réfléchissant aux problèmes autour des logements de vendangeurs.