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EARL de Lessu à Gergy

Blondes et surfaces optimisées

Dans le Val de Saône, l’EARL de Lessu a conservé une importante activité d’éleveur-engraisseur. Avec seulement 260 hectares de terres pour cinq unités de travail, la famille Dubief a opté pour la blonde d’Aquitaine et la vente directe. 220 mères élèvent leurs veaux en bâtiment et toutes les bêtes sont engraissées à l’intérieur aussi. Les surfaces en fourrages et céréales sont optimisées pour alimenter cet important troupeau et ses ateliers exigeants.
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A Gergy dans le nord Chalonnais, l’EARL de Lessu compte deux associés : Jérôme Dubief et son père Gérard. Couvrant 260 hectares en plaine de Saône, l’exploitation est dominée par l’élevage avec un troupeau de 220 vaches de race blonde d’Aquitaine. Toute la production est engraissée et une partie valorisée en vente directe à la ferme. Les blondes sont arrivées dans l’élevage à la fin des années 1990. Gérard a toujours engraissé des animaux. La crise dans l’engraissement l’avait conduit à devenir aussi naisseur au début des années 1990. Porté sur les qualités de viande, le troupeau charolais de la ferme subissait pas mal de césariennes. Un premier taureau blond a été acheté en 1994 pour saillir les génisses blanches. Des femelles blondes ont suivi dès 1999. Malheureusement, l’une d’entre-elle était porteuse de la tuberculose ce qui a entraîné l’abattage de tout le cheptel (518 animaux : une centaine de vaches en production et l’atelier d’engraissement). Pas découragés pour autant, les Dubief ont reconstitué leur cheptel, cette fois qu’avec des blondes. Ils se sont fournis dans le berceau de race en un mois de temps seulement. C’était en pleine sécheresse de 2003. Beaucoup d’animaux étaient à vendre faute de nourriture.

Vêlages toute l’année en bâtiment


Pressés par le temps, les Dubief ont toutefois dû se contenter de ce qu’ils trouvaient… Les vêlages de leurs nouvelles vaches étaient très dispersés dans l’année. Mais plutôt que de tenter de les regrouper, Gérard et Jérôme ont fini par en tirer un avantage en valorisant cet étalement de production. Avec seulement 150 hectares d’herbe pour 220 vaches et leur suite, des parcelles éloignées de la ferme et les exigences alimentaire d’une race moins tolérante que la charolaise, la famille Dubief a fait le choix de maintenir leurs vaches en lactation toutes l’année en bâtiment. Seules les génisses et les taries rejoignent les prairies inondables du bord de Saône à la belle saison.
Les veaux ne quittent leurs boxes que pour téter leurs mères deux fois par jour, matin et soir. La plus grande des stabulations de l’élevage abrite des vaches en lactation accompagnées de veaux âgés de quelques jours à 8 mois. Les paquets sont allotés en fonction de l’âge des veaux.
Les mâles sont sevrés autour de sept mois d’âge avant d’être engraissés environ trois mois durant. Les femelles blondes nécessitent une durée d’engraissement de six mois, ce qui les différencie des charolaises, beaucoup moins longues à finir.
Cette conduite "hors sol" dont la blonde s’accommode particulièrement bien, permet aussi d’assurer la régularité de la production bouchère de l’élevage. « A défaut de pouvoir faire du pâturage tournant, nous cultivons l’herbe. En bâtiment, nous faisons en sorte d’uniformiser les animaux tout au long de l’année. Nos vaches sont en état tout le temps. La qualité de viande ne se fait pas qu’à la finition », explique Jérôme. « Pour les engraisser, il faut une alimentation concentrée mais aussi des bêtes bien déparasitées », précise Gérard.

Maïs grain humide et luzerne


Sur leurs 110 hectares de cultures, les Dubief en consacrent plus d’une soixantaine à l’alimentation de leurs animaux. Une quarantaine d’hectares sont consacrés au maïs. L’EARL cultive également 30 ha de luzerne donnant 4 à 5 récoltes d’enrubannage ou foin pour un total d’environ 15 tonnes de matière sèche produites par hectare. Ensilage de maïs et enrubannage de luzerne, herbe et ray-grass constituent la ration de base mélangée des vaches. Avant vêlage, elles reçoivent également 15 kg de foin lequel passe à 32 après vêlage, détaille Jérôme. Les animaux à l’engraissement consomment quant à eux un mélange fait de céréales produites sur l'exploitation, de tourteau, d’enrubannage de luzerne, de foin et de paille. Les céréales sont en grande partie constituées de maïs grain. Outre l’ensilage, les Dubief récoltent également du maïs grain humide. Moissonné entre 32 et 38 de taux d’humidité, le grain est aplati avant d’être conditionné en silo boudin. Ayant sensiblement les mêmes qualités alimentaires que le maïs grain sec, cette marchandise a l’avantage d’économiser les frais de séchage et de prévenir les risques de mycotoxines en anticipant la récolte, expliquent Jérôme et Gérard.

Soja, lin ou pulpe comme seuls achats


Dans un système pourtant exigeant en matière d’alimentation, maïs, luzerne, foin, herbe et céréales autoproduites permettent malgré tout de limiter les achats. La luzerne allège la dépendance aux concentrés. « Nous n’achetons que ce que nous ne pouvons pas produire : tourteaux de lin, soja, colza et pulpes en matières premières uniquement », expliquent les éleveurs. « Nous pourrions diminuer notre coût de ration en utilisant des tourteaux moins chers comme de colza ou le tournesol. Mais nous visons la qualité de viande au bout ! », justifient Jérôme et Gérard qui font analyser leurs fourrages chaque année pour un calcul de ration.


