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Sommet de l'élevage 2025
Cave de Lugny

Lugny à L"U"gny-sson avec la coopérative U sur les vins

Lors de sa dernière assemblée générale, la Cave de Lugny avait invité deux gérants de la Coopérative U, spécialistes des achats vins pour leur centrale d’achat.

Par Cédric Michelin
Lugny à L"U"gny-sson avec la coopérative U sur les vins
Cédric Michelin
De g. à d., Marc Sangoy, Stéphane Garrigue, Vincent Bacquet et Gérard Brégeon.

Gérard Brégeon gère un Super U à la Tranche-sur-Mer en Vendée. Il est le chef de file de la coopérative U pour la centrale d’achat de tous les vins. Vincent Bacquet est lui associé-propriétaire d’un Super U mais à Boofzheim, en Alsace depuis 2009. Il l’assiste dans les sélections des vins. La centrale approvisionne 1.808 magasins à travers la France, que ce soit des magasins, supers ou hypers. « Ce sont les patrons du vin chez U », introduisait le directeur de la Cave de Lugny, Stéphane Garrigue, avec respect. Le rayon vin réalise en effet un milliard d’euros environ de chiffre d’affaires annuel, tout cumulé au sein de U. « Une bouteille sur 7 », vendue en France, a été sélectionnée par ces deux hommes. Comme beaucoup dans cette enseigne, ils ont débuté « en faisant leurs classes », des rayons jusqu’à l’achat-gérance, avant de prendre des responsabilités dans la centrale « depuis la nationalisation des achats vins ». Gérard Brégeon est plus particulièrement en charge des vins sous marque de distributeur U (MDD) pour toute la France. Vincent Bacquet a même commencé en apprentissage à 17 ans, preuve que le système est bien coopératif et au mérite.

U et Schiever se complètent en Bourgogne

Forcément, la grande distribution n’a pas forcément bonne presse auprès des viticulteurs Bourguignons. Gérard Brégeon détendait tout le monde en rigolant. « Je suis aussi vigneron à Bordeaux et on n’aime pas non plus les Bourguignons », inversait-il le cliché pour se mettre la salle dans la poche. Car, les vignerons Mâconnais sentaient rapidement un discours tout en franchise, sans flagornerie ni cachotterie. Une mini-présentation débutait avant les questions. Depuis mars, le groupe local Schiever vient de rejoindre la coopérative U. « Les réseaux Schiever et U forment une bonne complémentarité géographique », montraient-ils effectivement sur une carte, faisant pressentir un renforcement sur la Bourgogne. 15 magasins ont déjà « basculé » sous l’enseigne U.

Dans les rayons, ce sont les vins blancs « plutôt secs » qui constituent la hausse des dernières années, notamment le cépage « gewurztraminer », taquinait à son tour l’Alsacien. Côté MDD, « on achète à pas cher donc on a plus que quatre références de Bourgogne » (sur 54 MDD en vins tranquilles et 8 effervescents), ne plaisantait-il plus du tout. « Vous voulez valoriser, valoriser, valoriser… mais on n’a pas les clients en face », mettaient-ils en garde. Mais comme la clientèle regroupe toute la société Française, on sentait que les deux acheteurs étaient aussi venus faire leur marché. « L’an dernier, on a référencé un Saint-Véran qui a connu un fort succès. On a tout écoulé en 6 mois, mais sans pouvoir en reprendre. Là, on nous propose du pinot noir… », laissaient-ils une porte ouverte à demi-mot. Ils commençaient presque la négociation des tarifs. « Le prix fait partie des choses à caler, on doit trouver un juste prix et acceptable pour le consommateur. Mais le cap de 10 € est important », alors que Gérard Brégeon jure de ne jamais imposer un prix de vente ou vendre des vins de domaines ne souhaitant pas être distribué en grande surface. Alors que des coopérateurs leurs avaient fait visiter le vignoble de Lugny et certainement le chai de Chardonnay auparavant, spécialisé dans les crémants, Vincent Bacquet rajoutait de la valeur au crémant qui « peut passer le cap des 10 € et aller jusqu’à 15 € sans s’emballer, car le cœur de marché est en dessous des 10 € » chez U, qui référence toutes les autres AOC crémants. C’est d’ailleurs ceux de Loire qui « font le plus de volume ».

Le vrac sort par la porte, rentre par la fenêtre

Et de rappeler la loi de la jungle des grandes enseignes : « attention, lorsqu’un de vos concurrents reprend votre place, c’est plus difficile de la reprendre », puisque les deux acheteurs misent sur la durée et la fidélité à les écouter. « On est adepte de travailler et avancer main dans la main dans la mesure du possible ». La marque U représente « 30 % » des crémants vendus et ces derniers sont « 30 % moins chers » que la moyenne. D’ailleurs, U « fait ses MDD chez la Veuve Ambal » qui fait ses achats en partie… à Lugny.

