Au Salon de l'agriculture, des postures nouvelles sur les phytos
L’édition 2018 du Salon de l’agriculture a été marquée par des postures nouvelles, plus constructives, chez certains représentants de l’amont agricole dans le dossier des produits phytosanitaires. Avec une volonté commune : reprendre l’initiative, montrer que l’on est « en mouvement ». Chez la FNSEA en premier lieu qui, sentant le risque d’être « cornerisée » politiquement, a voulu montrer un nouveau visage avec ses 292 solutions de réduction des phytos. Du côté des entreprises également, comme Terrena, Advitam, Fleury Michon, Sodebo et Auchan qui viennent de lancer avec Ferme France, un nouveau système de notation des produits, interfilière et multicritère (phytos, bien-être…). Enfin, le secteur fruits et légumes, en ébullition sur le sujet, s’est particulièrement démarqué, avec la présentation du label « sans pesticides, 100 % nature » de Savéol, Prince de Bretagne et Solarenn.

Sur les écrans de télévision, l’édition 2018 du Salon de l’agriculture a été marquée par le vif échange entre le président de la République et un jeune céréalier d’Île-de-France, qui dénonçait notamment la volonté gouvernementale d’arrêter l’usage du glyphosate en France d’ici 3 ans, contre 5 ans en Europe. Mais cette confrontation, assez traditionnelle, a pu masquer les postures nouvelles qu’ont affichées certains représentants importants du monde agricole sur le sujet des phytos. De la FNSEA à Saveol en passant par Terrena, on veut montrer que l’on « est en mouvement ».
Avec ses 35 partenaires dont 15 organismes techniques, la FNSEA a présenté, le 26 février, les premiers contours de son Contrat de solutions : une « trajectoire de progrès » construite par le secteur agricole lui-même à destination du gouvernement. L’objectif de la FNSEA est de changer son image, et par la même celle du monde agricole. Mais surtout il s'agit de ne plus subir le calendrier d’interdiction imposé par les pouvoirs publics, après les arbitrages défavorables au syndicalisme sur le glyphosate.
Les 36 partenaires souhaitent faire valider ce projet par les ONG environnementales et le faire soutenir financièrement par le gouvernement. Car l’annonce intervient bien sûr en pleine négociation du plan d’action phyto du gouvernement et du plan d’investissement de 5 milliards d’euros. Le ministre de l’Écologie Nicolas Hulot a d’ailleurs évoqué le sujet avec la FNSEA lors de sa visite du Salon : « Nicolas Hulot nous a dit 'votre organisation va dans le bon sens, c’est important que le plus gros syndicat agricole aille dans cette direction, je le dirai et je le mesure' », a rapporté Christiane Lambert sur Public Sénat le 28 février.
Le projet de la FNSEA n’est pas encore abouti mais avec ses partenaires, elle déjà identifié 292 solutions de réduction. Ces « alternatives » se déclinent en huit thèmes : pratiques agronomiques, amélioration des plantes, agriculture numérique, robotique et agroéquipement, biocontrôle, produits phytos innovants, démarches de filières et de territoires, conseil, formation et diffusion.
« Jusqu’ici nous étions dans la stigmatisation des uns et des autres »
La FNSEA a pour objectif d’aboutir à un agenda complet au premier semestre. Mais l’important n’est peut-être pas là. « Jusqu’ici nous étions dans la stigmatisation des uns et des autres. Aujourd’hui il y a un changement de posture, un vrai engouement pour trouver des alternatives, estime le responsable environnement de la FNSEA, Eric Thirouin. Souvent c’est nous qui allons chercher les institutionnels et autres professionnels dans ce type de démarche. Là ce sont eux qui sont venus nous dire qu’ils voulaient en être. »
Bien sûr, le syndicat n’abandonne pas complètement ses arguments défensifs, notamment ceux de la compétitivité et du revenu des agriculteurs. Mais au travers de ce projet, il ajoute depuis quelques mois une posture plus constructive. « Les agriculteurs ne veulent pas être cornerisés. Nous ne sommes pas addicts aux phytos mais en mouvement », résume Christiane Lambert. Le syndicat revendique également un discours de transparence : « La société veut connaître la vérité, nous lui dirons, explique Eric Thirouin. Dans certains secteurs, nous irons plus loin qu’Ecophyto, dans d’autres moins, et nous expliquerons quels sont les points d’achoppement ».
