Pour que les touristes mangent « local »
Le 6 février dernier à Dompierre-les-Ormes (lire notre édition du 14 février), le Département de Saône-et-Loire organisait la suite de son Schéma départemental de développement touristique 2023-2028. Si la journée était dédiée au Tourisme durable et sociale, ces deux termes sont parfaitement appropriés à l’approvisionnement des établissements touristiques en produits locaux, notamment agricoles et viticoles donc.

Retenu sur son exploitation, le conseiller départemental en charge de l’Agriculture, Frédéric Brochot se faisait remplacer par Véronique Badet pour parler de la « Mission agricole de Saône-et-Loire ». Ce travail s’effectue justement « en transversalité » et notamment avec la Mission Tourisme. Et le Département avait décidé de mettre les petits plats dans les grands « pour que les prestataires touristiques puissent bénéficier des produits locaux » agricole et viticole, en présentant les plateformes jveuxdulocal.fr et Agrilocal.fr en ce 6 février. Véronique Badet rappelait d’emblée qu’il n’y a pas de définition de ce qu’est un circuit court, qu’il ne s’agit pas de kilomètres parcourus, mais plus du nombre d’intermédiaires réduits entre un acheteur et un producteur, souvent compris « entre 0 et 3 ». Ces deux plateformes sont donc bien adaptées pour développer les circuits de distribution de produits locaux « qui eux non plus ne sont pas définis », citait-elle l’exemple d’un abricot de la Drome qui n’est donc pas de Saône-et-Loire, mais qui en même temps est rare dans nos contrées. Le code des marchés publics et les législateurs n'ayant jamais tranchés...
Elle présentait donc à la centaine de professionnels du tourisme, la plateforme web, Jveauxdulocal.fr qui est un annuaire recensant les producteurs locaux ou leurs distributeurs. 450 producteurs ou artisans sont référencés sur 800 en circuit court qui font de la vente directe, décomptait-elle pour démontrer le large choix possible. Avec désormais cinq années de recul et d’expérience, la plateforme lancée au moment du Covid s’est perfectionnée et les fiches producteur sont de mieux en mieux remplies, comme le fait de pouvoir retirer un panier sur place ou la pratique de vente à la ferme, rentrait-elle dans les détails.
Elle naviguait ensuite sur le site Agrilocal.fr. Le Département souscrit à cette plateforme développée par une association nationale, qui permet à la base de mettre en relation les restaurants collectifs (scolaires, hospitaliers, Ehpad…) auprès des producteurs locaux. Là encore, la plateforme est gratuite côté acheteurs comme côté fournisseurs. En Saône-et-Loire, 51 collèges l’utilisent régulièrement pour un chiffre d’affaires revenant aux producteurs locaux de l’ordre d’un million d’euros. Un chiffre « qui double quasiment tous les ans depuis 2017 ». Car tout l’intérêt de cette plateforme est aussi de « simplifier le sourcing et le paiement par rapport aux appels d’offres publics ».
La Mission agricole du Département a mené son enquête et décidé d’ouvrir la plateforme Agrilocal aux établissements touristiques qui pourraient notamment avoir une épicerie (camping…) ou une restauration, ne serait-ce que pour les petits déjeuners. Sur le site, 195 fournisseurs sont référencés, allant des agriculteurs (128), aux artisans (30) en passant par des entreprises locales ou des grossistes. De rares bouchers, boulangers, biscuiteries, torréfacteurs… viennent compléter la liste pour celles et ceux qui voudraient des contacts pour leur magasin et épicerie fine. « Viandes et yaourts sont les plus commandés. On ne bloque pas les tomates en hiver mais on alerte que ce n’est pas de saison et donc que cela risque de pas être local », détaillait-elle. La plateforme est nationale et compte 34 familles de produits avec un large panel de choix, « des surgelés jusqu’à l’épicerie sucrée ». Dans les produits transformés, on retrouve vins, charcuteries, fromages, jus de fruits…
L’acheteur a la possibilité d’exprimer ses besoins également — produits, quantité, qualité, date de livraison… — afin que les producteurs puissent lui répondre et faire des propositions. « Une consultation en forme de devis en ligne ». De nombreuses zones de commentaires permettent aussi de préciser la demande, « genre yaourts cassis sanguinolants pour Halloween ». Elle conseillait aux acteurs touristiques de partir sur un paramètre de 80 km autour pour faciliter la logistique et éviter trop de réponses. Les acheteurs peuvent faire des listes dans des fichiers par type de produits, dates… voire passer une commande en ligne, y compris « contractualiser pour une durée ». À l’unité ou au kilo (en seau par exemple pour les yaourts en buffet), de nombreuses options sont possibles.
De leur côté, le ou les fournisseurs vont recevoir des demandes de devis par SMS et par mail, avec le temps impartis pour répondre s’il a été paramétré par l’acheteur. Si la ou les propositions conviennent, l’acheteur s’engage à acheter. « C’est un gain de temps pour tout passer dans la même consultation (yaourts, fruits, viandes…) et plus rapide que de passer de ferme en ferme ». Et c’est également l’occasion de découvrir des productions « méconnues » (truite, silure, foie gras…) au gré des saisons.
Elle insistait sur le volet équitable de la plateforme : « il n’y a pas de négociation possible, c’est le tarif du producteur, fixé par lui. On espère une meilleure rémunération pour nos producteurs », concluait-elle devant des professionnels du tourisme fort intéressés qui veulent « faire vivre leur territoire et offrir un tourisme avec des produits sains et de qualité pour le bien de l’environnement ».
Exemple d'une offre de buffet petit déjeuner type continental
Véronique Badet donnait l’exemple de ce que permettent les deux plateformes pour qu’un établissement de tourisme puisse offrir à ces clients, un petit déjeuner de type local avec que des produits de Saône-et-Loire, et avec un approvisionnement 100 % en direct du producteur, en circuits courts :
- 2 œufs au plat fermier = 0,60 €
- 20 grammes de bacon fumé fermier = 0,37 €
- 40 grammes de pain Bio aux céréales = 0,24 €
- 1 croissant HVE niveau 4 = 1,05 €
- 10 grammes de beurre AOP (de Bresse) = 0,03 € (pris en motte de 5 kg)
- 30 grammes de confitures de cassis = 0,29 €
- 100 grammes de yaourts à la fleur de sureau = 0,28 € (pris en seau)
- 100 grammes de compote pomme-fraise = 0,34 (pris en poche de 4 kg)
- 20 cl de jus de poire = 0,66 €
Total, 3,86 € hors boissons chaudes pour du 100 % Saône-et-Loire.