Comment décarboner ses emballages ?
Le 18 février à Beaune, l’Interprofession (BIVB) consacrait son événement annuel Vinosphère collant à son Objectif de tendre vers la neutralité carbone à l’horizon 2035 pour la filière des vins de Bourgogne.

Vaste sujet en effet que d’aborder le « Vin et empreinte carbone, comprendre pour mieux réduire ». Pour une fois, l’amphithéâtre beaunois était pourtant plein, avec de nombreux jeunes venus prendre des informations. « Le BIVB est engagé dans un plan extrêmement ambitieux, extrêmement engageant qui consiste à atteindre la neutralité carbone en 2035 », introduisait Laurent Delaunay, président du BIVB.
Après une première table ronde sur le « mix énergétique des entreprises », expliqué par la Dreal notamment (lire dans une prochaine édition) et une autre encore plus technique comment « mesurer et comparer les impacts des itinéraires techniques : une méthode l'ACV » (Analyse de cycle de vie), la dernière table ronde de la matinée se penchait sur quelques exemples pour « adapter votre emballage aux attentes consommateurs ». C’est là où témoignait Julien Guillaumé, directeur de la cave de Bissey-sous-Cruchaud, structure coopérative qui exploite une centaine d’hectares sur la Côte chalonnaise. Forcément, si cela parait important comparativement à un domaine individuel, la cave de Bissey « n’a pas de service dédié » à l’éco-conception des emballages. Ce qui n’empêche pas d’être imaginatif et volontaire pour faire « plein de petites actions à notre échelle ». Il partageait donc ces réalisations et idées. La cave a par exemple relancé les bouteilles consignées, après avoir répondu à un appel à projet Adelphe-Citéo, structures qui sont en charges de l’environnement et du recyclage notamment en France. Il ne cachait pas cependant qu’on « en parle beaucoup, mais au final, cela a un peu de mal à prendre dans la filière ». La cave l’a fait surtout suite au lancement de gamme Bio, alors qu’une partie des vignes est en conversion. L’occasion d’aller plus loin et de réfléchir à arrêter les capsules, mettre des bouchons « net carbone »… et même de « relancer des vins en vrac » auprès d’une clientèle de particuliers. Des locaux donc plutôt. « Les caves du Sud ont toujours continué avec des bidons-cubis pour faire le plein et qu’ils reconditionnent chez eux » dans les fameuses bouteilles-étoilées d’antan. Une façon de relancer les ventes en volume dans un marché qui subit la « déconsommation ». La cave de Bissey veut repartir sur un format « réutilisable de 3 litres pour communiquer sur un usage différent » de la bouteille, pour des moments de consommation « en famille ». Pas forcément donc la consommation hebdomadaire du vin aliment. « C’est un pari peu risqué, peu engageant financièrement ». Certes, ce ne sera pas le grand soir de la décarbonation, mais petits pas après petits pas, « chaque réflexion est faite sous le prisme du développement durable », allant de la gestion des déchets jusqu’aux panneaux solaires. Julien Guillaumé a aussi travaillé sur un aspect plus inhabituel et pourtant, ô combien, central, la logistique. « On livre en box, ce qui élimine de la matière première et en plus le client ne paye pas de carton, tout en limitant les frais et la main d’œuvre ». Après de premiers retours positifs, la cave envisage de passer à des box de 450 cols. En tout cas, la cave ne choisira pas de carton de 6 à plat, « faisant certes premium » mais dont l’empreinte carbone est plus forte qu’un carton 2x3. Enfin, bouclant la boucle, ou plutôt faisant un cycle complet, Julien Guillaume donnait la philosophie générale : « on envoie des signaux aux clients qu’on est une cave ouverte et qu’on bouge pour avancer » sur les vins durables. Ce qui a pour corollaire aussi de « motiver » les équipes au sein de la cave, qui créées même des « challenges à relever » qui sont perçus comme « gratifiants » par les salariés.