Ferme France : « faire de la performance sociétale un levier de différenciation »
Une volonté de transparence que l’on retrouve également dans la démarche Ferme France, lancée sur le Salon de l’agriculture, par Terrena, Advitam, Fleury Michon, Sodebo et Auchan. Ferme France se veut une démarche collective interfilière, qui a pour objectif d’améliorer et de promouvoir la performance sociétale de l’agriculture et de l’agroalimentaire français. Elle porte sur l’usage des phytos, mais pas seulement. Bien-être animal ou nutrition-santé sont également dans la focale.
Le principe est de construire des indicateurs d’évaluation définis filière par filière et marché par marché, en concertation avec les acteurs économiques engagés dans la démarche. La grille d’évaluation de chaque critère (phytos, bien-être…) prendra en compte les étapes de la chaîne de valeur (production, transformation, distribution, commercialisation). « Nous voulons élaborer un système de notation simple pour le consommateur, à la manière de la norme de consommation des appareils électroménagers", explique François Attali, directeur marketing stratégique de Terrena. "Aujourd’hui, le consommateur est face à une multitude de promesses qui crée de la confusion, poursuit-il. Grâce à Ferme France, nous voulons faire de la performance sociétale un levier de différenciation et de création de valeur en France et à l’international. Nous voulons aussi la rendre plus objective. »
Chaque produit aura ainsi une note qui résultera de la combinaison des différents critères, et qui sera apposée sur le produit, afin de jouer la transparence. « Nous voulons aussi créer un mécanisme de participation des consommateurs qui cumuleront des droits de vote à mesure qu’ils achèteront des produits notés Ferme France », poursuit François Attali.
Mais tout cela ne pourra fonctionner que si un grand nombre d’entreprises et de filières s’engagent. Il reste encore du chemin à faire pour convaincre le plus grand nombre (voir encadré).
« Zéro résidu », « sans pesticide »… la filière fruits et légumes se positionne
En matière d’efforts sur les produits phytosanitaires, la filière fruits et légumes regorge de nouvelles initiatives depuis quelques mois. Cela s’est manifesté sur le Salon avec la présentation de concepts de commercialisation très innovants.
D’abord à travers les développements du collectif Nouveaux Champs lancé début février et rassemblé autour du label « Zéro résidu de pesticides ». Ce dernier est bâti autour d’une promesse de résultat : « Garantir aux consommateurs l’absence de résidu des substances actives recherchées » grâce à un résultat inférieur à la limite de quantification (0,1 µg/kg) et des analyses effectuées par un laboratoire indépendant.
Faire de la performance sociétale un levier de différenciation et de création de valeur, et la rendre plus objective
« Le fait est que nous travaillons tous depuis longtemps sur le sujet de la réduction des pesticides. Mais le label permet d’être dans un mouvement qui rend possible de le dire aux consommateurs », analyse Gilles Bertrandias, le président du collectif.
Ce dernier compte désormais 21 membres, totalisant 2000 producteurs et « une trentaine d’entreprises sont actuellement en discussions pour nous rejoindre », précise-t-il. Le collectif met sur le marché 30 000 tonnes de fruits et légumes cette année et veut représenter « 15 à 20 % de la production d’ici 5 ans ».
Les Bretons lancent le « Sans pesticides, 100 % nature »
Par ailleurs, les trois grandes marques bretonnes de fruits et légumes, Savéol, Prince de Bretagne et Solarenn ont également profité du Salon de l'agriculture pour annoncer la création d’un label « sans pesticides, 100 % nature » d’ici l’année prochaine. Objectif affiché : représenter près de « 40 à 50 % des 200 000 tonnes de la production bretonne de tomates » en 2019. Et les trois entreprises d’indiquer que leur intention est bien « d’étendre cette démarche à d’autres productions de fruits et légumes, à partir d’un cahier des charges commun » en cours d’élaboration.