Blonde d’Aquitaine
Qualités bouchères reconnues, mais alimentation délicate


Les blondes sont des bêtes de grand gabarit mais à très bonnes qualités bouchères et très fines d’os. Les vêlages se font facilement. L’EARL de Lessu ne compte que 2 % de césariennes. Les veaux naissent très fins, dépourvus de masse musculaire. Ces dernières n’apparaissent qu’avec l’engraissement. Vers 8 à 10 mois, les jeunes blonds prennent beaucoup de viande, confie Jérôme. En revanche, au-delà de 10 mois, « ils font exclusivement du gabarit ». Conséquence : pour produire des jeunes bovins de plus de dix mois, il faut les soigner beaucoup avec une alimentation très riche, indiquent les deux éleveurs.

Des mâles gras pour la Grèce


L’EARL de Lessu produit des mâles gras d’un an pesant 385 kilos de carcasse destinés à la Grèce. Les vêlages étalés permettent aux Dubief de répondre à ce débouché particulier. Les animaux sont abattus à l’abattoir Bigard de Cuiseaux et ce sont les carcasses qui sont expédiées en Grèce.

Rendement carcasse élevé


Le poids de carcasse moyen des vaches de réforme est de 530 à 550 kg. La plus lourde qu’ait connue l’élevage atteignait 723 kg de carcasse. Gérard et Jérôme soulignent toutefois l’homogénéité des lots de femelles engraissées. Les trois quarts peuvent prétendre à la boucherie et le rendement viande est une de leur grande force : 72 % pour une femelle et même 80 % pour des veaux rosés.




Génétique
Second au classement national



Malgré l’urgence qui régnait à la reconstitution de leur cheptel, Gérard et Jérôme Dubief ont tout de même privilégié des animaux inscrits, d’autant que le manque de référence leur avait fait défaut au moment de faire indemniser leur cheptel précédent. Aujourd’hui, le troupeau est suivi au contrôle de performances (Bovins croissance) et 90 % des animaux sont inscriptibles. Un très bon taureau de monte naturelle, indexé à 117 d’IVMat, a durablement marqué l’élevage en y laissant une centaine de filles. Depuis deux ans, pour sécuriser davantage les choix, l’élevage n’utilise plus que des taureaux testés en insémination artificielle. Un technicien de Midatest (union de sélection en blonde d’Aquitaine) vient sur place réaliser les plannings d’accouplement. « L’insémination est aussi mieux adaptée à la conduite en bâtiment avec vêlages toute l’année et elle permet de mieux suivre les dates de vêlage », explique également Jérôme. Les vaches à saillir sont équipées de colliers détecteurs de chaleur. Onze ans après avoir reconstitué son cheptel, l’EARL de Lessu est à la seconde place du classement national de la race Blonde dans le cadre du challenge des « Sabots » de Bovins croissance. Une distinction qui récompense une progression spectaculaire, fruit de rigoureux efforts de sélection génétique.




Vente directe
Plaisante, mais gourmande en heures !


Depuis 2005, l’EARL de Lessu pratique la vente directe de viande de race blonde d’Aquitaine. Cette activité est venue assez naturellement dans l’élevage de Gergy, qui a toujours pratiqué l’engraissement. « Nous avions envie de le faire », avoue Jérôme Dubief. « Avec la découpe, on voit ce qu’on produit et cela nous permet de mieux caler les rations de nos animaux », renchérit Gérard. De fait, les deux éleveurs-engraisseurs jugent l’activité de découpe très instructive. « Une bête trop grasse, c’est plus de travail ! », fait remarquer Gérard. La famille Dubief a investi dans un laboratoire de 130 mètres carrés. Montant total de l’investissement 190.000 €, dont 145.000 subventionnés à hauteur de 36 % (Feader, Région, Département, MSA). Il comprend une chambre à carcasses, une salle de découpe, une « plonge », une pièce chaude pour la transformation en tripes, terrines, plats cuisinés frais…, un vestiaire et une chambre carcasse produits finis. Les bêtes sont abattues à Beaune. La viande est commercialisée en caissettes de 5 à 10 kg. La vente s’effectue sur commande au magasin de l’exploitation. Aujourd’hui, l’EARL écoule ainsi une bête par mois et un veau tous les deux mois. L’objectif est de doubler le volume. « C’est une activité très gourmande en main-d’œuvre », constate Jérôme. « Une contrainte qu’on ne mesure pas forcément au moment de se lancer », confie le jeune éleveur. Outre Jérôme et son père Gérard, l’exploitation emploie trois salariés dont leurs deux épouses. Un boucher intervient également pour la découpe. S’il aime bien le faire, Jérôme s’interroge parfois sur la rentabilité de cette activité au regard du nombre d’heures passée. Lorsqu’ils ont lancé leur projet de vente directe, les femelles blondes se vendaient 4,40 € le kilo de carcasse. Aujourd’hui, ce prix est remonté à 5 voire 5,50 € pour un débouché en région parisienne. « A ce tarif-là, la découpe et la vente directe perdent de leur intérêt », font remarquer Jérôme et Gérard Dubief, d’autant que la clientèle locale n’est semble-t-il pas prête à payer la viande blonde au prix qui lui correspond.



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