Apporter du sang neuf
générale. La journée était chargée avec l’inauguration de l’aire de
lavage des effluents phytosanitaires à Fissy l’après-midi. Le groupe
soudé a pu mener à bien le projet qui fait la passerelle entre Cuma,
coopérative et chais individuels.
Elle le doit à ses adhérents, conscients de la chance d’avoir une Cuma bien équipée et chaque groupe a accès à du matériel performant, tout en partageant les coûts. Evidemment, tout n’est pas simple. D’autant que ces dernières années, la Cuma a pris à bras le corps le lourd et long projet d’aire de recyclage des effluents vitivinicoles pour l’ensemble du secteur…
La fin d’un casse-tête
Sur ce dernier point, « on n’y arrive plus ». Dans son rapport moral, le président, Bernard Chevalier, livrait franchement ses idées. Depuis dix ans à la tête de la Cuma de Lugny - et bien qu’avouant « ne pouvoir s’en passer » - l’aire de lavage était un projet d’une toute autre envergure et nature que la "simple" collectivisation d’utilisation de matériel. Le constat est même un peu amer pour le bureau de la Cuma. Car derrière, la sanction peut être personnelle et économique. « On est en retard pour faire tourner nos exploitations », analysaient avec lui, le trésorier et le secrétaire général.
Heureusement, cela n’a aucune influence sur le reste des activités de la Cuma. Au vu du « tour de piste » des différents matériels, l’utilisation collective de matériel agricole continue de fonctionner normalement. L’inauguration l’après-midi de l’aire de lavage permettait certainement de relâcher la pression. Les sourires pouvaient enfin s’afficher fièrement, au vu de l’œuvre « impressionnante » sortie finalement de terre.
« Bagatelle » de 326.000 €
Mais tout n’est pas encore terminé pour autant. Calibrée en conséquence (voir article ci-dessous), l’aire a nécessité un emprunt s’élevant presque à un demi-million d’euro ! La Cuma a fait des prêts court terme de plus de 450.000 € pour attendre le versement de la TVA, et surtout des 326.000 € de subventions accordées. « Cela pose la question de comment faire face en attendant », expliquait Daniel Chevenet, le trésorier. Cette « bagatelle » est un stress pour les viticulteurs.
De plus, le chiffre d’affaires a « fortement augmenté », tout comme la charge de travail, surtout sur le volet comptabilité et suivi de chantier. Il n’est d’ailleurs pas fini. Les artisans et PME continuent d’intervenir. Une réflexion est donc lancée « pour l’embauche d’une personne à temps partiel pour aider ».
Le surcoût des équipements complémentaires
Les viticulteurs espéraient ne plus voir trop d’autres nouvelles obligations réglementaires. Parmi elles, la plus symbolique fut l’obligation "tardive" de couvrir l’aire de recyclage des effluents vitivinicoles pour rester aux normes. Bien lui en avait pris, la Cuma de Lugny était la seule a l’avoir prévue dès le départ, pour la collecte des eaux de pluie et pour ne pas apporter de nuisance sonore aux habitations voisines.
La coordination avec la Cave coopérative de Lugny a également été nécessaire pour savoir si la cave s’équipait de trois dégrilleurs automatiques et déshuileurs, dans chacun de ses chais, pour nettoyer les effluents des impuretés (éléments grossiers, huile corrosive pour les membranes). C’est la Cuma qui investira pour tous.
Bernard Chevalier finissait l’assemblée générale en indiquant vouloir céder sa place l’an prochain. Son engagement se poursuit néanmoins dans le réseau Cuma puisqu’il a pris d’autres responsabilités aux plans régional et national.
Petit tour technico-économique du matériel
Les différents responsables de matériel faisaient un tour de piste avec les chiffres de Jean-Philippe Rousseau. Pour la nouvelle machine à vendanger, Yvon notait 32 ha vendangés avec la tête de récolte (134 €/ha) et 295 heures pour l’enjambeur (43 €/h carburant inclus). Les cumistes comptaient 3 heures par ha, ce qui amène le prix de l’hectare vendangé à 260 €. « On dégringole les prix un bon coup, c’est une belle performance avec une machine neuve ». La durée d’amortissement (160.000 €) est estimée à 14 ans, avec un prêt sur 7 ans.