À la différence du « Zéro résidu de pesticides », ce nouveau signe distinctif porte non pas l’engagement d’une absence de résidu mais « d’une absence d’utilisation de pesticides de synthèses sur les tomates », explique Arnaud Letac, responsable qualité de Solarenn. Le but à la fin est identique : « Mettre en avant les bonnes pratiques », d’après Pierre-Yves Jestin, président de Savéol.
Ces initiatives sont-elles l’horizon unique de la filière ? Pas forcément. Comme l’exprimait Jacques Rouchaussé, président de Légumes de Frances, lors d’une conférence de presse d’Interfel « toute la filière n’a pas vocation à faire du zéro résidu. Ce n’est pas pour autant que les autres sont des empoisonneurs. L’objectif c’est d’accompagner l’ensemble de la profession vers une réduction de l’usage des pesticides ».
L’objectif de la FNSEA est de changer son image, et par là même celle du monde agricole
Glyphosate : les firmes présentes sous le nom « Agriculture et liberté »
Pas de stand BASF ou Monsanto dans un salon destiné au grand public comme le Salon de l’agriculture. Les firmes s’y font discrètes. Cette année, l’UIPP (fabricants de produits phyto) s'est installée, dans le hall 4, avec un stand intitulé « Siècle vert » qui accueillait un plateau TV. Quant aux industriels fabricant du glyphosate, ils ont financé, également dans le hall 4, deux stands intitulés « Agriculture et liberté ». Derrière ce nom, une « cellule de communication » qui se fixe pour objectif que « les agriculteurs soient plus "vocal" sur le sujet du glyphosate » et qui milite pour qu’il n’y ait pas d’exception française sur le glyphosate, explique son responsable.
Au Salon de l'agriculture, des postures nouvelles sur les phytos

Sur les écrans de télévision, l’édition 2018 du Salon de l’agriculture a été marquée par le vif échange entre le président de la République et un jeune céréalier d’Île-de-France, qui dénonçait notamment la volonté gouvernementale d’arrêter l’usage du glyphosate en France d’ici 3 ans, contre 5 ans en Europe. Mais cette confrontation, assez traditionnelle, a pu masquer les postures nouvelles qu’ont affichées certains représentants importants du monde agricole sur le sujet des phytos. De la FNSEA à Saveol en passant par Terrena, on veut montrer que l’on « est en mouvement ».
Avec ses 35 partenaires dont 15 organismes techniques, la FNSEA a présenté, le 26 février, les premiers contours de son Contrat de solutions : une « trajectoire de progrès » construite par le secteur agricole lui-même à destination du gouvernement. L’objectif de la FNSEA est de changer son image, et par la même celle du monde agricole. Mais surtout il s'agit de ne plus subir le calendrier d’interdiction imposé par les pouvoirs publics, après les arbitrages défavorables au syndicalisme sur le glyphosate.
Les 36 partenaires souhaitent faire valider ce projet par les ONG environnementales et le faire soutenir financièrement par le gouvernement. Car l’annonce intervient bien sûr en pleine négociation du plan d’action phyto du gouvernement et du plan d’investissement de 5 milliards d’euros. Le ministre de l’Écologie Nicolas Hulot a d’ailleurs évoqué le sujet avec la FNSEA lors de sa visite du Salon : « Nicolas Hulot nous a dit 'votre organisation va dans le bon sens, c’est important que le plus gros syndicat agricole aille dans cette direction, je le dirai et je le mesure' », a rapporté Christiane Lambert sur Public Sénat le 28 février.
Le projet de la FNSEA n’est pas encore abouti mais avec ses partenaires, elle déjà identifié 292 solutions de réduction. Ces « alternatives » se déclinent en huit thèmes : pratiques agronomiques, amélioration des plantes, agriculture numérique, robotique et agroéquipement, biocontrôle, produits phytos innovants, démarches de filières et de territoires, conseil, formation et diffusion.