Jouer sur la couleur du verre
Selon plusieurs études, les emballages peuvent peser de 20 à 30 % de l’empreinte carbone d’un vin. Mais lorsqu’on parle emballage, il faut aussi trouver le bon compromis avec la robustesse et ce, sans jamais « mettre à mal l’image » du vin. Enfin, les lois viennent s’empiler sur le sujet (loi Agec, économie circulaire, antigaspillage, réemploi…), y compris dans les pays exports (loi EU PPWR…) avec déjà des pays comme le Canada qui impose un poids de verre par bouteille maximum selon le prix du vin.
L’Institut français de la vigne et du vin prend même en compte dans ses calculs « la contribution à la fabrication », amenant jusqu’à 40 à 50 % de l’empreinte carbone total du vin dû aux emballages. « Mais on recalcule en prenant plus en compte le bénéfice du reçyclage ou l’intégration de matières reçyclés », rentrait dans les détails, Sophie Penavayre de l’IFV. Ainsi, un verre teinté contient environ 80 % de verre recyclé contre seulement 20 % pour une bouteille en verre blanc. L’IFV met à disposition des tableurs avec différents poids. « Le premier levier est de jouer sur la couleur », avec l’allégement des bouteilles sur de grandes quantités. La taille du contenant joue également, comme il est facile de comprendre qu’un BIB de 5 litres est préférables à 3 l. Viennent ensuite, la question des bouchons : liège, synthétique, verre ou capsule à vis ? « On voit que le bouchon à un faible impact par rapport à la bouteille », invitait-elle à ne pas trop débattre. Enfin, pour le « réemploi » de bouteilles, « ce qui compte, c’est le taux de réutilisation » et donc, difficile à tracer.
Incliner dans les cartons, impliquer les clients
Outre son nom très schtroumf en anglais, la société Smurfit est un géant de l’emballage, allant du métier de papetier au recyclage (cartonnerie de Dijon, cartonnage Parnalland…). Anne-Sophie L’Herron accompagne également les « petites structures » pour optimiser la logistique. « On travaille sur 3 leviers pour aller vite » : grammage des cartons (g/m2), surface brute d’emballage (m2) et facteur d’émission du carton ondulé (g.eq CO2/g). « On vérifie la résistance et on parle un peu de l’encre aussi », mais pas de façon prépondéranté pour l’ACV réalisé. La société fait des recommandation aussi pour optimiser la palettisation, sachant que « l’idéal serait d’avoir des bouteilles carrées, en PET », plaisantait-elle, mais faisant là un lien avec les Bag in box. En revanche, l’inclinaison des bouteilles dans un carton permet une meilleure palettisation, elle qui est ingénieure en emballage.
Un « cheminement de pensées » qu’a réalisé aussi Frédéric Drouhin, après « l’électrochoc du gel 2021 ». Après avoir participé au serious game de la Fresque du Climat conçu à partir des données du Giec (et non pas des Climats de Bourgogne), lui et ses collaborateurs de la Maison de négoce ont pris de sérieuses décisions : dont celle d’arrêter d’exporter des bouteilles par avion. Place désormais au transport maritime ou terrestre « mais en impliquant les clients acheteurs » qui n’étaient plus habituer à réfléchir autrement qu’en flux tendus pour ne pas connaitre de rupture de stock. La Maison Drouhin veut maintenant aller sur des bouteilles à 420 g (au lieu de 520 g actuellement) « mais la protection aux ultra-violets dans les rayonnages n’est pas fameux ». Une façon pour lui d’anticiper « la demande des futurs consommateurs et des futurs durcissements des réglementations », fait-il le parallèle entre cause ou conséquence. Mais Frédéric Drouhin a, comme tout le monde, une grande question en tête : « avoir une même bouteille pour tous nos vins, du Grand cru Montrachet à l’aligoté », comment vont réagir les différents segments de clientèle, ou plutôt les habitués du premium. « On a sondé nos clients et les réponses étaient quasi unanime demandant à sortir des codes établis qu’un grand vin est dans une bouteille lourde ». Ces derniers clients demandant même à la Maison bourguignonne « d’être moteur » du changement. Et Frédéric Drouhin de faire ses calculs. « Sur 500 tonnes à produire, on va éviter 100 t, ce qui va faire une économie de 500.000 € » sur ce budget bouteilles et emballages. « Un gain économique qui fait du bien pour la planète », concluait-il ravi.