De son côté, le tractopelle géré par le groupe de Patrice a tourné 496 heures, chacune facturée 22,33 €. L’effeuilleuse du groupe de Joël « tournait bien jusqu’à cette année », précisait-il. Une réorganisation des chantiers « après la fleur » est prévue pour essayer d’alléger les coûts (26 ha à 145 €/ha) « chers » (tracteur, chauffeur, gasoil non comptabilisés, ndlr) actuellement car ce matériel ne sert qu’en pré-vendanges.
Une centrale de graissage va équiper le broyeur de pierres car « cela fait deux fois qu’on casse les paliers ». Les releveuses du groupe de Philippe reviennent à 106 €/ha « avec le consommable » (agrafes) sur 36 ha engagés. A noter aussi que la Cuma a investi dans une remorque forestière parfois « difficile à suivre ».
Enfin, la salle débattait autour du stockage et de l’enlèvement des marcs par Bourgogne Alcool. L’aire de stockage collective a nécessité des frais conséquents en matériaux résistants. Du coup, le coût de la prestation est élevé même sur un engagement de 15 ans. « Il faut trouver une solution pour que tous les gens pressentis utilisent l’aire de stockage, mais en examinant tous les calculs possibles pour essayer de baisser les coûts annuels ».
Inauguration de l’aire de recyclage des effluents vitivinicoles
En retraçant l’historique du projet, le maire de Lugny, Daniel Conry, n’hésitait pas à parler de « réalisation technique qui va marquer notre époque » viticole, au même titre que la construction de la coopérative. Que de chemin parcouru en effet depuis le Sivom (1972) ou la station d’épuration « ne donnant rapidement pas satisfaction ». Avec la Loi sur l’eau, le conseil communal classe ce projet d’aire de lavage en installation classée pour la protection de l’environnement et en juillet 2010 tombe l’autorisation préfectorale. Faux départ puisque peu de temps après, la DDE refuse le permis de construire en contradiction avec le PLU de 2007. La Cuma a en effet un statut de droit privé et la zone classée AV. « Personnellement, j’avais l’impression que ce projet avait une mission de service public avec un intérêt collectif », s’énervait encore le maire après avoir du faire des recours auprès des services étatiques. La signature du permis fut officielle en novembre 2010, soit un retard de trois ans sur le projet et la pose de la première pierre, expliquait Bernard Chevalier. Après les vendanges 2011, c’est finalement fin janvier 2012, après traitements, que les premiers effluents ont pu être rejetés, sans risque dans le milieu naturel. La station peut traiter 7.000 m3 d’effluents provenant essentiellement des caves de Lugny et Chardonnay mais aussi d'une dizaine de caves particulières avoisinantes. Les effluents passent par un bac à silice de 500 m2 et une roselière de 200 m2. Cinq pistes de lavage et remplissage accueillent 23 machines à vendanger et 40 pulvérisateurs provenant d’environ 50 exploitations au total. Les effluents phytosanitaires ont un « cheminement » et un stockage particuliers. Toutes ces réalisations ont coûté pour l’heure 1.200.000 €, financées à 72 % par les adhérents et aidés par subventions (28,5 % ; 326.000 €). En parallèle, un autre site à Cruzille (116.000 €) a vu le jour et est lié à cette aire de Lugny.
Devant les élus, le président de la Cuma insistait sur le fait que « les viticulteurs locaux, par un tel investissement, démontrent bien leur préoccupation de la qualité de l’eau, du bassin versant et de l’environnement ». Le nouveau président de la cave de Lugny, Marc Sangoy, rajoutait que cette préoccupation n’est en rien nouvelle : « Depuis les années 1990, la coopérative est déconnectée du réseau collectif (plan épandage) ». Il en profitait pour dire aux « élus : attention de ne pas nous décourager ». En effet, les règles sont encore plus strictes pour la coopérative.