« Jusqu’ici nous étions dans la stigmatisation des uns et des autres »
La FNSEA a pour objectif d’aboutir à un agenda complet au premier semestre. Mais l’important n’est peut-être pas là. « Jusqu’ici nous étions dans la stigmatisation des uns et des autres. Aujourd’hui il y a un changement de posture, un vrai engouement pour trouver des alternatives, estime le responsable environnement de la FNSEA, Eric Thirouin. Souvent c’est nous qui allons chercher les institutionnels et autres professionnels dans ce type de démarche. Là ce sont eux qui sont venus nous dire qu’ils voulaient en être. »
Bien sûr, le syndicat n’abandonne pas complètement ses arguments défensifs, notamment ceux de la compétitivité et du revenu des agriculteurs. Mais au travers de ce projet, il ajoute depuis quelques mois une posture plus constructive. « Les agriculteurs ne veulent pas être cornerisés. Nous ne sommes pas addicts aux phytos mais en mouvement », résume Christiane Lambert. Le syndicat revendique également un discours de transparence : « La société veut connaître la vérité, nous lui dirons, explique Eric Thirouin. Dans certains secteurs, nous irons plus loin qu’Ecophyto, dans d’autres moins, et nous expliquerons quels sont les points d’achoppement ».
Ferme France : « faire de la performance sociétale un levier de différenciation »
Une volonté de transparence que l’on retrouve également dans la démarche Ferme France, lancée sur le Salon de l’agriculture, par Terrena, Advitam, Fleury Michon, Sodebo et Auchan. Ferme France se veut une démarche collective interfilière, qui a pour objectif d’améliorer et de promouvoir la performance sociétale de l’agriculture et de l’agroalimentaire français. Elle porte sur l’usage des phytos, mais pas seulement. Bien-être animal ou nutrition-santé sont également dans la focale.
Le principe est de construire des indicateurs d’évaluation définis filière par filière et marché par marché, en concertation avec les acteurs économiques engagés dans la démarche. La grille d’évaluation de chaque critère (phytos, bien-être…) prendra en compte les étapes de la chaîne de valeur (production, transformation, distribution, commercialisation). « Nous voulons élaborer un système de notation simple pour le consommateur, à la manière de la norme de consommation des appareils électroménagers", explique François Attali, directeur marketing stratégique de Terrena. "Aujourd’hui, le consommateur est face à une multitude de promesses qui crée de la confusion, poursuit-il. Grâce à Ferme France, nous voulons faire de la performance sociétale un levier de différenciation et de création de valeur en France et à l’international. Nous voulons aussi la rendre plus objective. »
Chaque produit aura ainsi une note qui résultera de la combinaison des différents critères, et qui sera apposée sur le produit, afin de jouer la transparence. « Nous voulons aussi créer un mécanisme de participation des consommateurs qui cumuleront des droits de vote à mesure qu’ils achèteront des produits notés Ferme France », poursuit François Attali.
Mais tout cela ne pourra fonctionner que si un grand nombre d’entreprises et de filières s’engagent. Il reste encore du chemin à faire pour convaincre le plus grand nombre (voir encadré).
« Zéro résidu », « sans pesticide »… la filière fruits et légumes se positionne
En matière d’efforts sur les produits phytosanitaires, la filière fruits et légumes regorge de nouvelles initiatives depuis quelques mois. Cela s’est manifesté sur le Salon avec la présentation de concepts de commercialisation très innovants.
D’abord à travers les développements du collectif Nouveaux Champs lancé début février et rassemblé autour du label « Zéro résidu de pesticides ». Ce dernier est bâti autour d’une promesse de résultat : « Garantir aux consommateurs l’absence de résidu des substances actives recherchées » grâce à un résultat inférieur à la limite de quantification (0,1 µg/kg) et des analyses effectuées par un laboratoire indépendant.
