A la recherche d’investisseurs
quantification des besoins, la filière a fait valoir ses atouts devant
les investisseurs. De la chimie verte aux bâtiments, la forêt n’a pas à
rougir des autres visages de la France industrielle de demain.
Ce colloque réunissait toute la filière et les financeurs privés. Les seuls deniers publics ne suffisent en effet plus pour relancer et développer durablement la forêt française. Plusieurs représentants de la filière ont fait remarquer que le monde de la forêt et celui de la finance n’avaient pas l’habitude de se côtoyer. L’objectif est donc de les rapprocher. La filière estime, au bas mot, des besoins annuels de 150 millions d’€.
« C’est peu pour la finance et beaucoup pour la forêt », arguait Pierre Achard, président de l’Asffor (association des sociétés et groupements fonciers et forestiers).
Le bois, matériau du futur
Pour attirer les financeurs, la filière doit convaincre car le secteur est assis sur du moyen à long terme, une temporalité propre à la croissance des arbres.
Ainsi, Georges-Henri Florentin a-t-il vanté les mérites des fibres cellulosiques. Ces fibres des arbres servent déjà à fabriquer du tissu. « Nous avons les technologies pour cela », assurait-il.
Le secteur du bâtiment est aussi, évidemment, un important débouché pour le bois français. Franck Mathis, président-directeur général de Mathis SA, est actif dans la construction d’immeubles en bois. « Aujourd’hui, on est capables de construire des immeubles de cinq à dix étages. Demain, on vise les quinze à trente étages. En Amérique du Nord, même en Europe, les filières avancent vite ». Une manière de signifier aux investisseurs potentiels qu’il y a urgence à investir dans la forêt. « On vit dans un monde de compétition. Et elle a déjà commencé dans le secteur du bâtiment bois ».
Hiérarchiser les usages
Les financeurs n’investiront pas seulement en se fiant au potentiel de la forêt. D’une part, la réglementation est nécessaire pour envisager des investissements durables de la forêt en France et en Europe.
Mauro Poinelli, chef d’unité Environnement, forêt et changement climatique de la DG Agri de la Commission européenne, a ainsi rappelé que cette dernière cherche des instruments financiers adaptés pour la forêt. Les expériences des États membres peuvent donner des idées à l’échelle européenne. L’Europe accorde aussi des aides directes aux investissements dans la filière. Et en outre, « il faut un cadre pour attirer les investisseurs », soutenait Mauro Poinelli. Par exemple, Bruxelles est en train de travailler sur la directive Energies renouvelables 2020-2030. Mais le fonctionnaire européen a rappelé qu’en l’absence d’une rémunération satisfaisante des produits de la forêt, toutes ses vertus ne seront jamais exploitées.
D’autre part, Hervé Le Bouler, responsable du réseau forêt pour France Nature environnement, a rappelé qu’il est important de « hiérarchiser les usages du bois ». Le sujet polémique de la filière demeure le bois énergie. Mais sur ce sujet, il est clair : « le bois énergie est à la forêt ce que les épluchures sont à la patate ». En d’autres termes, il est hors de question d’exploiter la forêt pour le seul bois-énergie. Et de conclure : « si on dit qu’il faut du bois dans les sociétés, il faut dire qui, où, comment, etc. »
De nouveaux leviers financiers
Filière d’avenir pour l’industrie française, rôle prédominant pour la COP21… la forêt française est « chouchoutée » par l’Etat. Fin octobre, la filière forêt-bois a proposé de nouveaux leviers de financement pour optimiser la gestion de la ressource.
« La forêt et le bois sont une opportunité pour les investisseurs », selon Cyril Le Picard, président de France Forêt Bois (interprofession), lors d’une conférence de presse fin septembre. À la veille de la COP21, les experts se saisissent de l’occasion pour présenter leurs travaux sur les nouveaux financements de la filière. « La forêt a été longuement financée par les circuits familiaux et l’État. Ce mode de financement n’est plus adapté », pour Pierre Achard, président de l’Asffor (Association des sociétés et groupements fonciers et forestiers). En termes de financement, la Cour des comptes rappelait en 2014 que les soutiens financiers aux différents maillons de la filière s’élevaient à 910 millions d’€ par an, une somme qui ne permet pas de couvrir tous les besoins. « Rien que pour replanter, nous enregistrons un déficit de 150 millions d’€ chaque année », déplorait Pierre Achard.
Les assureurs, financeurs potentiels
« Nous avons besoin de nouveaux investissements », renchérissait Luc Charmasson, président de FBIE (France Bois Industries Entreprises). L’idée de la filière est donc d’attirer de nouveaux investissements. Il s’agirait de « créer un nouveau produit d’appels à l’épargne. Les compagnies d’assurances ont très peu de forêt dans leur patrimoine », développait-il. Ces capitaux destinés à l’intensification de la gestion forestière devraient alors « bénéficier de la fiscalité dont bénéficient les particuliers en forêt », lit-on dans le rapport rendu public par la filière le 27 octobre.
Innover là aussi…
Autre levier financier : le financement participatif. La filière propose de constituer un fonds associatif en vue de « transformer les peuplements qui ne seront pas adaptés au climat de demain ». Pour l’abonder seraient utilisés le "crowdfunding" et l’épargne solidaire.
Par ailleurs, la filière propose de développer, pour les particuliers, les groupements forestiers d’investissement (GFI). Ce mécanisme fonctionne déjà, mais la filière appelle à la mise en place de compléments législatifs et réglementaires. « Ces démarches se font en étroite relation avec l’AMF (autorité des marchés financiers) et devraient aboutir en 2016 », selon le rapport de la filière. Enfin, cette dernière veut même imaginer de nouvelles formes de détention de la forêt : « il pourrait être envisagé un fonds d’acquisition de massifs à reboiser ou à reconstituer, financé à parts égales entre des apports (particuliers, institutionnels, caisse de retraite ou établissement financier) et des prêts ». Mais ce levier est encore à l’étude et d’autres sujets méritent d’être approfondis, notamment les droits et les obligations de l’opérateur, le montant du loyer, etc.