Négoce de grains
Une cinquième génération à la tête de Bresson

Berty Robert
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L'entreprise de négoce de grains côte-d'orienne tourne une nouvelle page de son histoire avec l'arrivée aux manettes d'un binôme constitué de Coraline et Damien, les enfants de Catherine Racle, qui passe la main.

Une cinquième génération à la tête de Bresson
(De gauche à droite) Coraline, Damien et Catherine Racle. L'arrivée d'une nouvelle génération aux manettes d'une entreprise qui ne confond pas développement et dispersion.  

La campagne des moissons 2023 fut particulière chez Bresson. Parce qu’elle restera celle du passage de relais entre Catherine Racle et ses enfants, Coraline et Damien, cinquième génération à prendre la direction de cette entreprise familiale de négoce de grains. Pourtant, cette particularité n’a pas tellement occupé l’esprit des nouveaux dirigeants, mobilisés sur la gestion de cette période très chargée. Peut-être aussi parce que Bresson, ils y ont grandi et y travaillaient déjà depuis plusieurs années (9 ans pour Coraline, 13 ans pour Damien). Leurs responsabilités respectives à la tête de l’entreprise basée à Saulon-la-Chapelle, au sud de Dijon, dans ce schéma inédit de direction bicéphale, donneront pourtant à leurs parcours professionnels une autre dimension. Âgés respectivement de 36 et 38 ans, Coraline et Damien Racle se sont répartis les rôles en s’appuyant sur leur complémentarité : Damien se consacre majoritairement à la commercialisation céréales et oléagineux, quant à Coraline, elle est en charge de l’exploitation. Elle assume aussi la partie paiement des agriculteurs et le suivi des comptes.

Une expérience bâtie en interne

« J’aime les silos, confie cette dernière, le travail des grains, c’est ce que je sais le mieux faire : tirer le meilleur parti de la matière que l’on collecte, tout en maîtrisant les coûts ». Le fonctionnement des silos, la gestion de la logistique, la veille permanente sur la conformité de l’outil de travail, sur la réglementation et sur les investissements nécessaires font donc partie de son champ d’activité. La jeune femme s’est bâtie son expérience au fil des années et des échanges avec les chefs de silos. « Une parfaite connaissance de l’outil de travail, précise-t-elle, la possibilité de s’appuyer sur des chefs de silos expérimentés et fidèles, sont des atouts précieux dans le contexte de hausse énergétique qui est le nôtre depuis plusieurs mois ». Ses priorités pour les années qui viennent : optimiser l’outil de travail, développer de nouvelles technologies. Ces évolutions sont aussi, à ses yeux, un facteur d’attractivité pour des métiers mal connus. Bresson a néanmoins la chance d’avoir un personnel relativement jeune, la moyenne d’âge parmi les 37 salariés se situant à 37 ans. Damien Racle, pour sa part, doit opérer dans un univers de marchés céréaliers qui réclame toujours plus de réactivité. « La situation de la commercialisation des céréales change, reconnaît-il, on est sur un marché de plus en plus vif et nerveux. On atteint des niveaux de réactivité de quelques minutes par rapport à ce qui apparaît sur les marchés à terme. Il faut faire le lien en permanence avec l’agriculteur afin de savoir si le prix de vente qu’on lui propose lui convient, sécuriser les transactions… Il sera difficile à l’avenir de réduire encore ces délais qui sont déjà très contraints. Nous devrons peut-être aussi trouver d’autres contrats et d’autres cahiers des charges situés hors marchés financiers. C’est une piste de réflexion… ». Bresson est notamment aujourd’hui impliqué dans la filière Agri-Éthique, un label de commerce équitable qui fédère plus de 2.600 partenaires en France (exploitations agricoles, industries de transformation, artisans, restauration…) C’est une niche, mais qui évolue : Bresson commercialisait à peine 2.000 tonnes de blé par ce biais il y a cinq ans et aujourd’hui, près de 6.000 tonnes.

Des choix forts

Cela fournit un aperçu des axes stratégiques qui occuperont l’esprit de cette cinquième génération, sans perdre de vue le caractère singulier de Bresson : une entreprise qui ne s’est jamais détournée de sa nature familiale et s’est développée au rythme des différentes générations. Pour Catherine Racle, néanmoins, les choses n’allaient pas de soi : elle n’avait, au départ, aucune envie de s’engager dans ce métier. « J’avais trop vu mes parents travailler sans discontinuer, confie-t-elle, sans jamais un jour férié, avec des clients qui venaient n’importe quel jour, y compris à Noël… Pour moi, ça n’était pas une vie ». Elle prendra pourtant la direction de Bresson au début des années 2000, après avoir travaillé quelques années dans le tourisme. « Cette expérience m’a permis de relativiser la vision que j’avais du métier de négoce de grains, et puis j’ai saisi la demande de mes parents de travailler avec eux comme une chance ». Catherine Racle avait aussi une autre particularité : être une femme dans un monde très masculin dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. Elle a su s’y faire une place. Parmi les choix marquants qu’elle aura opérés on peut citer le fait d’inscrire l’entreprise dans une logique de filières qualitatives, telles que le blé Culture raisonnée contrôlée (CRC). « Nous avons été une des premières entreprises du secteur à recruter une responsable qualité. Nous avons prouvé que nous étions bons sur ce type de dossier ». C’est maintenant à la nouvelle génération de relever le gant, sur d’autres types de défis.

Du moulin au négoce de grains

Bresson est né du rachat d’un moulin par l’arrière-grand-père de Catherine Racle. Il avait alors lancé une activité de meunier qui s’est poursuivie avec son fils. Il écrasait de l’orge et du blé pour les habitants de Saulon-la-Chapelle, mais face à l’augmentation des rendements s’est posée la question de l’utilisation des surplus de grains. C’est ainsi que le grand-père de Catherine Racle est devenu négociant, un peu après la seconde Guerre mondiale. L’activité de négoce a pris son essor au cours des années cinquante. Les parents de Catherine Racle ont élargi progressivement le périmètre d’agriculteurs fournisseurs. Le moulin originel, pour sa part, a cessé son activité dans les années soixante-dix.

Bresson en chiffres

- 145.000 tonnes de collecte totale, dont la moitié en blé (à 95 % du blé meunier).

- Sur les 70.000 tonnes de blé, 55 % sont en filières haut de gamme (blé CRC, NFV-30, sans insecticide...)

- 25 % du total de la collecte se fait en orges (brasserie et fourragères).

- Les 20 % restants se répartissent entre colza, maïs, tournesol, pois, avoine, triticale, seigle, et quelques cultures bio.