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Analyse des tendances alimentaires mondiales d’ici 2030

Piloté par le Centre d’études et de prospective, l’exercice MOND’Alim 2030 consacre un chapitre aux conduites alimentaires. Il en ressort à la fois une harmonisation mondiale des grandes tendances chez les classes moyennes urbanisées, tandis que demeurent des spécificités à l’échelle locale et au niveau de l’individu.

Par Publié par Cédric Michelin
Analyse des tendances alimentaires mondiales d’ici 2030

« De 1960 à 2016, la disponibilité alimentaire moyenne, à l’échelle du monde, est passée d’environ 2 190 kcal/pers/jour à 2 870 kcal », mentionne le chapitre dédié aux conduites alimentaires de MOND’Alim 2020, précisant que cette croissance va se poursuivre. L’augmentation des quantités consommées s’explique par l’amélioration du niveau de vie. Cependant, si on peut parler de convergence des grands équilibres de la ration, des disparités demeurent à l’échelle locale. Ainsi, en France, la transition nutritionnelle s’est faite en deux temps, au XIXème et XXème siècle, tandis que ces deux étapes étaient superposées et concentrées sur moins de cinquante ans en Chine. D’autre part, les contextes locaux influent sur l’alimentation : quand les Japonais consomment davantage de poisson, les Indiens sont plus nombreux à être végétariens. De plus, la consommation mondiale de produits carnés est certes passée de 23 kgec (kilos équivalent carcasse) par personne et par an en 1961 à 42 kgec en 2011, son augmentation se poursuit désormais uniquement dans les pays émergents, stagnant ou diminuant dans les pays les plus développés. En outre, en lisant ce rapport, on pourrait se réjouir du fait que « la proportion de la population mondiale en insécurité alimentaire quantitative diminue », avec un recul de 21 % en 2015 par rapport aux années 1990-1992. Or, le bémol est évoqué par la suite : « La population touchée en Afrique centrale et de l’Ouest est cependant en augmentation ». Par ailleurs, le Centre d’études et de prospective prévoit deux problématiques majeures d’ici 2030 : les carences nutritionnelles et le développement des maladies liées à l’augmentation mondiale du nombre de personnes en surpoids, beaucoup de pays émergeants étant confrontés à ce « double fardeau ».

Des produits qui viennent de loin

D’une part, les échanges culturels et touristiques favorisent la diffusion mondiale des mets, avant qu’ils soient « ethnicisés et réinventés sur les lieux de consommation », nous apprend l’exercice MOND’Alim 2030. D’autre part, les produits transformés, standardisés et répondant aux attentes des consommateurs urbains entraînent « une augmentation de la distance avec les produits alimentaires », mentionne le rapport, précisant que cet éloignement est à la fois d’ordre physique, économique via la multiplication du nombre d’intermédiaires, cognitive dans le cas où on ignore leur origine, et politique avec la perte de maîtrise du système alimentaire. En réponse, les consommateurs et tout particulièrement les couches moyennes urbanisées – qui devraient atteindre les deux tiers de la population mondiale en 2030 quand elles ne représentaient qu’un quart en 2009 – recherchent de nouvelles proximités, tels les circuits courts, l’agriculture urbaine ou encore le commerce équitable.

Une consommation individuelle, des enjeux partagés

Le Centre d’études et de prospective pointe « une accélération sociale, liée aux mutations technologiques, à l’évolution de la structure des emplois (tertiarisation), à l’urbanisation et à la montée des couches moyennes », dont découle « l’exigence de rapidité ». Dans cette perspective, on assiste, au niveau mondial, à une rétrogradation de l’alimentation dans l’ordre des priorités sociales ainsi qu’à une tendance à l’individualisation. Submergé par la grande distribution, les produits préparés et le « prêt-à-manger », le consommateur réduit donc le temps qu’il consacre à se nourrir. On note par ailleurs une tendance au fractionnement des temps alimentaires qui s’accompagne d’un « allègement de la structure des repas » ainsi que d’une « augmentation des consommations hors domicile ». Et cela devrait se poursuivre, selon l’exercice MOND’Alim 2030 qui prévoit une « différenciation des horloges alimentaires, qui devrait concerner un nombre croissant de mangeurs d’ici 2030 ». Les « alimentations particulières » devraient également se renforcer qu’elles soient d’ordre sanitaire, médical, éthique, politique ou religieux, bien qu’elles soient « plus sujettes aux modes et donc réversibles », précise le rapport. Enfin, ce chapitre consacré aux conduites alimentaires souligne « un vaste mouvement mondial de diététisation de l’alimentation », qui devrait lui aussi s’amplifier, tandis que les préoccupations relevant du local et de l’environnemental sont à l’origine de nombreuses initiatives qui, bien qu’encore concentrées dans les pays les plus développés, ont vocation à s’exporter à l’échelle mondiale.