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Gastronomie Française (4e partie)

Au patrimoine mondiale de l'Unesco

Dernière partie de notre saga pour mieux comprendre et défendre la
gastronomie française qui vient tout juste d'être inscrite au Patrimoine mondiale de l'Humanité par l'Unesco. Voici les dernières clés sur
l’histoire de notre modèle alimentaire avec l'étude du Centre de recherche pour
l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) sur l’alimentation et les
consommations alimentaires. Passionnant…
Par Publié par Cédric Michelin
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À partir du Grand Siècle jusqu’au Siècle des Lumières, le processus de centralisation de l'État constitue une autre étape dans la construction du modèle alimentaire français. Cela se manifeste dans l'émergence d'une société de cour dans le Versailles de Louis XIV. Le XVIIe siècle est donc celui de l'apparition de la gastronomie comme système de codes alimentaires. Avant d'en être le chef d'orchestre, Louis XIV voit se constituer autour de lui ce tandem harmonieux entre les cuisines et la table des maîtres. Le Prince de Condé le convie à Chantilly, où officie François Vatel, son maître d'hôtel. Peu à peu, Versailles deviendra le « centre de gravité de la sociabilité aristocratique ». À l'architecture du château, à l'ordonnancement des jardins, Louis XIV ajoute le rituel minutieusement réglé du repas.

Un spectacle à imiter



Pour les souverains, les repas publics sont traditionnellement l'occasion de manifester leur puissance. C'est aussi un « spectacle qui montre ce qui est imitable, et donc à imiter », ceci jusque dans les couches les plus humbles de la société se répandant par la « libre entrée du peuple qui, dans une surprenante cohue, prend sa part du spectacle ».
La cour étant le lieu du pouvoir, elle est un espace hiérarchisé, et ceci jusque dans les salles à manger, invention alors récente. La distribution des plats à table est inégalitaire. C'est à chacun selon sa condition et son rang dans la société, parce que tout le monde ne mange pas la même chose.
Le service « à la française », en cours depuis le Moyen-Âge et jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, se caractérise par trois services successifs et des plats servis en même temps.
Tout au long du XVIIIe siècle, cette sociabilité alimentaire commence à se disperser à Paris et dans les grandes villes de province. La société de cour repose sur la distinction et les rivalités entre « élites » pour plaire au souverain. Par exemple, en amenant de sa province un maître cuisinier capable de séduire ses papilles. Le développement du goût demeure alors la propriété de l'aristocratie.

Le service russe



À la suite de la Révolution de 1789 et à partir du XIXe siècle, le modèle alimentaire aristocratique est adopté par la bourgeoisie. Le service « à la française » s'efface progressivement au profit du service « à la russe », plus égalitaire, avec des plats qui se succèdent et où chacun mange la même chose. C'est ce service qui est paradoxalement constitutif du repas gastronomique français.
Le développement de la gastronomie au cours du XIXe siècle illustre le processus de démocratisation du goût à l'échelle de la société. Cette démocratisation s'accompagne de la volonté de se distinguer - par son mode d'alimentation et ses manières - alors que l'égalité entre les citoyens a engendré un nivellement général. Il s'agit de se démarquer par son raffinement et sa bonne éducation.

Manger en bonne compagnie



Cet impératif de distinction est indissociable du processus de démocratisation de la société. L'abolition des privilèges ayant instauré une forme de promiscuité sociale. On veut donc manger entre soi, entre « gens de bonne compagnie », que ce soit dans les réceptions chez les particuliers ou dans les restaurants qui se multiplient dès la fin du XVIIIe siècle.
Ces derniers vont aussi contribuer à populariser la gastronomie bourgeoise et les manières de table au cours du XIXe siècle. D'abord ouverts par d'anciens maîtres d'hôtel de l'Ancien Régime, ils donnent à voir au plus grand nombre ce que l'on doit manger et comment l'on doit manger dans la « bonne société ».

L’émergence des classes moyennes



L'émergence des classes moyennes au cours du XXe siècle va contribuer à l'accès à tous d'un même modèle. Les catégories du goût et de la convivialité deviennent familières au plus grand nombre. La maîtrise des manières de table constitue un moyen de sélection imparable de la culture. Paradoxalement, ce facteur de différenciation sociale est en même temps un facteur d'identification à un habitus national, comme modèle de référence de la bonne manière de s'alimenter. C'est le signe d'une démocratisation du goût bourgeois.
En France, le repas exceptionnel des classes populaires correspond d'abord au repas quotidien des classes bourgeoises, puis, ce repas bourgeois commence à imprégner le repas quotidien des catégories populaires.
Aujourd'hui encore, la gastronomie française continue d’écrire son histoire en se diffusant toujours par catégories sociales. Et à se diffuser avec son inscription au patrimoine mondiale immatériel de l'Unesco.


Le repas "à la française" inscrit au patrimoine culturel de l’humanité



Le repas gastronomique français a été inscrit, le 16 novembre dernier, sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité de l’Unesco. C’est la première fois qu’un dossier de ce type figure au patrimoine immatériel de l’Humanité qui valorise « le bien manger » et « le bien boire ». Les pouvoirs publics veulent aussi le préserver, notamment dans les écoles et les manifestations culturelles.






Retrouvez les trois autres articles consacrés à la Gastronomie française, tous en page Oxygène dans nos éditions du 23 juillet, du 27 août et du 5 novembre. Une saga à conserver et à relire !



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