66 hl, 40 ans et des 1er crus
Pourtant, tout avait bien débuté à Chânes, lundi soir. Devant environ 80 producteurs, Frédéric Curis, le président de l’ODG, déclarait en introduction : « je suis arrivé à la présidence en 2005 pour obtenir des premiers crus et récupérer les rendements. Cela faisait suite alors à une décision administrative d’abaisser les rendements de base de 2 hl/ha. Nous avons obtenu cette année les 66 hl/ha. Nous ne voulons d’ailleurs qu’une seule version à l’INAO : 66 hl/ha pour les saint-vérans et 64 pour les lieux-dits. Nous ne voulons pas baisser nos rendements sauf pour les futurs 1er crus, car cela reviendrait sinon à baisser nos revenus », insistait-il.
L’assemblée générale se poursuivait et permettait de modifier les statuts pour « une plus grande démocratie participative » laissant la possibilité d’accepter temporairement une candidature élue par le conseil d’administration, sans convoquer une assemblée, mais validée ou rectifiée par l'assemblée suivante. Pour ces élections des 32 administrateurs, on notera l’absence de candidats à Solutré et l’élection de Christophe Sapet, jeune retraité de 50 ans possédant 3 ha de saint-véran à Davayé, lequel devrait s’occuper plus particulièrement de la communication internationale, en sa qualité d'ancien cofondateur d’Infogrammes, société spécialisée dans les jeux vidéo employant 1.000 personnes et dont le siège est à Lyon.
Après la réforme de l’Union en ODG, « un deuxième cap a été franchi » avec le dossier des 1er crus qui avance et la commission d’enquête nommée par l’INAO. « Si on se débrouille bien, cette maturité de 40 années pour l’appellation va nous faire rentrer dans les grandes appellations de Bourgogne », espérait ardemment Frédéric Curis, même s’il reconnaissait que « cela mettra encore un certain temps ». Un temps de compréhension... ou non.
Tentant d’expliquer la décision de l’INAO validée par le ministère de l’Agriculture, Sabine Edelli rappelait que la décision sur les rendements de base fixés à 64 hl/ha avait été arrêtée par des instances constituées d’administratifs et de professionnels « issus de vos rangs ». Rien y faisait et les critiques pleuvaient : « l’ODG est le maître d’œuvre et l’INAO vient avec ses gros sabots nous enlever des revenus », clamait un viticulteur tandis qu’un autre tirait la sonnette d’alarme : « il faut penser au monde de la production qui fait vivre beaucoup de services. Ces changements de dernières minutes ne sont pas très sérieux ». Une viticultrice s’interrogeait sur l’impossibilité en représentation « dans des salons pendant une semaine, de faire une déclaration G@mma pour un départ de palettes » le jour même.
Des propos cinglants qui schématisaient bien le manque de visibilité administrative : « plus de contraintes administratives ou hygiénistes se traduisent par plus de gens spécialisés, avec au final seulement les grandes maisons qui pourront se les payer et ainsi gagner des parts de marché ». Sûr que Sabine Edelli n’y était pas pour grand chose dans tout cela... mais il fallait que cela soit dit.
Surfer sur la vague du succès
Président de la commission communication, Thierry Nouvel faisait une revue de presse non exhaustive et présentait Lamyae Mouzar, nouvelle chargée de communication. Cette dernière présentait rapidement son cursus (Sup communication à Lyon) et son objectif à l’ODG : « faire des 40 ans du cru, l'an prochain, un événement national et international ». Thierry Nouvel confirmait cette envie de « continuer d’avancer » dans la communication à travers l’accueil de journalistes, le lancement d’un nouveau site Internet, l’œnotourisme ou via les objets publicitaires floqués de l’emblème du cru. Le lycée viticole de Davayé s’associe d'ailleurs maintenant à cette promotion en créant, en partenariat avec l’ODG, une sélection de crus, qui seront distingués « chaque fin mars - début avril avec des dégustateurs professionnels et des élèves de Bac Pro », notait Jacques Dumas.
« C’est vraiment le moment de communiquer, toutes les courbes sont en hausse. Il faut continuer de surfer sur la vague du moment et se faire plus connaître », concluait Thierry Nouvel, communiquant aussi sa motivation.
Uniformisation mâconnaise ?
