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Sonia et Simon Meirhaeghe

« Aller de l’avant et vivre tout simplement »

Sonia et Simon Meirhaeghe (prononcer « m-é-r-è-g-e » sont installés depuis quatre ans à Sully où ils élèvent des bovins allaitants et produisent des céréales et du colza. Parents de deux enfants de 5 et 7 ans, ce couple de jeunes agriculteurs au parcours atypique ne manque pas d’idées et fait montre d’un enthousiasme communicatif. 
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Leur périple a débuté en Champagne, la région dont ils sont tous deux originaires. Simon a grandi dans une exploitation de grandes cultures. Flamand d’origine, le grand-père de ce dernier a fait partie des pionniers de l’essor agricole de la Champagne crayeuse. Les techniques agronomiques de l’après-guerre ont métamorphosé ces immenses plateaux ingrats en terre à betteraves, luzerne, blé, chanvre, pavot œillette, pommes de terre… Plusieurs décennies durant, les engrais et les herbicides ont fait des merveilles sur ces anciennes landes à moutons. Mais aujourd’hui, « on arrive aux limites du système », confie le jeune Champenois. Sur la ferme de son père, le labour a été abandonné depuis plusieurs années et la réduction des intrants est le nouveau mot d’ordre.
Novateur dans l’âme, le papa de Simon a fondé avec six autres exploitants une Cuma intégrale dans laquelle sont gérés en commun matériel et assolement, le tout sur près de mille hectares ! Un concept très original, même au sein de la Champagne céréalière. Qui plus est, le groupe a développé une société qui assure la gestion d’exploitation pour le compte de propriétaires ou d’autres exploitants. Un dynamisme collectif dont on sent Simon très imprégné.

« Envie de s’installer tous les deux »


Nul doute que le jeune Champenois aurait aimé reprendre la ferme familiale. Mais ses 140 hectares n’auraient pas suffi à faire vivre deux foyers. Et puis Simon a cinq frères et sœurs dont plusieurs ont également le métier de la terre chevillé au corps !
C’est à l’occasion de leurs études en BTS agricole à Troyes que Simon et Sonia se sont rencontrés. Sonia a elle aussi grandi dans la Marne où son père travaillait dans une coopérative de déshydratation. Les grands-parents de la jeune femme avaient une ferme d’élevage dans la Mayenne d’où la vocation de Sonia pour l’agriculture et les animaux.
« Nous avons très vite eu envie de reprendre une ferme tous les deux », se souvient Simon. C’est ainsi que le jeune couple, fraîchement diplômé, a atterri dans les Monts du Forez, sur une ferme d’élevage dégotée par petite annonce. Simon y a effectué son stage six mois tandis que Sonia en faisait de même sur une autre exploitation voisine. Cette première tentative n’a pas laissé un bon souvenir aux deux jeunes Champenois, car ils sont tombés dans les griffes d’un cédant mal intentionné. Au bout du compte, Simon et Sonia ont du quitter l’exploitation du jour au lendemain.

Expériences enrichissantes


C’est le maître de stage de Sonia qui les a hébergés au sortir de cette mésaventure. Simon s’est alors fait embaucher dans un service de remplacement. A partir de là, les deux jeunes gens ont occupé, chacun de leur côté, différents postes. « Une période très enrichissante », reconnaissent aujourd’hui Sonia et Simon. A l’issue de son stage six mois, la jeune femme a travaillé aux Jeunes agriculteurs avant d’intégrer Arvalis - Institut technique du végétal à Clermont-Ferrand, puis une coopérative « d’appro » dans la Loire. De son côté, remis d’un accident, Simon a travaillé dans une porcherie avant d’intégrer une exploitation vers Feurs. C’est dans ce nouvel emploi que le destin professionnel du couple a pris un tournant.
« L’exploitation qui m’employait était tenue par un couple d’ingénieurs. Le domaine faisait 250 hectares, dont 150 de maïs grain irrigué. La structure employait des salariés et les patrons avaient créé une société de gérance d’exploitation qui rayonnait sur la France entière », raconte avec délectation Simon. Dans leurs emplois respectifs, les deux jeunes gens vont connaître « une belle époque ». Simon monte en grade en devenant « contremaitre ». Avec son patron, il développe « une activité d’application clé en main de traitements phytosanitaires ». Cette prestation se faisait en partenariat avec la coopérative « d’appro » qui employait Sonia. Une vraie réussite.

