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Flavescence dorée

50 foyers et 15 ha arrachés !

L’an dernier à Plottes, un important foyer de flavescence dorée était
découvert. Un périmètre de lutte obligatoire était délimité autour.
Pourtant, au 1er octobre 2012, 40 nouveaux foyers sont apparus dans ces
1.500 ha. Dix de plus sont recensés en Côte chalonnaise. Les craintes se
confirment donc. La cicadelle – vectrice du phytoplasme – s’était
largement propagée. Désormais, c’est tout le vignoble départemental qui
passe en lutte obligatoire.
Par Publié par Cédric Michelin
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« C’est comme avoir le Sida après une transfusion ». Le témoignage de viticulteurs "victimes" de la flavescence dorée – et souhaitant garder leurs anonymats – en dit long sur le drame qui est en train de frapper le Mâconnais. Leur inquiétude est vive. Celle de leurs voisinages aussi.
Ils ne sont pourtant pas en cause. Rapidement conscients des risques, ils ont suivi - à la lettre - la lutte obligatoire. Ils ont réalisé les trois traitements insecticides (60 €/ha) contre le vecteur, arracher les ceps infectés et brûler ces réservoirs de virus. « On n’a pas fait d’erreurs professionnelles. Ce n’est pas à nous de payer ! », se crispe un père inquiet pour son fils, récemment associé dans l’EARL.
Visiblement donc, la flavescence s’était propagée l’an dernier. 40 nouveaux foyers sont recensés au 1er octobre dans le large périmètre de lutte obligatoire de 1.500 ha. Pire, nul ne sait combien de foyers existent en réalité. Car, problème, les symptômes n’apparaîssent qu’entre un et cinq ans après qu’une cicadelle - porteuse du phytoplasme - ait contaminé un cep. Sept ans après parfois. Seule certitude, dès cette année, nombre de viticulteurs n’ont pas eu de récolte à cause de la flavescence ou très peu : 800 kg/ha par ci, 400 kg/ha par là, rien.

90% de ceps morts en un an !



Les viticulteurs confrontés à ce « phylloxera du XXIe siècle » ont vu apparaître les premiers symptômes - ressemblant à ceux du bois noir - à différents stades de végétation. La vigueur et les réserves des pieds jouant apparemment. Le premier est généralement l’absence de raisins. Viennent ensuite l’enroulement des feuilles et l’absence d’aoûtement. Puis, les bois retombent et le pied meurt. Un jeune viticulteur témoigne : « l’an dernier, nous avions une parcelle à 14 % infectée. La vigne a été recourue. Cette année, 90 % des pieds sont morts dont toutes les greffes. Là, il faut tout arracher ». 15, 20, 30 ha, dans le « cœur du foyer initial » vers Plottes, les plus alarmistes craignent que tout le vignoble soit contaminé et à arracher dans les deux trois ans à venir. Une épée de Damoclès plane sur cette centaine d’hectares. Plottes, Chardonnay, Uchizy, Ozenay... pourraient être rayés de la carte !

« Violence » inattendue du phénomène



Ce qui choque même les services de l’Etat (SRAL, GDON, DDT…), c’est « la violence », « la rapidité » et « l’ampleur du phénomène auxquelles nous ne nous attendions pas », expliquait franchement le préfet mercredi.
François Philizot annonçait 15 ha de vignes qui vont devoir être complètement arrachés avant fin mars 2013. Ces parcelles présentent plus de 20 % de pieds infectés. En rajoutant les parcelles infestées en dessous de ce seuil fatidique, ce sont même des dizaines de milliers de pieds qui vont disparaître. Une dizaine d’exploitations sont en dangers pour l’heure. Le bilan pourrait encore s’alourdir dans les jours à venir. La prospection se termine actuellement dans le Beaujolais et le Couchois. La Côte-d’Or est alertée.
Pas question d’attendre pour autant. Le prochain arrêté préfectoral va placer tout le département en lutte obligatoire. « Ça gagne le sud jusqu’à Davayé et au nord, à Saint Denis de Vaux », confirme la DDT. Saint-Gengoux-de-Scissé, Verzé, Saint-Albain, Prissé, Péronne sont confirmés. En Côte chalonnaise, « un saut de plus de 10 km par rapport au foyer relatif de Rosey - Bissey-sous-Cruchaud de l’an dernier confirme la présence d’autres foyers », lâche le préfet. Après une demi-récolte, le secteur de Montagny-les-Buxy aura vécu une annus horibilis 2012 jusqu’au bout.

Vigilance et entraide



Les viticulteurs du nord mâconnais veulent maintenant alerter leurs confrères : la vigilance sera l’an prochain plus que jamais nécessaire. Le temps va manquer cette année pour repérer la maladie avant la chute des feuilles et faire les analyses. Mais cacher ou nier un foyer serait dramatique à terme. Le professionnalisme de tous est la seule possibilité pour garder espoir d’enrayer la maladie, comme dans d’autres vignobles français. Déjà, la solidarité se met en place pour effectuer des corvées durant l’hiver, comme sur le canton de Lugny, en lien avec les Cuma.
« Au lieu de tailler, nous allons passer l’hiver à arracher. Et il y a de fortes chances pour qu’on recommence l’an prochain ! », explique un viticulteur qui perd 2 ha. Sans oublier les frais dans les autres parcelles : « d’habitude, on arrachait 60 pieds/ha en moyenne sur nos 32 ha. Là, c’est 200 pieds, avec l’Esca et le bois noir ».
Les viticulteurs sont sous le choc. « Il faut accompagner les viticulteurs touchés », répète depuis des semaines dans toutes les réunions, Robert Martin, président de l’Union viticole de Saône-et-Loire. Réserves foncières de la Safer, BIVB, Etat, collectivités, chambre d’agriculture… des embryons de réponses se dessinent.

100.000 €/ha



Le coût - arrachage à plantation - est néanmoins estimé à 100.000 € environ, en prenant en compte quatre années improductives. Sur les parcelles en dessous des 20 % infectés, « il va quand même falloir cultiver les vignes mais ensuite ? Que faire si à nouveau 15 % de pieds sont malades ? Icone et l’INAO seront-ils tolérants pour les manquants ? », questionnait un viticulteur à Chardonnay. Mercredi, le préfet se contentait de répondre en conférence de presse que « l’INAO est attentif à cette problématique ». Le doute plane donc. Robert Martin lui rétorquait que la profession « refusera une telle double peine ». Contactés par mail mardi, Icone et l’INAO n’ont pas encore apporté de précisions à l’heure du bouclage du journal.

Ne pas dramatiser



Directrice adjointe de la DDT, Florence Laubier rebondissait aussi sur « l’intérêt technique d’interdire la replantation immédiate » après arrachage mais notait que « cela repousse d’autant la remise en production agronomique et économique ».
On le voit, la flavescence dorée soulève nombre de questions et dilemmes : les relations avec les propriétaires, l’efficacité et miscibilité des traitements, la remise en cause d’une orientation vers la viticulture durable où encore les vignes incultes, les treilles des particuliers ou ceps sur les ronds points routiers qui sont autant de réservoirs à virus en puissance.
Le département est bel et bien confronté à une crise biologique majeure. L’éradication sera longue. Stopper la propagation est une urgence absolue. La profession en a « conscience ». « Il ne faut pas dramatiser, 60 % du vignoble français vivent avec ». Maigre consolation pour l’heure mais lueur d’espoir néanmoins…

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