Faire de la performance sociétale un levier de différenciation et de création de valeur, et la rendre plus objective
« Le fait est que nous travaillons tous depuis longtemps sur le sujet de la réduction des pesticides. Mais le label permet d’être dans un mouvement qui rend possible de le dire aux consommateurs », analyse Gilles Bertrandias, le président du collectif.
Ce dernier compte désormais 21 membres, totalisant 2000 producteurs et « une trentaine d’entreprises sont actuellement en discussions pour nous rejoindre », précise-t-il. Le collectif met sur le marché 30 000 tonnes de fruits et légumes cette année et veut représenter « 15 à 20 % de la production d’ici 5 ans ».
Les Bretons lancent le « Sans pesticides, 100 % nature »
Par ailleurs, les trois grandes marques bretonnes de fruits et légumes, Savéol, Prince de Bretagne et Solarenn ont également profité du Salon de l'agriculture pour annoncer la création d’un label « sans pesticides, 100 % nature » d’ici l’année prochaine. Objectif affiché : représenter près de « 40 à 50 % des 200 000 tonnes de la production bretonne de tomates » en 2019. Et les trois entreprises d’indiquer que leur intention est bien « d’étendre cette démarche à d’autres productions de fruits et légumes, à partir d’un cahier des charges commun » en cours d’élaboration.
À la différence du « Zéro résidu de pesticides », ce nouveau signe distinctif porte non pas l’engagement d’une absence de résidu mais « d’une absence d’utilisation de pesticides de synthèses sur les tomates », explique Arnaud Letac, responsable qualité de Solarenn. Le but à la fin est identique : « Mettre en avant les bonnes pratiques », d’après Pierre-Yves Jestin, président de Savéol.
Ces initiatives sont-elles l’horizon unique de la filière ? Pas forcément. Comme l’exprimait Jacques Rouchaussé, président de Légumes de Frances, lors d’une conférence de presse d’Interfel « toute la filière n’a pas vocation à faire du zéro résidu. Ce n’est pas pour autant que les autres sont des empoisonneurs. L’objectif c’est d’accompagner l’ensemble de la profession vers une réduction de l’usage des pesticides ».
L’objectif de la FNSEA est de changer son image, et par là même celle du monde agricole
Glyphosate : les firmes présentes sous le nom « Agriculture et liberté »
Pas de stand BASF ou Monsanto dans un salon destiné au grand public comme le Salon de l’agriculture. Les firmes s’y font discrètes. Cette année, l’UIPP (fabricants de produits phyto) s'est installée, dans le hall 4, avec un stand intitulé « Siècle vert » qui accueillait un plateau TV. Quant aux industriels fabricant du glyphosate, ils ont financé, également dans le hall 4, deux stands intitulés « Agriculture et liberté ». Derrière ce nom, une « cellule de communication » qui se fixe pour objectif que « les agriculteurs soient plus "vocal" sur le sujet du glyphosate » et qui milite pour qu’il n’y ait pas d’exception française sur le glyphosate, explique son responsable.
Au Salon de l'agriculture, des postures nouvelles sur les phytos

Sur les écrans de télévision, l’édition 2018 du Salon de l’agriculture a été marquée par le vif échange entre le président de la République et un jeune céréalier d’Île-de-France, qui dénonçait notamment la volonté gouvernementale d’arrêter l’usage du glyphosate en France d’ici 3 ans, contre 5 ans en Europe. Mais cette confrontation, assez traditionnelle, a pu masquer les postures nouvelles qu’ont affichées certains représentants importants du monde agricole sur le sujet des phytos. De la FNSEA à Saveol en passant par Terrena, on veut montrer que l’on « est en mouvement ».
Avec ses 35 partenaires dont 15 organismes techniques, la FNSEA a présenté, le 26 février, les premiers contours de son Contrat de solutions : une « trajectoire de progrès » construite par le secteur agricole lui-même à destination du gouvernement. L’objectif de la FNSEA est de changer son image, et par la même celle du monde agricole. Mais surtout il s'agit de ne plus subir le calendrier d’interdiction imposé par les pouvoirs publics, après les arbitrages défavorables au syndicalisme sur le glyphosate.
