Appellations d'origine : Le dossier Beaujolais/Bourgogne redémarre
Le comité national de l’Inao a validé la relance de la demande de délimitation de l’AOP Bourgogne dans le Beaujolais et nommé une commission d’enquête ad hoc pour se mettre au travail. Les dirigeants des deux vignobles espèrent l’aboutissement de ce dossier longtemps houleux.
Cela fait bientôt 15 ans que l’INAO travaille sur la redélimitation de l’AOP bourgogne en Beaujolais. Les échanges ont souvent été tendus, les incompréhensions nombreuses et les souvenirs des manifestations des vignerons bourguignons en 2020 trottent encore dans les esprits.
Depuis 2016, les nouvelles plantations sur le territoire Beaujolais ne peuvent revendiquer l’AOP bourgogne (pas plus que bourgogne aligoté ou bourgogne passe-tout-grain), dans l’attente d’une délimitation finale. Il est grand temps de sortir de cette impasse et la réouverture du dossier validée d’abord par le Crinao puis par le comité national devrait enfin permettre d’y voir plus clair.
Contacté par nos soins, l’INAO a refusé de communiquer le nom des membres de la commission d’enquête « pour qu’ils puissent travailler sans aucune pression » mais, d’après les noms qui circulent, il semble que l’Institut national a nommé des « poids lourds » de la profession pour mener à bien ce dossier sensible.
Si la délimitation des coteaux bourguignons ne devrait pas poser problème (elle devrait correspondre à l’ensemble de l’aire beaujolaise), il reste à régler le sort de l’AOP bourgogne en Beaujolais, en rouge comme en blanc. « Il est nécessaire d’avancer et de stabiliser la situation, résume Bruno Verret, président de l’ODG bourgogne, on espère que le travail se fera dans de bonnes conditions ».
Délimitation parcellaire
Le grand principe qui a été retenu est de ne pas toucher à l’aire d’appellation géographique, mais de réaliser une délimitation parcellaire reposant sur des critères exclusivement techniques (sols, altitude, exposition, etc.) et non des critères d’usage.
Concrètement, certaines communes beaujolaises, bien que dans l’aire d’appellation, pourraient n’avoir aucune parcelle en mesure de revendiquer l’AOP bourgogne.
Les critères en question seront définis par des experts nommés par la commission d’enquête.
« On espère que ces critères-là seront validés dès 2025, mais le temps passe vite », pronostique prudemment Bruno Verret.
Pour l’instant, les parties semblent dans de bonnes dispositions pour aboutir à un compromis satisfaisant. « Tout le monde est conscient qu’il faut avancer, mais tant qu’il n’y a pas de décisions concrètes… Il est trop tôt pour savoir si la délimitation va inquiéter ou rassurer les vignerons bourguignons », poursuit le président.
Du côté du Beaujolais, cette réouverture est aussi perçue comme une bonne nouvelle. « La délimitation parcellaire, nous sommes pour, si elle se fait de bonne foi, avec la même règle pour tout le monde », explique Jean-Pierre Rivière président de la section beaujolais de l’ODG beaujolais-beaujolais-villages, qui rappelle qu’une délimitation similaire est à réaliser dans l’Yonne. « Chacun doit mettre un peu d’eau dans son vin (sic). Nous faisons partie de la Bourgogne viticole. Pour preuve, 55 % des crémants viennent du Rhône ! C’est un dossier compliqué, mais je suis confiant, il faut avancer en bonne intelligence ».
Une chose est sûre, certaines parcelles perdront le droit de produire du bourgogne. Elles bénéficieront alors d’un moratoire (entre 20 et 30 ans). « Forcément, il y aura des déceptions, des frustrés, estime Bruno Verret, mais il faut faire attention à ne pas fragiliser les exploitations ni déstabiliser le marché ».
Le beaujolais sud attend aussi sa DGC
Côté Beaujolais encore, on relie ce dossier directement à celui de la demande de DGC (Dénomination géographique complémentaire) pierres dorées (1) dans le sud du vignoble dont la dernière version vient d’être déposée. « Ces deux dossiers iront de pair », assure le président Rivière. Est-ce que cela signifie qu’une même parcelle ne pourra pas revendiquer à la fois la DGC pierres dorées et l’appellation bourgogne ? À voir. Mais une chose est sûre, « il n’y aura pas de bourgogne pierres dorées ! », précise Rivière.
Reste à savoir si tout le monde est sur la même longueur d’onde au sein de la viticulture beaujolaise. « Il y a encore quelques vignerons qui pensent que la porte de sortie du Beaujolais c’est la Bourgogne. Moi, personnellement, je crois en la DGC beaujolais pierres dorées. À l’avenir, elle se vendra aussi bien que le bourgogne ! Il faut croire en notre territoire et mettre des moyens pour le valoriser », insiste le président de la section beaujolais.
L’association des producteurs de bourgogne en Beaujolais (APBB) par la voix de son président Olivier Bosse-Platière dit sa confiance en Christian Paly et en l’Inao pour faire aboutir cette délimitation « que l’on nous refuse depuis plus de dix ans. APBB participera activement à ce travail, on ne peut plus attendre maintenant », rappelant au passage que cette demande est antérieure à celle de la DGC pierres dorées et que cette dernière ne doit pas interférer sur le dossier bourgogne.
Aucun des acteurs ne se hasarde à faire des pronostics en matière de délai, d’échéances. En attendant le début du travail de la commission d’enquête, les dirigeants beaujolais et bourguignons maintiennent des contacts informels et pour l’instant sereins. Affaire à suivre…
(1) : Cette demande entre dans le cadre de la stratégie de montée en gamme, qui a pour objectif d’étendre la hiérarchisation au sein de l’AOP beaujolais.