Avec des systèmes alimentaires mondiaux, nous assistons à une mondialisation des risques, des problèmes publics et de leur gestion
L’ouvrage MOND’Alim 2030, consacré à la mondialisation des systèmes alimentaires a dédié un de ses chapitres aux risques et problèmes publics. Dans une note synthétique, Elsa Delgoulet, du Centre d’études et de prospective, précise ainsi comment la mondialisation modifie les régimes des risques et des problèmes publics.

Dans l’ouvrage MOND’Alim 2030, rédigé par le Centre d’études et de prospective, un chapitre est dédié aux risques et problèmes publics ainsi qu’à la mondialisation de leur gestion. Une note de synthèse présentant ce chapitre a été rédigée par Elsa Delgoulet, du Centre d’études et de prospective, en mars 2018.
La mondialisation modifie en effet les régimes des risques et des problèmes publics. Inversement ces risques et ces problèmes conditionnent la mondialisation des systèmes alimentaires. Le Centre d’études et de prospective a identifié deux changements majeurs dans le régime des risques. Le premier est l’émergence de nouveaux risques et de problèmes globaux qui accompagnent l’amélioration des connaissances et de la complexification des échanges. La mondialisation a ainsi entraîné l’apparition de « la société du risque ».
Certains risques, comme les toxi-infections alimentaires ou la flambée des prix sont objectifs. D'autres sont en revanche le fruit d’une construction sociale. Le centre précise que si « manger n’a jamais été aussi sûr, les individus n’ont jamais eu autant peur de se nourrir, à mesure que les niveaux de développement des sociétés s’élèvent ». Les progrès réalisés en termes de sécurité alimentaire sont toujours jugés insatisfaisants et l’augmentation des connaissances accentue les inquiétudes. Les avancées technologiques jouent ainsi un rôle dans le nombre croissant de dangers auxquels nous sommes sensibilisés.
Accélération de la diffusion des risques
La mondialisation se traduit également par une multiplication des interactions entre enjeux et lieux distants. Cette augmentation des échanges et la standardisation de certaines solutions techniques transforment les régimes des risques. Elles augmentent leur diffusion et les exacerbent. Les systèmes alimentaires, par exemple, comportent des risques sanitaires variés, pesant sur la sécurité alimentaire des populations au plan quantitatif et qualitatif. La mondialisation a des impacts sur leur émergence et leur diffusion.
L’augmentation des flux de populations, d’animaux et de marchandises, les transports plus rapides, favorisent le développement de maladies. Des travaux mettent également en avant l’accélération de l’antibiorésistance et l’augmentation de la résistance des nuisibles aux stratégies de protection des cultures.
La mondialisation entraîne également un déplacement des risques. Les marchés internationaux des matières premières agricoles ont connu plusieurs crises ces dernières années. Elles se sont traduites par des prix plus élevés et une forte volatilité. Ainsi, si l’ouverture des marchés est vue comme une source de stabilité elle est aussi perçue comme une source d’instabilité au travers de l’importation de facteurs externes de volatilité.
Ce déplacement des risques s’applique par ailleurs aux ressources mobilisées dans les systèmes alimentaires. D’un côté, le commerce permet aux pays ayant de faibles ressources en eau d’importer des denrées, mais cela n’est pas sans intensifier les tensions internes aux pays exportateurs, comme dans certaines régions des États-Unis et en Australie.
Globalisation de la gestion des risques
La multiplication des acteurs, des flux et des enjeux rend plus difficile l’anticipation des effets des risques. L’apparition d’un système alimentaire mondial s’assortit de risques systémiques globaux. Par exemple, les réseaux globaux d’échanges de riz et de blé sont fragilisés par l’homogénéité des acteurs qui favorise la propagation de perturbations.
La mondialisation entraîne également la globalisation des problèmes publics qui, s’ils sont identifiés au niveau local, sont pensés à l’échelle de la planète et énoncés comme des défis pour les systèmes alimentaires mondiaux. L’état des sols et la biodiversité, entre autres, font ainsi l’objet de travaux de groupes intergouvernementaux.
Ainsi, si la mondialisation accentue certains dangers, elle peut permettre de les atténuer et d’interpeller les Etats. En modifiant le paysage des risques elle interroge sur les capacités d’adaptation des systèmes alimentaires. Elle peut diminuer les effets des aléas climatiques ou sanitaires, risques souvent localisés. La mutualisation des risques, par le commerce, assure une sécurité d’approvisionnement et limite la volatilité des prix agricoles au niveau local. De plus, les risques partagés, les défis pour le monde interpellent au niveau mondial. Une bonne gouvernance mondiale est donc nécessaire pour assurer une gestion globale des risques.
La mondialisation rend aussi de plus en plus nécessaire une coordination générale des efforts et des stratégies. « Cependant, nous en serons encore loin, en 2030, d’un véritable gouvernement mondial des risques » conclut en guise de mise en garde Elsa Delgoulet.