Interview de Florent Point, président des JA Bourgogne Franche-Comté
« Le profil des candidats à l'installation évolue profondément »

Cédric MICHELIN
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Nouvellement réélu à la présidence des Jeunes agriculteurs de Bourgogne Franche-Comté, Florent Point revient sur les priorités qu'il compte donner à ce second mandat.

« Le profil des candidats à l'installation évolue profondément »

Vous avez été réélu président des Jeunes agriculteurs de Bourgogne Franche-Comté (JA BFC) le 2 octobre à l'issue d'une assemblée générale tenue dans le Doubs. Est-il facile, aujourd'hui, de parvenir à motiver des jeunes dans l'engagement pour la défense de l'agriculture ?

Florent Point : Non cette mobilisation n'est pas toujours évidente, surtout dans le contexte qui est le nôtre actuellement. Les contextes climatique, sanitaire, sociétal font que, sur les exploitations, les jeunes se sentent obligés de se recentrer sur leurs activités afin de pouvoir s'assurer un revenu au minimum décent. On peut comprendre que, dans de telles circonstances, il soit difficile de dégager le temps nécessaire à un engagement syndical. Néanmoins, la volonté est là au sein des équipes. 

Quels sont les axes prioritaires que vous fixez à ce nouveau mandat de deux ans ?

F.P. : Le premier axe, c'est le renouvellement des générations d'agriculteurs. Nous avons aujourd'hui un taux de renouvellement assez faible. On est actuellement en capacité de renouveler un départ à la retraite sur deux. Il est certain que nous avons un gros défi à relever sur ce sujet. Nous œuvrons à trouver des porteurs de projet et nous travaillons sur tout le dispositif d'accompagnement afin de faire en sorte que ces porteurs de projet puissent accéder au métier avec le plus de bagages possibles. Nous défendons les enveloppes budgétaires qui sont allouées à l'installation des jeunes, telles que la Dotation jeune agriculteur (DJA), mais aussi tout ce qui concerne les formations, l'accompagnement... L'autre axe qui nous interpelle énormément, c'est l'économie. Nous sommes dans une profession où la majeure partie des productions ne rémunère pas correctement les agriculteurs. Un gros travail reste à accomplir sur ce point, conjointement avec les autres Organisations professionnelles agricoles (OPA). Nous partons du principe que le renouvellement des générations ne peut se faire dans des productions qui ne sont pas rémunératrices. Le défi du renouvellement ne pourra trouver sa solution que dans la récupération du prix de nos produits, au sein d'une économie renouvelée du monde agricole.

Cette problématique du renouvellement des générations est-elle particulièrement marquée en Bourgogne Franche-Comté ou la rencontre-t-on partout en France ?

F.P. : On la rencontre à peu près partout en France de la même manière mais on se rend compte que dans les filières où la rémunération des agriculteurs est bonne, le taux de renouvellement est plus important, ce qui est logique. 

De quelle manière comptez-vous agir concrètement pour faire sauter des verrous qui, aujourd'hui, handicapent le renouvellement ?

F.P. : La première des choses, c'est de retrouver du prix. Cela passe par l'application des États généraux de l'alimentation (ÉGAlim). Il faut ramener de la valeur à nos produits et jusque dans les cours de fermes. Il y a évidemment, comme axe de travail la future Politique agricole commune (Pac). Il faut aussi penser à la promotion de l'agriculture, de nos métiers, des multiples dimensions propres à ces métiers. Il faut que cela soit présent dans la tête de beaucoup de jeunes. Cela passera par une importante communication. 

Parmi les jeunes agriculteurs qui s'installent aujourd'hui, leur typologie est-elle la même que celle de ceux qui s'installaient il y a dix ou quinze ans, ou observez-vous une grande différence ?

F.P. : On constate effectivement que le public des porteurs de projet évolue fortement. Il y a quelques années, nous étions encore dans des installations majoritairement de type familiale dans les productions « historiques » qu'on connaît. Depuis quelques années, on voit une évolution nette qui se caractérise par une plus grande diversité des productions, de la diversification qui se développe, aussi bien sur les productions que sur les modes de commercialisation avec une montée de la vente directe, des magasins de producteurs... L'évolution climatique rentre également en jeu ce qui entraîne pour les agriculteurs déjà en place et pour ceux qui arrivent, la nécessité de prendre en compte cette donnée et de s'y adapter. Une forme de prise de recul par rapport aux moyens historiques de production est en train d'émerger et je la trouve assez intéressante, même si nous ne disposons pas encore de toutes les solutions face à ces problèmes. Indéniablement, les profils de porteurs de projet s'adaptent à toutes ces évolutions. Malgré tout, et au-delà de la question des nouveaux profils, on constate que le changement climatique va plus vite que la capacité d'adaptation des agriculteurs, donc, sur ce point, nous souhaitons trouver des solutions pour nous adapter, mais nous avons besoin de temps pour expérimenter, chercher de nouvelles solutions. Mais tout cela, c'est difficile, avec des trésoreries qui ne sont pas des plus élevées sur les exploitations. 

Sur votre agenda, quel est le prochain grand rendez-vous que vous vous fixez ?

F.P. : Il y en a beaucoup ! Mais le plus important pour les jeunes c'est le travail que nous allons mener, dans le cadre des négociations sur la future Pac et sur la partie concernant l'installation des jeunes. La DJA est une composante de la Pac et nous sommes en train de construire la future DJA. Cela nous mobilise à plein temps. Nous devons parvenir à construire un dispositif qui soit au cœur des attentes et des besoins des porteurs de projet.

Propos recueillis par Berty Robert

Un éleveur polyculteur

Âgé de 29 ans, Florent Point est agriculteur dans la Nièvre. Il est associé, au sein d'une Société civile d'exploitation agricole (SCEA) avec son frère, sur une exploitation de polyculture-élevage (charolaises et grandes cultures) basée à Verneuil, près de Decize.