A Bosjean, le Gaec des Dagonnots tire les leçons de son bilan carbone
En Bresse, les associés du Gaec des Dagonnots ont fait réaliser un bilan carbone de leur exploitation laitière. Instructif mais à prendre avec discernement, ce diagnostic conforte la famille Jacquard dans son projet de remettre ses montbéliardes au pâturage.

A Bosjean, le Gaec des Dagonnots est à la tête d’une exploitation laitière de 90 montbéliardes pour une surface de 160 hectares de terres typiquement bressannes. En 2012-2013, Vincent Jacquard et son père Guy ont fait le choix du zéro pâturage pour assumer l’augmentation de production de la structure dont la taille du troupeau faisait un bond. Le motif était avant tout économique, confie aujourd’hui Vincent qui évoque aussi le manque de main-d’oeuvre ainsi que les contraintes de parcellaire pour justifier l’arrêt du pâturage. Le Gaec avait alors opté pour un système très intensif, convient le jeune éleveur. Ensilage de maïs, ensilage d’herbe, tourteaux de soja et de colza : les vaches sont nourries toute l’année en ration complète. Il leur faut 35 hectares de maïs ensilage. Avec ce régime soutenu, le niveau d’étable est monté jusqu’à 9.400 litres de lait produit par vache et par an. Il est aujourd’hui de 8.200 kg par vache.
Au bout d’un système…
Assumant les raisons économiques de son choix, Vincent reconnait aujourd’hui que ce système intensif ne l’a jamais fait rêver… Et puis le jeune éleveur s’est aperçu que ses vaches ne parvenaient plus à vieillir. Trop sollicitées, elles ne tiennent plus le choc d’où un taux de réforme élevé induisant une part importante de primipares dans le troupeau. Des premières lactations qui sont globalement moins productives que des vaches plus matures, fait valoir Vincent. A cela s’ajoute l’impact sur la santé des animaux. Au Gaec des Dagonnots, les vaches laitières souffrent de blessures récurrentes au niveau des jarrets pour lesquelles les éleveurs n’ont toujours pas trouvé d’explication.
Arrivés au bout d’une conduite qu’ils jugent frustrante, Vincent, Guy et Thomas, le jeune frère de Vincent, ont décidé d’inscrire le retour au pâturage parmi leurs objectifs. Un projet bien accueilli par Danone à qui la famille Jacquard livre son lait. Prêt à accompagner l’élevage dans la mise en place du pâturage, l’industriel a alors proposé aux éleveurs de faire réaliser un bilan carbone de l’exploitation. C’est ACSEL Conseil Elevage qui a été chargé de réaliser ce diagnostic. La démarche a nécessité un entretien d’une heure et demie avec la conseillère Anne-Lise Mazurat suivie d’une heure de restitution plus une heure de préparation par l’éleveur en amont. « Ce n’est pas monstrueux », commente Vincent qui a du calculer son linéaire de haie, ses surfaces en prairie naturelle, inventorier les mares, détailler l’assolement, les fumures, le troupeau, la production, les intrants, leur origine, la gestion des effluents… Des données relativement faciles à réunir, fait remarquer l’exploitant pour qui le linéaire de haie a finalement été le plus complexe à évaluer.
Un autre regard sur l’exploitation
Ce bilan carbone donne une autre vision de l’exploitation, confie Vincent qui s’estime désormais mieux armé face aux critiques contre l’agriculture et l’élevage. « Désormais, je connais précisément l’impact de notre exploitation en termes de gaz à effets de serre et je sais quoi répondre », argumente-t-il. L’éleveur avoue avoir été surpris en découvrant que plus de la moitié des gaz à effet de serre produits par l’exploitation proviennent en fait des vaches et de leur fermentation entérique. Ces émissions vont même jusqu’à 80% si l’on compte la part importante provenant des effluents d’élevage. Les marges de progrès pour réduire les émissions de méthane par les vaches semblent assez minces. Et la seule prise en compte des émissions de gaz à effet de serre milite en faveur des vaches les plus productives, fait remarquer le jeune éleveur pourtant enclin à « désintensifier ».
Le carbone stocké dans les prairies compense…
L’intérêt du bilan carbone est certes de mettre en évidence les émissions brutes, mais il permet aussi de chiffrer tout le carbone piégé dans les haies, les prairies, les bois… Et ce stockage pèse lourd dans le bilan d’une exploitation agricole puisqu’il compense en partie les émissions. Partant de là, la famille Jacquard a vu son projet de pâturage conforté par ces données. Les nouvelles prairies créées pour nourrir les laitières amélioreront encore le stockage du carbone par l’exploitation, mieux que le maïs ensilage qu’elles remplaceront en partie. La conduite à l’herbe des vaches laitières réduira le volume d’effluents à gérer, source importante de gaz à effet de serre.
Dans son optique de faire vieillir davantage ses vaches en les maintenant en meilleure santé, Vincent persiste à vouloir baisser raisonnablement le niveau de production. Une précaution qui va dans le sens du bien-être animal, estime-t-il et qui répond aux attentes des consommateurs. Cela passera par une baisse du niveau d’intrants ; autrement dit par la récolte de fourrages de qualité permettant une meilleure autonomie protéique. Un système dont l’empreinte carbone sera améliorée, fait valoir le jeune éleveur. Sans compter que de faire vieillir les vaches en lactation réduira d’autant le nombre de génisses à élever, complète Vincent.
Pâturage tournant dynamique
Cet automne, le Gaec des Dagonnots a implanté des méteils de pois, blé, vesce et triticale. Ils permettront d’économiser de la fumure azotée en comparaison d’un ray gras. Les laitières retourneront au pré au printemps 2021. 17 à 18 ha de pâture seront implantés après une céréale. Pour ne rien gaspiller de cette précieuse herbe verte, les laitières y seront conduites en pâturage tournant dynamique. Cela signifie qu’elles tourneront sur 21 padocks à raison d’une journée par padock. Au préalable, les associés aménageront des chemins aptes à supporter les allers et venues de 90 montbéliardes matin et soir !
Avec moins de surfaces cultivées et davantage de prairies permanentes, cette nouvelle organisation génèrera aussi des économies de carburant, signale Anne-Lise Mazurat qui prévoit que cette conduite à l’herbe se traduise par une diminution du coût de ration de l’exploitation. Contenu à 124 €/1.000 litres de lait produits aujourd’hui, ce coût devrait descendre en dessous de 100 € voire même 70 en été, indique la technicienne.