Céréales et génétique pour limiter les achats
Toutes les femelles quittent l’exploitation grasses : génisses de trente mois et réformes. Complémentés au pré, les mâles partent en broutards alourdis juste avant l’hiver. Eric vend également une dizaine de veaux reproducteurs, le cheptel étant inscrit.
Choisi pour contenir le nombre de vêlages, l’engraissement s’est accompagné d’un accroissement de la production céréalière permettant de tendre vers un bon niveau d’autonomie alimentaire. Blé et colza sont vendus, mais les 80 tonnes d’orge produites sur l’exploitation sont intégralement consommées par les animaux de l'exploitation. « L’orge est mise en dépôt chez mon marchand qui l’incorpore dans l’aliment que je lui achète », explique Eric. Le fabricant lui propose « une formule à la carte ». Selon les catégories d’animaux, l’orge produite sur la ferme est incorporée à hauteur de 50 à 80 %. Pour le complément, « on joue sur les différents types de tourteaux pour tirer les prix », confie l’éleveur.
Autonomie en farine et paille
« Les femelles sont engraissées en ration sèche, avec zéro foin. Elles reçoivent un mélange à 50 % de farine d’orge complété avec des tourteaux de soja, de colza et de lin ainsi que de la paille en guise de fourrage grossier », indique Eric. Bien entendu, « nous finissons pas mal de génisses à l’herbe lorsque c’est possible. C’est encore plus économique », précise l’éleveur. La farine d’orge autoproduite entre également dans la complémentation des broutards, à hauteur de 50 %. L’éleveur signale que cette formule a tendance « à graisser un peu les animaux ». Mais « ce n’est pas vraiment gênant pour des broutards (420 à 430 kg vif) destinés à l’Italie », complète Eric. On retrouve également de l’orge dans la « petite ration d’entretien » hivernal des vaches et celle des génisses. Là, la céréale est incorporée à hauteur de 80 %.
Grâce à sa quarantaine d’hectares de céréales, l’EARL n’a plus besoin d’acheter de paille. Malgré un parc de bâtiments intégralement en stabulation sur aire paillée, l’exploitation est largement autonome pour ce produit. Un avantage très appréciable par les temps qui courent !
Rotation céréalière
C’est en 2008 qu’Eric est passé à la vitesse supérieure en termes de cultures. Cette année-là, il a introduit le colza dans son assolement. Cet oléagineux est « un bon précédent pour le blé et les graines se vendent bien », confie l’agriculteur. L’assolement type est « blé/orge/colza/blé/orge/ray-grass ». Le retournement des prairies temporaires a été possible « car l’exploitation n’était pas engagée dans la prime à l’herbe », signale Eric. Côté matériel, le fait d’agrandir la surface cultivée n’a pas nécessité de « changement radical », indique l’agriculteur. Le matériel de labour et de semis reste conforme à ce qu’on trouve dans la plupart des cours de ferme de la région. Le pulvérisateur est utilisé en Cuma et la récolte confiée à une entreprise.
L’aliment le moins cher, c’est le foin !
Grâce aux céréales produites sur l’exploitation, l’EARL parvient à se protéger en partie de la hausse du prix des aliments. Un phénomène qui « s’accélère » en ce moment, avec une hausse de plus de 20 % sur les six derniers mois, fait remarquer l’éleveur. Du coup, la devise d’Eric est « moins on achète, le mieux on se porte ! ». L’agriculteur n’exclut pas de « refaire de la luzerne » pour diminuer la facture de matière azotée. Et si l’enrubannage de ray-grass représente grosso modo le tiers des fourrages récoltés, Eric accorde une grande importance au foin : « c'est la base de l’alimentation chez nous et le produit le moins cher de tous ! ».
Autre levier qui aide l’EARL à mieux maîtriser ses coûts alimentaires : la génétique. « En cinq ans, les poids de carcasse de mes vaches ont progressé de 30 kilos », illustre Eric. Le progrès génétique s’est également traduit par une croissance plus rapide des broutards qui partent ainsi dès l’âge de neuf mois alors qu’ils atteignent déjà les 420 kg.
