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Rentabilité en élevage allaitant

Actionner les leviers techniques

Les résultats des dernières études menées par l’Institut de
l’Elevage et ses partenaires ont récemment été dévoilés. Les
intervenants ont ainsi présenté les leviers pour améliorer la technique,
au service de la maîtrise des charges.
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La rentabilité économique des élevages est au cœur des préoccupations de l’Institut de l’Elevage et de ses partenaires. Alors que la rentabilité des élevages est en berne, l’Institut a révélé quelques pistes pour aider les éleveurs allaitants à retrouver de l’efficacité économique lors de la journée Grande Angle Viande organisée le 15 novembre.
 Premier levier évoqué : la reproduction. Le constat est sans appel. « La productivité globale des troupeaux a reculé entre 2005 et 2015, de -0,5 à -5 points selon les races », a fait état Philippe Dimon, de l’Institut de l’Elevage, pour qui on observe également une hausse de la mortalité, en lien avec la dégradation des conditions de naissance.
Selon ce dernier, « le regroupement des vêlages est un puissant levier technique qui ne nécessite pas d’investissement. Le regroupement des vêlages sur trois mois permet en effet de réduire l’intervalle vêlage-vêlage et la mortalité ». A l’appui, il présente le graphique ci-dessous reproduit. Les progrès ainsi réalisés se traduisent par des gains économiques. « Pourtant le groupage des vêlages reste encore trop confidentiel », estime Philippe Dimon. Particulièrement en race blonde d’Aquitaine où seuls 7 % des vêlages étaient groupés en en 2015 (plus de 80 % des vêlages groupés sur trois mois). En limousine, ce chiffre des vêlages groupés s’élève à 29 %, et en charolaise à 38 %.
 Autre levier : la réduction de l’âge au 1er vêlage. « Le vêlage à trente mois est une bonne solution, mais implique d’avoir une double période de vêlage. Le vêlage à deux ans est à réserver aux élevages avec un bon potentiel génétique et des fourrages de qualité. La technique nécessite des niveaux de croissance soutenus », rappelait Philippe Dimon. La pratique est maîtrisée par les éleveurs qui la pratiquent, mais se développe encore peu. « Le vêlage à deux ans est une stratégie porteuse d’avenir, mais pour une diffusion plus large de la technique, il faut travailler sur la précocité sexuelle des génisses », estime le spécialiste.

Repousser les broutards


Des pistes de progrès existent également sur la conduite de l’alimentation. « L’utilisation de concentrés ne cesse d’augmenter : elle est en hausse de +34 % sur 24 ans. Cette progression est actuellement remise en cause par le contexte économique et sociétal », évoquait Julien Renon, responsable de la ferme expérimentale de Jalogny.
A Jalogny, la station de recherche a étudié l’impact de la repousse des broutards charolais à l’auge, en contexte herbager, pour réduire les charges et mieux valoriser les animaux. « A partir des différents travaux d’expérimentations et d’observations des pratiques en exploitations, nous avons conduit un travail de modélisation. Nous avons ainsi étudié deux leviers : augmenter la part des fourrages de qualité dans les régimes, réduire la part de concentrés, et passer de croissances soutenues à des croissances modérées », expliquait Julien Renon. Onze scenarii ont ainsi pu être comparés. L’équipe a modulé différents critères : veaux complémentés ou non sous la mère, apport de foin ou d’enrubanné précoce ou tardif, et différents niveaux de concentrés. L’objectif de poids visé en fin de repousse était de 435 kg.
Les différentes stratégies d’alimentation conduisent à des niveaux de performances et des durées de repousse très différentes. « L’introduction de fauche précoce sous forme d’enrubannage contribue à réduire fortement les quantités de concentrés de 130 à 300 kg par broutard. L’intérêt économique d’une telle pratique est à raisonner avec la date de vente. Dans le contexte de 2014/2015, l’économie de concentrés a été évaluée à 30 à 90 €/broutard et le gain net à 10 à 30 €/broutard. Le ralentissement des croissances peut, en outre, permettre de profiter d’une remontée des cours », indiquait Julien Renon.

Privilégier la qualité de l’herbe au rendement


La station de Mauron (56) a, elle, étudié les alternatives aux rations à base de céréales pour l’engraissement des jeunes bovins. Trois régimes ont étudiés : blé plus luzerne enrubannée ; blé et trèfle violet enrubanné ; enfin, blé plus herbe enrubannée.
« Les régimes à base de luzerne et de trèfle violet montrent un Intérêt économique significatif : le revenu est en hausse de +10 % pour un système naisseur-engraisseur. Le recours la luzerne ou au trèfle violet présentent, en outre, un intérêt agronomique et écologique : baisse de l’empreinte environnementale de la viande », faisait part Didier Batien, de l’Institut de l’Elevage. Reste que la culture de luzerne ou de trèfle violet nécessite des surfaces aux dépens des cultures. Aussi, faut-il « veiller à ne pas dégrader l’autonomie en énergie et en paille de litière ». L’autre frein, particulièrement pour la production de luzerne, est la technicité de la culture. « Les performances de l’engraissement à l’herbe sont liées à la précocité de la fauche. L’intérêt économique dépend de la conjoncture et du type d’herbe : la pratique est intéressante dans le cas d’une herbe récoltée jeune, issue d’une intensification des prairies et en conjoncture haute », poursuivait Didier Bastien.
Les différents travaux montrent que l’herbe est une alternative possible pour l’imiter l’achat de concentrés. Mais pour assurer la réussite d’une telle pratique, il convient de privilégier la qualité au rendement. « Les gains économiques apportés par l’herbe ne doivent pas être négligés, mais ces différentes conduites restent des solutions d’appoint soumises aux aléas climatiques et exigeantes en technicité. Elles ne suffiront pas à elles seules pour solutionner le manque de rentabilité des systèmes allaitants. Il faudrait une évolution plus en profondeur des systèmes de production », analysait Didier Bastien. Des travaux sont en cours. La sélection des animaux plus efficaces sur les aliments cellulosiques, notamment, est étudiée dans le cadre du programme Beefalim 2020. A suivre…

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