Après les EGA, les acteurs continuent de s’interroger
Sur le thème des controverses de l’agriculture et de l’alimentation, au Salon de l'agriculture à Paris, plusieurs intervenants ont notamment été invités à débattre sur le sujet du « pacte sociétal et environnemental » après les Etats Généraux de l’Alimentation.

Quel rôle pour l’agriculture aujourd’hui ? C’est la question à laquelle étaient invités à répondre différents acteurs du monde agricole et de la société à l’occasion d’une journée consacrée aux controverses dans l’agriculture, le 23 février, à la maison de la Chimie. Le sociologue Jean Viard, a ouvert le débat en rappelant les différents rôles que l’agriculture a tenus dans la société au cours des deux derniers siècles. Pour lui, la France est un des rares pays à avoir toujours eu des projets politiques pour l’agriculture. « Au XIXème siècle, l’objet de l’agriculture n’était pas de se nourrir, c’était de garantir la stabilité politique, on a fait un modèle de paysans nombreux, peu productifs, républicains, et on avait les colonies pour nous nourrir », explique le sociologue. « Dans les années 60, avec le gaullisme, on a demandé aux paysans de nous donner l’indépendance alimentaire, et ils ont fait le boulot », poursuit-il. Jean Viard estime que le problème actuel est justement l’absence de projet politique pour le secteur. Le sociologue se questionne cependant sur la nécessité de l’autonomie alimentaire, avec la possibilité des échanges internationaux.
« La première vocation du monde agricole est alimentaire »
Sandrine Bélier, directrice de l’association Humanité et Biodiversité, partage ce constat sur le manque de vision politique. Mais elle s’oppose à l’idée que l’autosuffisance ne soit pas importante à l’heure actuelle. « Je reste convaincue que la première vocation du monde agricole est alimentaire et doit le rester, la souveraineté alimentaire est plus importante que jamais », répond-t-elle. L’ancienne députée européenne estime que cet enjeu et celui de la protection de la biodiversité, « sont extrêmement liés à la paix, notamment la paix sociale et à la stabilité de nos institutions ». « Ce serait manquer de cohérence, après la COP21, d’affirmer qu’on participe à la préservation de la biodiversité et à la lutte contre le dérèglement climatique, en important du bœuf depuis l’autre côté de la planète », poursuit-elle.
Le premier défi des producteurs est la rémunération
La question de la biodiversité ne se limite pas aux espèces « naturelles » mais concerne aussi les espèces élevées et cultivées a rappelé Sandrine Bélier. « La perte de cette diversité présente les mêmes risques dans le système général », précise-t-elle. « Si on doit avoir un pacte sociétal et environnemental avec le monde agricole, et particulièrement les producteurs, poursuit la directrice d’Humanité et Biodiversité, il faut aussi reconnaitre les producteurs comme des artisans du paysage et de la préservation de la biodiversité. » « Les agriculteurs sont prêts à relever ces défis », assure le président des Jeunes agriculteurs, Jérémy Decerle. « Mais si on n’a pas les capacités financières, ni le soutien du monde politique et de la société, il est plus difficile d’avancer correctement », modère-t-il. L’éleveur s’est aussi inquiété du fait que le premier défi auquel les agriculteurs doivent actuellement faire face soit celui d’une juste rémunération de leur travail.
Le combinatoire pour répondre aux attentes de la société
L’évolution vers une agriculture plus saine, pour l’homme et l’environnement, passe aussi par l’accès à des alternatives aux méthodes actuelles de production, comme l’utilisation des produits phytosanitaires. Le président de Bayer France, Frank Garnier, est ainsi intervenu dans le débat afin de présenter la place que son groupe souhaite prendre dans la gestion des défis à venir, notamment environnementaux. Revenant sur l’acquisition de l’entreprise Monsanto, il a expliqué la nécessité d’avoir accès à une grande force de recherche pour travailler ces questions. « Il faut pouvoir maitriser l’ensemble des technologies, à la fois la génétique, la chimie, la biologie, le biomimétisme, le numérique et l’intelligence artificielle et pour combiner tout ça il faut énormément de puissance de recherche », justifie le président de Bayer France.