Jérôme Jeandin, pour la commission technique, revenait quant à lui sur le bilan des visites de vignes. « Nous ne sommes pas là pour pénaliser. Ce sont de simples recommandations informelles », rassurait-il d'emblée. La visite de juillet s’est concentrée sur la technique (maladies, manquants, tournières désherbées...) et a inspecté 160 ha (Davayé, Leynes, Saint-Vérand, Prissé). « Il nous reste la même surface à inspecter l’an prochain et nous aurons alors fait le tour de l’ensemble de l’appellation en 4 ans », notait-il. Douze parcelles ont rencontré des problèmes techniques, essentiellement au niveau oïdium et manquants. La troisième visite, programmée en septembre, a permis de constater que les « recommandations portent leurs fruits puisque les parcelles n'ont plus de problème d'oïdium ». En revanche, le débat, « moralement très dur », portait ensuite sur les manquants et leurs classifications en pieds « improductifs ». La salle s’inquiétait que la maladie de l’Esca n’ait toujours pas été résolue et s’offusquait des distorsions de concurrence avec les pays autorisant encore le traitement à l’arsénite de sodium, sans néanmoins prendre parti pour un retour à ce recours. Le retour des fiches d’enquête sur les plantations devrait permettre de mieux cerner « les plantations dans les 5 à 10 années à venir, voire les reconversions de parcelles et ainsi ne plus être dans le vague pour les demandes de plantation ».
Enfin, une réunion début février a également porté « sur l’uniformisation du cahier des charges avec les autres appellations mâconnaises ». Ce travail reste ouvert.
Un cru en « bonne santé »
Le secrétaire général de l’ODG, Florent Rouve, par ailleurs directeur du Domaine des Poncétys à Davayé, dressait un rapide rapport technico-économique de l’appellation. Sur 615 ha, 43.561 hl (soit environ 5,3 millions de bouteilles) ont été produits en 2009 par 215 caves particulières (56,3 % des volumes) et 180 coopérateurs (43,7 %). La principale cave coopérative productrice reste les Vignerons des Terres Secrètes.
N’ayant pas encore les chiffres consolidés pour l’année 2010 en cours, Florent Rouve revenait sur les évolutions 2008/2009 : « les surfaces de production ont augmenté avec de nouvelles vignes rentrées en production », tout en conservant des rendements « relativement raisonnables », jugeait-il, « pour tenir la qualité ». Entre 2007 et 2008, les producteurs ont « pas mal » déstocké, en raison notamment de « petits » millésimes en volumes. Des stocks en baisse, « pas forcément souhaitable pour assurer la pérennité » des livraisons clients. 2008/2009 a vu moins de sortie propriété permettant de refaire des stocks, sans pour autant savoir le rôle exact de la crise mondiale dans cette tendance. Pour l’heure, 2010 semble « assez compliqué en terme de volume de vente ». Le stock négoce diminue pour sa part, tout comme leurs « frileuses » transactions au niveau du vrac, preuve de la nouvelle orientation « au coup par coup » des négociants (type "lean production", ndlr). Au final, les stocks représentent environ sept mois de sorties, un chiffre jugé « raisonnable car ne dépassant pas un an ».
Le rapport ventes de vrac sur ventes bouteilles montre une proportion grandissante pour les bouteilles. Face à des marchés tendus, « la profession a bien réagi en développant les ventes bouteilles », remarquait Florent Rouve. Un fait certainement pas étranger à la « bonne santé du cru, n’étant pas trop dépendant du négoce ».
Depuis 10 ans, le prix moyen de la pièce s’en ressent et grimpe à 772 euro la pièce. Pourtant, en 2007/2008, les marchés habituels (Angleterre, Etats-Unis...) du cru avaient été « chahutés ». Depuis janvier de cette année, les ventes résistent bien à la crise de l’export. Un observatoire sur la grande distribution (GD) anglaise montre qu’entre 2008 et 2009, les saint-vérans font +33 % en volume et + 38,1 % en valeur, avec un prix moyen en hausse de 3,4 %, dans un contexte de prix « tendu » en GD. Le secrétaire général estime qu’il reste « encore de la marge pour augmenter les tarifs par rapport à la qualité de nos vins » et à la concurrence directe. Un optimisme se retrouvant sur les marchés du Québec, des Etats-Unis, de la Norvège, de la Suède ou encore sur le potentiel de développement de la Chine et de Hong-Kong ou quelques références viennent de pénétrer le marché asiatique. « La communication et le rapport qualité-prix des saint-vérans commencent à dépasser nos frontières nationales », concluait-il.