Reproducteurs
Un régime à part
Avec son cheptel inscrit, Eric Gueresse trie une dizaine de veaux reproducteurs pour la vente. Ce sont les seuls animaux de la ferme qui ne sont pas nourris avec de l’orge auto-produite. Ils reçoivent un aliment "haut de gamme" qui permet de leur faire « prendre de la carcasse sans être gras ». Coûteux, cet aliment « haut de gamme » ne concerne que dix jeunes bovins et les résultats sont à la hauteur des promesses puisque les GMQ des mâles passent ainsi de 1.800 grammes pour un aliment broutard à 2.400 g pour le haut de gamme, détaille Eric. Si elle engendre davantage de frais que le broutard, la préparation de reproducteurs est avant tout l’aboutissement d’un effort de sélection et d’amélioration génétique. Un investissement qui se retrouve dans les poids de carcasse des vaches, les GMQ et poids des broutards, constate Eric Gueresse.
Analyse du coût de production
Par Sophie Estévès et Lionel Bourge d’AS 71
L’étude du coût de production nous montre qu’Eric a produit 61.000 kilogrammes de viande vive sur l’exercice 2011, soit une production de 296 kg vifs par UGB. Ces premiers chiffres traduisent une bonne productivité puisque la moyenne des exploitations de même type se situe à 288 kg vifs par UGB pour une production de kg vif nettement inférieure avec 41.500 kg.
Pour évaluer le coût de production, l’ensemble des charges de l’exploitation a été retenu en ajoutant une rémunération du capital de 1,5 % et une rémunération du travail de l’éleveur à 1,5 Smic net. L’approche du coût de production sur l’exploitation d’Eric se situe à 309 € pour 100 kg vifs produits. En Saône-et-Loire, les exploitations bovins viande ont un coût de production à 382 €. Quant aux produits de l’atelier bovins viande, ils se chiffrent à 323 € pour 100 kg vifs contre 350 € pour la moyenne départementale.
Concernant plus particulièrement l’alimentation, le total des aliments dans l’exploitation d’Eric s’élève à 56 € pour 100 kg vifs (dont 34 € d’aliments achetés et 22 € de céréales autoconsommées). La moyenne en Saône et Loire représente 52 € pour 100 kg vifs (dont 35 € pour les achats d’aliments et 17 € pour l’autoconsommation). Légèrement supérieur à la moyenne, la charge d’aliment permet cependant un bon rapport en kg vif produit sur UGB. A noter également que la part intra consommée est plus importante que le groupe ce qui permet à Eric d’être moins tributaire de la fluctuation des cours mais aussi de n’avoir à acheter aucun kg de paille.
Le calcul des coûts de productions dans l’exploitation d’Eric a permis de se rendre compte que les produits couvrent les besoins, ce qui n’est pas le cas de tous les éleveurs de Saône-et-Loire. En effet, chez Eric, il est dégagé 2,15 Smic par unité de travail annuel non salarié (UTANS), alors que, dans le département, la moyenne n’était que de 0,55 Smic/UTANS en 2011.
Avec l’accompagnement régulier de Sophie Estévès, sa comptable-conseil de l’association de gestion et de comptabilité AS 71, Eric s’attache à rendre son système le plus cohérent possible pour ne pas s’éloigner de ses buts fixés depuis l’agrandissement de la structure. Ces dernières années, l’exploitation a réalisé de bons résultats économiques malgré les crises sanitaires et les aléas climatiques subis. Une analyse des chiffres est ainsi faite régulièrement avec sa comptable. En plus des charges d’approvisionnement (aliments, engrais…), les charges de structure (mécanisation, bâtiments…) sont analysées. Les investissements en matériels sont réfléchis et la capacité de financement est définie avec Sophie dans le but de ne pas trop alourdir le niveau des annuités d’emprunts.
Il est important de maîtriser ses charges, sans pour autant dévaloriser ses produits. Eric semble avoir trouvé le bon équilibre.