Les 36 partenaires souhaitent faire valider ce projet par les ONG environnementales et le faire soutenir financièrement par le gouvernement. Car l’annonce intervient bien sûr en pleine négociation du plan d’action phyto du gouvernement et du plan d’investissement de 5 milliards d’euros. Le ministre de l’Écologie Nicolas Hulot a d’ailleurs évoqué le sujet avec la FNSEA lors de sa visite du Salon : « Nicolas Hulot nous a dit 'votre organisation va dans le bon sens, c’est important que le plus gros syndicat agricole aille dans cette direction, je le dirai et je le mesure' », a rapporté Christiane Lambert sur Public Sénat le 28 février.
Le projet de la FNSEA n’est pas encore abouti mais avec ses partenaires, elle déjà identifié 292 solutions de réduction. Ces « alternatives » se déclinent en huit thèmes : pratiques agronomiques, amélioration des plantes, agriculture numérique, robotique et agroéquipement, biocontrôle, produits phytos innovants, démarches de filières et de territoires, conseil, formation et diffusion.
« Jusqu’ici nous étions dans la stigmatisation des uns et des autres »
La FNSEA a pour objectif d’aboutir à un agenda complet au premier semestre. Mais l’important n’est peut-être pas là. « Jusqu’ici nous étions dans la stigmatisation des uns et des autres. Aujourd’hui il y a un changement de posture, un vrai engouement pour trouver des alternatives, estime le responsable environnement de la FNSEA, Eric Thirouin. Souvent c’est nous qui allons chercher les institutionnels et autres professionnels dans ce type de démarche. Là ce sont eux qui sont venus nous dire qu’ils voulaient en être. »
Bien sûr, le syndicat n’abandonne pas complètement ses arguments défensifs, notamment ceux de la compétitivité et du revenu des agriculteurs. Mais au travers de ce projet, il ajoute depuis quelques mois une posture plus constructive. « Les agriculteurs ne veulent pas être cornerisés. Nous ne sommes pas addicts aux phytos mais en mouvement », résume Christiane Lambert. Le syndicat revendique également un discours de transparence : « La société veut connaître la vérité, nous lui dirons, explique Eric Thirouin. Dans certains secteurs, nous irons plus loin qu’Ecophyto, dans d’autres moins, et nous expliquerons quels sont les points d’achoppement ».
Ferme France : « faire de la performance sociétale un levier de différenciation »
Une volonté de transparence que l’on retrouve également dans la démarche Ferme France, lancée sur le Salon de l’agriculture, par Terrena, Advitam, Fleury Michon, Sodebo et Auchan. Ferme France se veut une démarche collective interfilière, qui a pour objectif d’améliorer et de promouvoir la performance sociétale de l’agriculture et de l’agroalimentaire français. Elle porte sur l’usage des phytos, mais pas seulement. Bien-être animal ou nutrition-santé sont également dans la focale.
Le principe est de construire des indicateurs d’évaluation définis filière par filière et marché par marché, en concertation avec les acteurs économiques engagés dans la démarche. La grille d’évaluation de chaque critère (phytos, bien-être…) prendra en compte les étapes de la chaîne de valeur (production, transformation, distribution, commercialisation). « Nous voulons élaborer un système de notation simple pour le consommateur, à la manière de la norme de consommation des appareils électroménagers", explique François Attali, directeur marketing stratégique de Terrena. "Aujourd’hui, le consommateur est face à une multitude de promesses qui crée de la confusion, poursuit-il. Grâce à Ferme France, nous voulons faire de la performance sociétale un levier de différenciation et de création de valeur en France et à l’international. Nous voulons aussi la rendre plus objective. »
Chaque produit aura ainsi une note qui résultera de la combinaison des différents critères, et qui sera apposée sur le produit, afin de jouer la transparence. « Nous voulons aussi créer un mécanisme de participation des consommateurs qui cumuleront des droits de vote à mesure qu’ils achèteront des produits notés Ferme France », poursuit François Attali.