Et les deux compères connaissent très bien les cours des vins et même ceux du vrac… qui dévissent dans tous les vignobles. « Nos MDD permettent aussi de recruter des jeunes avec une gamme repérable. Et nos clients sont adeptes du prêt à boire pour un bon rapport qualité-prix ». Comprendre, U écoule des volumes, rééquilibre les cours du vrac et attire de futurs clients qui voudront monter en gamme plus tard. La coopérative U ne lésine pas sur les moyens et « veut asseoir U comme le spécialiste des vins » de grande distribution, en misant sur les foires aux vins et sur les promotions qui pèsent pour « 30 % des volumes de vins d’un magasin » sous promotion. Après deux jours de dégustations à Beaune, et « plus de 100 vins dégustés par jour », la foire aux vins d’automne verra « deux références Lugny », concluaient-ils leur présentation à deux voix.

« Les vins, c’est pour les Ehpad »

Place alors aux questions de l’assemblée. Et elles furent nombreuses et précises. Les vins Bio ? « Les prix de vente sont trop élevés par rapport aux conventionnels et nos clients U ne sont pas prêts, surtout qu’on a eu des vins avec des défauts que seuls les bobos parisiens aimaient », tranchait Gérard Brégeon qui ne donnait pas plus de crédit au label HVE, « qu’une étape » pour aller vers un discours général de viticulture raisonnée.

Pour ou contre les capsules à vis ? « On refuse de faire de l’ingérence chez nos fournisseurs. On a essayé, mais on a arrêté. C’est souvent pour des blancs et rosés pas chers. Vous, en Mâconnais, par rapport à la Bourgogne du Nord, on s’entend et on se comprend entre coop, sur un bon rapport qualité-prix, avec une MDD qui peut dépasser la barre des 10 € ». Est-ce à dire que les vins du Mâconnais auront plus de place sur des linéaires épurés ? « Il y aura de la place à condition de trouver des vins de qualité avec un prix attractif de Bourgogne du Sud qui correspond à notre gamme. Mais oui, l’objectif est de diminuer le nombre de références du rayon vin alors que vous, les vignerons, vous en créez toujours plus ». Gérard Brégeon répondait même à une question qui ne lui avait pas été posée : « Castel, Grands Chais, Advini vont sur tous les marchés et écrasent les prix, toujours en promo. On vend 30.000 hl/an de cabernet d’Anjou alors que je ne connais pas une personne qui en ouvre », pour souligner également le succès des BIB en 3-5-10 litres, « surtout en rosés de cépage ». Le packaging est-il important (brique en carton, canette) ? « On laisse les autres tester », balayaient-ils, pas convaincus. Enrayer la déconsommation ? « On essaie, ont fait des promos dans les tracts, mais on ne reviendra pas aux volumes d’avant. Le vin, c’est la boisson des Ehpad français. Les jeunes boivent du coca, de la bière, des alcools blancs et pis rien. Il faut s’adapter, la solution est d’arracher », ne disait pas de gaieté de cœur Vincent Brégeon qui décrivait un Entre-Deux Mer décimé. Et les vins no-low ? « Je crois plus aux low (abaisser la teneur en alcool, N.D.L.R.) qu’aux No (sans alcool). La génération Coca, comme on les appelle chez U, aime le sucre. On a essayé des vins sucrés en vin de France avec une étiquette décalée, mais cela ne se vend pas, « que » 100.000 bouteilles », rappelant ainsi à toute l’assemblée que le Mâconnais reste bien une niche dans le monde du vin.

Lugny soigne sa notoriété

À l’occasion de l’AG, un focus était fait sur la « notoriété » de la Cave de Lugny avec la responsable marketing, Marjorie Brayer, Sylvie Buliard en charge de l’export et Pauline Delangle, directrice commerciale France. « Notre image de marque commence dès le produit avec la représentation graphique de nos trois marques. Nous avons effectué une refonte du blason bleu avec l’arrivée en toutes lettres de Cave de Lugny, s’affiche en tant que marque et plus uniquement en tant que metteur en bouteille ». La marque Sainchargny voit, elle, l’arrivée d’Orée en Agriculture Biologique, dans la gamme des crémants, « univers qui fonctionne très bien avec des fiches cocktails ». Enfin, 2024 est l’année de la « renaissance » de la marque l’Aurore, avec un « nouvel univers modernisé et homogène », suite aux retours du questionnaire auprès des chefs de rayon des GMS. « Le fil conducteur des trois est la marque Cave de Lugny qui n’aura jamais été tant mise en avant », se déclinant dans un plan média et des événements en France (Mâcon, Paris…) et à l’étranger. Les coopérateurs s’investissent également, à l’image de la vice-présidente, Isabelle Meunier qui a fait la promotion de la Cave de Lugny lors du voyage en Asie organisé avec l’Union des vins mâcon. « On ne se voit pas toujours beaucoup avec nos commerciaux et ces salons et voyages nous ont permis de mieux se comprendre, ainsi que les choix de nos clients, comme les cavistes et restaurants », pour mieux prendre des décisions de la vigne à la cave ensuite.