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Prairies et conditions climatiques 2016

Avez-vous bien fait ?

Depuis la sortie de l’hiver, notre région a régulièrement
subi des épisodes pluvieux d’intensité variable. Dans certaines situations, les terres sont toujours
inondées. Dans d’autres, les semis de culture de printemps ont été
tardifs, voire non effectués à ce jour. Côté prairie de fauche, les
conditions de portance et le peu de fenêtres météorologiques favorables
ont rendu la fenaison difficile, voire impossible jusqu’à ces derniers jours.
En raison de cette situation exceptionnelle, Arvalis fait le
point.
Par Publié par Cédric Michelin
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Quelles sont les conséquences de l’ennoiement des prairies ?
L’ennoiement des parcelles s’est accompagné d’un dépôt de limons sur les plantes. A la récolte, la teneur en matières minérales du fourrage sera très nettement augmentée, ce qui aura pour conséquence de diminuer la valeur alimentaire par effet de "dilution". En effet, par kg de MS, la proportion de matière organique diminue au profit des matières minérales. Dans les parcelles ennoyées, les teneurs en matières minérales seront vraisemblablement au-delà de 12 à 15 % (contre 8 à 9 % dans des conditions normales).
Par ailleurs, ces particules de terre sont porteuses de spores butyriques, connues pour leur effet néfaste sur la conservation par voie humide (ensilage ou enrubannage). Durant la conservation, les butyriques dégradent les protéines du fourrage. De plus, leur présence en grand nombre dans l’alimentation augmente les risques de les retrouver dans le lait des animaux.

Sous quelle forme récolter l’herbe des prairies inondées ?
Il faut privilégier la récolte sous forme de foin. En enrubannage, il n’existe pas de références sur ce type de fourrages. Dans ces situations, seule l’élévation de la teneur en MS au-delà de 60 % pourrait permettre d’inhiber le développement des butyriques. En effet, à des stades avancés (post-floraison), voire sur des végétaux "morts", il ne faudra pas compter sur le processus naturel de fermentation lactique. La teneur en sucres solubles de ces fourrages est faible, et il existe une incertitude forte sur les contingents de bactéries lactiques naturelles au regard de la flore microbienne totale. Les seuls agents conservateurs pouvant améliorer la conservation sont ceux ayant une action "acidifiante" et "anti-développement de levures et moisissures", tels que l’acide propionique. L’ajout de bactéries est inutile et étant donnée la faible qualité du fourrage sur pied, l’investissement dans un conservateur aura de la peine à être économiquement pertinent.

Comment réussir un foin dans les prairies touchées par les fortes pluies ?
Il faut aérer le fourrage par des fanages énergiques ! Dans les parcelles versées et/ou ennoyées, le bas des plantes a pu commencer à moisir, voire à pourrir. Dans ces situations, sitôt après la fauche, il se dégage une odeur caractéristique de moisi. L’aération et la dessiccation complète de ce fourrage pourront permettre de réduire fortement ces mauvaises odeurs pour limiter les problèmes d’appétence et d’ingestion volontaire des animaux. Au champ, des fanages énergiques permettront de démêler les brins de fourrages entre-mêlés et faciliteront leur séchage. Il est conseillé de stocker ce type de fourrage à part pour le distribuer à des animaux peu exigeants.

Comment faucher une prairie versée ?
Faucher à une hauteur régulière (6 à 7 cm) et adéquate peut s’avérer délicat lorsque le couvert est versé. La reprise du fourrage dans le sens inverse au sens de la verse permet de produire une fauche plus nette et homogène, de récolter un maximum de fourrages, mais cela génère également un surcroît de travail. Abaisser les hauteurs de fauche et/ou adopter un angle de piquage plus important peuvent permettre de produire une coupe plus nette, mais dans ce cas, le risque de présence de terre sera fort et la repousse sera pénalisée d’autant plus si des conditions chaudes et sèches s’en suivent rapidement après.
Pour toutes les situations où d’importants résidus de chaumes versés persistent après la récolte, le passage d’un broyeur de refus sur les zones concernées peut rattraper le tir. Il devra être passé rapidement après la récolte. Son coût non négligeable, ainsi que le surcroît de travail engendré, font qu’il sera réservé aux parcelles dont l’éleveur sait que la flore prairiale et le sol de la parcelle peuvent produire une repousse estivale d’intérêt. Dans tous les autre cas, cette solution n’est pas adaptée.

Faut-il broyer les prairies inondées ?
Le broyage du couvert prairial peut éventuellement être réservé aux situations les plus touchées, pour les prairies dont les repousses sont de faible production (< 1,5 t de MS/ha, 12 cm) et lorsque le fourrage sera jugé inconsommable ou mort. Mais attention, le broyage laissera des quantités de résidus importantes qui n’auront pas le temps de se dégrader suffisamment avant l’exploitation des futures repousses. Selon les situations, il peut être préférable de presser l’herbe, et de la réserver au paillage.

Quelles destinations pour les foins issus des prairies inondées ou versées ?
Lors de la distribution de ces fourrages :
- réserver ces fourrages à des animaux à faibles besoins ;
- laisser les animaux trier. Préférer la distribution séparée de ces fourrages pour permettre aux animaux de trier ;
- se réserver la possibilité de garder des foins pour les litières. Dans ces cas, tenir compte de leur pouvoir absorbant inférieur, et les réserver aux animaux de renouvellement ;
- si les fourrages présentent des problèmes d’appétence, et que l’on n’a aucun doute sur leur qualité sanitaire (pas de présence de moisissure), il est possible d’améliorer « artificiellement » l’appétence de ces fourrages grâce à des aliments liquides de type mélasse.

Les foins issus de ces prairies présentent-ils un risque sanitaire ?
Il faut souligner que des débris végétaux dans les pâtures - ou des foins mal conservés - peuvent représenter un substrat propice au développement des moisissures, ce qui peut éventuellement entraîner la présence de mycotoxines, ou pas. Il n’existe pas de références sur la présence de mycotoxines dans des prairies inondées puis fauchées. La présence de mycotoxine dans les fourrages se traduit généralement par une diminution des quantités ingérées, et par des effets sur les performances zootechniques. En l’absence de références, on recommandera donc la plus grande prudence, et la plus grande attention aux animaux ayant consommé les fourrages récoltés.

Comment favoriser les repousses derrière les fauches de ces prairies ?
On peut favoriser et accélérer le redémarrage en végétation par un apport d’azote ! Sur les parcelles dont la flore et le sol laissent espérer des repousses estivales, et lorsque les conditions météos permettent une bonne valorisation de cet apport (sol encore frais et dans les 7 à 10 jours annoncés : pas de température supérieure à 25 degrés et pluies significatives 10-15 mm), il peut être judicieux d’apporter 30 unités d’azote minérale/ha.

La méthode des indices de nutrition est-elle encore possible ?
Le stade avancé des graminées et l’asphyxie des sols ne permettent plus de réaliser des prélèvements d’herbe pour diagnostiquer l’état de nutrition des plantes. Il faut alors envisager un report de cette méthode pour le printemps suivant.