De la Loire à Sully


C’est aussi à cette période que Sonia et Simon mettent au monde leurs deux enfants : Enzo, puis Enola. Voyant la trentaine se profiler, les jeunes parents ont commencé à se poser des questions sur leur rythme de vie. Malgré les expériences exaltantes qu’ils vivaient en tant que salariés, Sonia et Simon ne voulaient pas laisser passer leur chance de s’installer.
Contrarié de voir partir son contremaitre, le patron de Simon a tout de même voulu aider les deux jeunes gens à trouver une exploitation à reprendre. Il se trouve que dans leur activité de gérance, le couple d’entrepreneurs de la Loire avait pour client la propriétaire de la ferme du château de Sully. C’est par ce biais que Sonia et Simon sont finalement arrivés en Saône-et-Loire.
L’exploitation à reprendre comptait 265 hectares, dont une soixantaine en cultures, avec 90 vêlages. Propriété du château du Sully, elle était gérée par le duc de Magenta lui-même jusqu’à son décès cinq ans avant l’arrivée de Sonia et Simon. Les années précédant l’installation du jeune couple, la ferme a quelque peu souffert des suites de cet évènement familial douloureux. Au final, c’est une exploitation dotée de bâtiments vieillissants, pas aux normes, dépourvue d’outillage, avec des terres nécessitant une grosse remise en état que le jeune couple a trouvée.

Ricrac sur le plan économique


Sonia et Simon ont d’abord planché sur un projet à trois en s’associant avec un ancien salarié de l’exploitation. Mais c’est finalement à deux qu’ils se sont installés en 2009. A cette époque où le Gaec entre époux n’existait pas encore, « un associé de moins signifiait un endettement plus important, des primes en moins et un revenu égal au Smic dans le meilleur des cas », confie Simon. Sans parler de la perte en souplesse de travail, voire en compétences. Malgré les mises en garde des conseillers qui les entouraient, Sonia et Simon « percevaient un potentiel fou sur une structure comme celle-là ! ». Un seul des trois banquiers contactés a bien voulu financer le projet et les parents des deux jeunes gens ont du se porter garants pour la moitié des emprunts.

Limiter les investissements


Sur la question des bâtiments, Sonia et Simon espèrent pouvoir reprendre la stabulation d’un autre éleveur de la commune en passe de cesser son activité. Bien entretenu et aux normes, cet édifice dispenserait le jeune couple de devoir investir dans du neuf. « Nous voulons limiter les investissements longs et durables car, en tant que hors cadre, il faut être prudent… », confie le couple. L’autre levier sur lequel misent les jeunes éleveurs, c’est la conduite en plein air avec des bovins de race Aubrac. Pour l’heure, le troupeau compte un tiers d’Aubrac pour deux tiers de Charolaises. Les premières, élevées en plein air, font leurs veaux entre mi septembre et fin octobre tandis que les secondes, conduites en système traditionnel, vêlent en bâtiment sur février-mars.


« Friands de formations »


Les premières années ont été très difficiles pour Sonia et Simon. La première saison de vêlage s’est soldée par une hécatombe dans les petits veaux liée à une déminéralisation excessive des vaches. « Nous manquions de savoir-faire », reconnaît Simon. Volontaires et tellement désireux d’apprendre, les deux jeunes éleveurs se disent littéralement « friands de formations ». Ils y consacrent au moins cinq jours par an, que ce soit économique, technique, sanitaire… C’est d’ailleurs par le biais de ces sorties studieuses que Sonia et Simon ont commencé à véritablement s’intégrer dans leur environnement agricole. « Les rencontres, nous les avons faites sur les réunions tour de plaine », confie Simon. Sonia a eu l’opportunité de s’engager au sein de Gaec & Société. Se sentant un peu vulnérables en tant que jeunes hors cadre, Sonia et Simon ont aussi fait le choix d’adhérer à la FDSEA. Venant de l’extérieur, les deux jeunes gens ont tout de suite pu mesurer le rôle du syndicalisme dans un projet d’installation atypique comme le leur. Aujourd’hui, Simon préside le syndicat de sa commune et il est le vice-président du canton.
Parallèlement, Sonia s’investit dans le village, que ce soit au niveau de l’école ou du conseil municipal. « Participer aux instances qui nous entourent est primordial », estiment les deux jeunes agriculteurs.

La qualité de vie compte aussi


L’an dernier, les deux associés ont pu enfin transformer leur société en Gaec. L’apport d’une trentaine d’hectares supplémentaires devraient générer du produit supplémentaire, calculent les deux exploitants. Disposant de surfaces peu chargées, Sonia et Simon vont prendre des animaux en pension. Une activité qu’ils aimeraient bien développer. L’idée de créer un groupement d’employeurs est également à l’étude. Car « vivre, ce n’est pas faire de l’argent à tout prix ! », défend Simon. Pour le jeune couple, la préservation d’une certaine qualité de vie en profitant de ses enfants est essentielle. Et pour y parvenir, Sonia et Simon aimeraient instaurer « une dynamique de travail avec les autres » ; prendre part à davantage de chantiers collectifs.
A seulement 32 ans, Sonia et Simon ne manquent pas ni d’idées, ni d’enthousiasme. A la jeunesse s’ajoute une étonnante lucidité doublée d’un esprit créatif qui ne demande qu’à s’exprimer.