A l’écoute des préoccupations viticoles
était en Saône-et-Loire. A l’initiative de Jean-Paul Emorine, sénateur,
et d’Arnaud Danjean, député européen, il rencontrait le monde viticole,
pour s’enquérir des préoccupations de terrain. Retour.
Le récurrent volet sanitaire
Après la visite des superbes locaux, tournés vers l’œnotourisme, alternant muséographie du vin et magasin de vente, l’ancien ministre s’est retrouvé autour d’une table pour échanger, directement et très librement, sur les préoccupations du moment. Et elles sont nombreuses. Toutes ont été passées en revue, à commencer par le volet sanitaire avec l’Esca, dont le coût direct et indirect grève les résultats des exploitations. La manifestation d’octobre dernier à Mâcon a, enfin oserait-on dire !, mis en exergue l’absence totale de coordination de la recherche en France sur les maladies du bois. Comme le soulignait Robert Martin, lors de la dernière venue de Bruno Le Maire en Saône-et-Loire, alors comme ministre de l’Agriculture, ce dernier avait déjà été alerté sur le sujet, un sujet des plus récurrents et pour lequel les viticulteurs de Saône-et-Loire paient un lourd tribu : rien moins de 20 millions d’€ chaque année pour le seul renouvellement des ceps morts dans notre département, alors que les budgets totaux alloués à la recherche, au niveau national, en la matière avoisinent seulement les 3 millions d’€… « Nous n’avons pas de recherche digne de ce nom », ajoutait Nicolas Dewé, déplorant qu’on ne prenne conscience de l’ampleur du problème que depuis un ou deux ans.
Dans la foulée, la flavescence s’est invitée, chacun soulignant la nécessité de procéder à une lutte coordonnée pour tenter de maîtriser au mieux l’extension de la maladie dans le vignoble.
Le niveau des charges des exploitations, mais aussi dans les caves était mis en avant par Bernard Derain, expliquant de ce fait que « la pire des choses qui pourrait nous arriver serait de ne pas faire de récolte ».
Un atout négligé
Robert Martin rappelait les chiffres clés de la viticulture, véritable poids lourd économique de l’économie locale, avec quelque 3.500 actifs en direct et rien moins que 7 emplois induits en indirect, chez les prestataires de services. « De l’emploi local, non délocalisable », complétait Nicolas Dewé. Le président de l’Union viticole rappelait aussi les chiffres de la balance commerciale française. « La viticulture est un atout pour notre pays et nous avons l’impression qu’il n’est jamais considéré comme tel ».
Bruno Le Maire avançait la suppression de l’abaissement des charges sur les saisonniers agricoles qu’il avait mis en place, alors qu’il était ministre et qui a été « supprimé par mon successeur ». Il fut aussi question de l’aberrante "simplification" sur l’utilisation des TESA, qui conduit à avoir recours à des prestataires de services en matière de paie, mais aussi la complexité des démarches liées à l’emploi dans leur ensemble, notamment quand les vendanges sont à cheval entre deux trimestres différents…
Inutile de dire que dans ce contexte les menaces actuelles sur la fiscalité sur le vin font craindre le pire. « Les taxes, on connaît leur effet. Il n’y a qu’à regarder ce qui s’est passé en Grande-Bretagne », avançait le directeur de la cave coopérative.
Inquiétudes en nombre
La délégation viticole s’inquiétait encore des menaces liées au projet d’accord transatlantique, tout comme celles avancées par la Chine qui, « par effet de ricochet, pourraient déstabiliser les marchés », observait Bernard Derain, lequel mettait en garde contre « l’amarrage du Beaujolais à la Bourgogne » et « son probable impact sur l’économie des appellations régionales ».
Enfin, la Pac et l’OCM vitivinicole occupaient les échanges, notamment avec Arnaud Danjean qui évoquait la question des droits de plantation, et les risques liés à la sous-utilisation de l’enveloppe dédiée aux investissements. Surtout et après avoir rappelé la situation exemplaire du département de Saône-et-Loire en matière de traitement des effluents vitivinicoles, Robert Martin alertait sur la démarche ICPE imposée aux plates-formes collectives, qu’elles soient en Cuma ou initiées par des communes, démarche qui imposerait la couverture desdites aires de lavage : « le ridicule ne tue pas, mais il exaspère », avertissait le président de l’Union viticole de Saône-et-Loire pour qui « ce dossier est dangereux et pourrait bien avoir l’effet contraire de celui recherché ».
« C’est le ciel qui commande ! »
Robert Martin revenait sur le plan EcoPhyto 2018, tel que décidé dans le Grenelle de l’Environnement, « certaines années nécessitent de traiter plus que d’autres, comme cela a été le cas en 2012, avec 13 traitements, contre 6 l’année précédente ». « Nous sommes tributaires des conditions climatiques », rappelait-il, soulignant qu’il était possible de parvenir à des baisses de l’ordre de 30 %, avec du matériel adapté, mais sur des périodes déterminées, pas sur certaines années. Il citait en exemple le cas de l’exploitation du lycée de Davayé, convertie à l’agriculture bio, qui a utilisé 600 grammes de cuivre par hectare en 2011, mais près de 6 kilogramme en 2012. Bref, « c’est le ciel qui commande et les conditions climatiques, pas un texte de loi ».