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Agribashing Des tweets contre la désinformation

Suite à la soirée débat le 14 décembre à Sanvignes-les-Mines organisée par votre journal L'Exploitant Agricole de Saône-et-Loire, Géraldine Woessner, journaliste notamment sur Europe 1, s’est fendu de messages sur Tweeter qui ont le mérite d’être clair. Ces quelques 50.000 followers, personnes qui la suivent, sur ce réseau social ont du apprécier sa franchise. Les journalistes et rédactions certainement moins… Mais la vérité ne leur fait pas de mal. Voici ses « Tweet » mis bout à bout qui remettent chacun à sa place. Contre l'agribshing et contre la désinformation, voici une nouvelle forme de vœux pour 2019.

Par Publié par Cédric Michelin
 Agribashing Des tweets contre la désinformation

Ce week-end, j’ai eu le privilège de rencontrer des agriculteurs qui avaient 2-3 choses à dire aux médias. Je les retranscris ici, pour les journalistes de ma timeline (flux sur le réseaux socia, NDLR). Parce qu’en réalité, non, ils ne nous aiment pas. Et ils savent pourquoi. @europe1 (message envoyé à Europe 1, NDLR)

On les écoute rarement, ces agriculteurs, parce qu’ils n’ont pas le temps ni les outils pour se faire entendre. À l’aube, quand on se réveille et qu’ils bossent déjà depuis 2H, ils « changent la fréquence sur le tracteur parce que c’est trop dur de s’entendre cracher dessus. »…

Souvent nos reportages leur gâchent « le lever du soleil, le seul moment où on se souvient pourquoi on aime ce métier, avant l’arrivée du facteur, et des factures. » Qui leur rappellent qu’ils se paieront, ce mois-ci, 350 euros. Et que c’est dur...

Nos reportages, donc, qui conduisent parfois leurs voisins « à venir les frapper dans leurs champs, totalement schizophrènes. » Larmoyants en février (pendant le salon de l’agriculture), assassins au printemps. Nos reportages « qui rongent le lien qu’ils ont entretenu de tout temps avec leur territoire ». Nos reportages qui « mentent ou manipulent. » Nos titres. titres qui « tronquent, raccourcissent, opposent les pratiques bios et conventionnelles », induisent en erreur… Et qui désinforment. Et des exemples, ils en ont plein la charrue...

« Glyphosate : un cancer que vous avalez dès le petit déjeuner » = Fake news. 
« Les OGM sont des poisons » = fake news. 
« Les pratiques agricoles sont responsables des inondations » = fake news…
Sans compter les centaines de titrailles racoleuses agrémentées d’un point d’interrogation ( ?) « pour faire bonne mesure ». 
(«Pesticides : faut-il vraiment manger 5 fruits et légumes par jour ?») 
Jusque dans les magazines de cuisine, « qui recommandent des produits bio pour nos recettes de grand-mère », oubliant que du temps de nos grand-mères, on inondait les champs de pesticides, avec des produits qui sont interdits aujourd’hui ». Les tonnages de ventes de pesticides ont été divisés par deux. Du temps de nos grand-mères, « on vivait moins vieux et en moins bonne santé ». On a gagné 10 ans d’espérance de vie. Du temps de nos grand-mères, « les agriculteurs, oui, faisaient à peu près ce qu’ils voulaient… Il y a eu beaucoup d’excès. Beaucoup de mensonges. » Mais la société a réagit… Les pratiques ont changé, «et pas uniquement grâce au bio...»

Depuis 3 ans, l’agriculture française décroche la médaille d’or du système le plus durable au monde, sur 67 pays. Le sait-on ? Non. 
« Il reste beaucoup d’efforts à fournir, sur la gestion de l’eau, l’usage raisonné des pesticides, l’agroalimentaire… »

Mais à l’heure où l’on s’interroge sur la façon de nourrir, demain, 9 milliards d’être humains dans le monde, « les Français sont les mieux lotis, et on dirait qu’ils pensent le contraire.» Ce n’est pas qu’un sentiment : tous les sondages le disent. #VousAvezDitScizophrènes ?

Récemment, Greenpeace, relayée par nombre de médias, a publié une carte anxiogène des « fermes-usine » en France. Sauf qu’en France, il n’y a pas de fermes-usine. « L’ONG s’est excusée. Mais combien de médias ont relayé ses excuses, autrement que sur le web ? »

BREF... L’échange a duré 4 heures, et je ne le résumerai pas en quelques tweets. Mais vous avez l'ambiance.

Et l’interrogation demeure : « Pourquoi les médias n'informent pas en se basant sur les faits, plutôt que d'attiser les craintes du public » ? Ces craintes diffuses sont justifiées. Trop de scandales les ont provoquées. Certaines sont légitimes (et nous investiguons dessus.) Mais il faut le reconnaître : un certain nombre sont factuellement infondées.

Autre cri du cœur, comme un fil rouge de cette soirée : « À qui se plaindre ? Comment obtenir un correctif, la publication des faits ? » J’ai été obligée d’admettre qu’il n’existe rien. Personne ne peut imposer la correction d’une fake news largement reprise par les médias en vue.

Ce sera donc mon modeste vœu pour 2019 : que ce débat s’ouvre. Que les médias s’auscultent, se défendent s’il le faut, et s’ils le doivent, s’amendent. Donnent plus de temps aux journalistes. Recrutent des scientifiques armés pour s’informer aux sources. Parce qu’il y a urgence…

Nous avons conforté l’« hystérie » et les « vapeurs » des femmes => #Meetoo
Nous avons inventé « le sentiment d’insécurité » => #ExtrêmeDroite
Nous avons « relativisé » la recherche scientifique = #InsuffisanceVaccinale

Merci à ces agriculteurs de m'avoir rappelé le 1er devoir que nous impose la charte de déontologie des journalistes : « Respecter la VÉRITÉ, quelles qu’en puissent être les conséquences, en raison du DROIT que le public a de la connaître. »

Si ce droit n’est plus garanti, alors le public, mal-informé, ne peut plus voter en conscience. Et il n’y a plus de démocratie…

(Parenthèse : il faudra qu'un jour des chercheurs se penchent sur cette dichotomie inouïe, d'un peuple qui se flagelle en permanence de sa médiocrité, ET EN MÊME TEMPS démontre, par ses exigences hors norme, un sentiment manifeste de supériorité. Moi, je n'y comprends rien.)