Mais tout cela ne pourra fonctionner que si un grand nombre d’entreprises et de filières s’engagent. Il reste encore du chemin à faire pour convaincre le plus grand nombre (voir encadré).
« Zéro résidu », « sans pesticide »… la filière fruits et légumes se positionne
En matière d’efforts sur les produits phytosanitaires, la filière fruits et légumes regorge de nouvelles initiatives depuis quelques mois. Cela s’est manifesté sur le Salon avec la présentation de concepts de commercialisation très innovants.
D’abord à travers les développements du collectif Nouveaux Champs lancé début février et rassemblé autour du label « Zéro résidu de pesticides ». Ce dernier est bâti autour d’une promesse de résultat : « Garantir aux consommateurs l’absence de résidu des substances actives recherchées » grâce à un résultat inférieur à la limite de quantification (0,1 µg/kg) et des analyses effectuées par un laboratoire indépendant.
Faire de la performance sociétale un levier de différenciation et de création de valeur, et la rendre plus objective
« Le fait est que nous travaillons tous depuis longtemps sur le sujet de la réduction des pesticides. Mais le label permet d’être dans un mouvement qui rend possible de le dire aux consommateurs », analyse Gilles Bertrandias, le président du collectif.
Ce dernier compte désormais 21 membres, totalisant 2000 producteurs et « une trentaine d’entreprises sont actuellement en discussions pour nous rejoindre », précise-t-il. Le collectif met sur le marché 30 000 tonnes de fruits et légumes cette année et veut représenter « 15 à 20 % de la production d’ici 5 ans ».
Les Bretons lancent le « Sans pesticides, 100 % nature »
Par ailleurs, les trois grandes marques bretonnes de fruits et légumes, Savéol, Prince de Bretagne et Solarenn ont également profité du Salon de l'agriculture pour annoncer la création d’un label « sans pesticides, 100 % nature » d’ici l’année prochaine. Objectif affiché : représenter près de « 40 à 50 % des 200 000 tonnes de la production bretonne de tomates » en 2019. Et les trois entreprises d’indiquer que leur intention est bien « d’étendre cette démarche à d’autres productions de fruits et légumes, à partir d’un cahier des charges commun » en cours d’élaboration.
À la différence du « Zéro résidu de pesticides », ce nouveau signe distinctif porte non pas l’engagement d’une absence de résidu mais « d’une absence d’utilisation de pesticides de synthèses sur les tomates », explique Arnaud Letac, responsable qualité de Solarenn. Le but à la fin est identique : « Mettre en avant les bonnes pratiques », d’après Pierre-Yves Jestin, président de Savéol.
Ces initiatives sont-elles l’horizon unique de la filière ? Pas forcément. Comme l’exprimait Jacques Rouchaussé, président de Légumes de Frances, lors d’une conférence de presse d’Interfel « toute la filière n’a pas vocation à faire du zéro résidu. Ce n’est pas pour autant que les autres sont des empoisonneurs. L’objectif c’est d’accompagner l’ensemble de la profession vers une réduction de l’usage des pesticides ».
L’objectif de la FNSEA est de changer son image, et par là même celle du monde agricole
Glyphosate : les firmes présentes sous le nom « Agriculture et liberté »
Pas de stand BASF ou Monsanto dans un salon destiné au grand public comme le Salon de l’agriculture. Les firmes s’y font discrètes. Cette année, l’UIPP (fabricants de produits phyto) s'est installée, dans le hall 4, avec un stand intitulé « Siècle vert » qui accueillait un plateau TV. Quant aux industriels fabricant du glyphosate, ils ont financé, également dans le hall 4, deux stands intitulés « Agriculture et liberté ». Derrière ce nom, une « cellule de communication » qui se fixe pour objectif que « les agriculteurs soient plus "vocal" sur le sujet du glyphosate » et qui milite pour qu’il n’y ait pas d’exception française sur le glyphosate, explique son responsable.