Comment raisonner le pilotage de l’azote ?
Tout comme aux printemps 2011, 2014 et 2017, la sécheresse prolongée au moment de la montaison pose un certain nombre de questions quant à la gestion de la fertilisation azotée et l’interprétation des outils de pilotage. Pour que le dernier apport d’azote réalisé soit considéré comme valorisé et que l’utilisation d’un outil de pilotage apporte toute sa pertinence, il faut un cumul d’environ 15 mm de pluie dans les deux semaines suivant l’apport. Faisons le point sur la situation en Bourgogne Franche-Comté.

Quelle valorisation des apports précédents ?
Dans le tableau ci-dessous, on constate que les apports réalisés autour du stade épi 1 cm ont rencontré des conditions difficiles pour être correctement valorisés, selon les dates d’apport et secteurs géographiques. Globalement, une date critique se dessine sur la région, les apports réalisés avant le 10 voire le 6 mars ont reçu une dizaine de millimètres de pluie, en revanche, il n’a pas plu après, sur toute la région.
Le blé est capable d’endurer des carences temporaires en azote pendant la montaison sans trop de dégâts. Néanmoins, plus la période de mauvaise valorisation s’étend, plus l’impact probable sur le rendement se renforce. Si la bonne absorption n’est pas rétablie avant le stade dernière feuille étalée (DFE), le nombre d’épis/m² est d’autant plus affecté que la réserve hydrique du sol est faible. Une fois ce stade dépassé, les perspectives de rattrapage s’amenuisent. Le nombre de grains/épi sera ensuite lui aussi affecté.
Plusieurs cas de figures pour le pilotage des blés
Dans une stratégie classique de pilotage, le stade 2 nœuds marque le départ du pilotage du dernier apport d’azote même si la pertinence du pilotage de fin de cycle est davantage un rendez-vous du stade DFE-Gonflement dans un compromis rendement-protéine. Il sera précieux dans le contexte difficile de cette année.
Cependant, pour réaliser un diagnostic précis, il est nécessaire que les plantes aient absorbé l’intégralité de l’azote à disposition.
Plusieurs cas de figures sont actuellement possibles :
- Cas 1 : le dernier apport d’azote a été réalisé avant le 10 mars ET a reçu 15-20 mm de pluie. Dans ce cas, le diagnostic pour le pilotage des apports à venir peut être mené. L’apport sera réalisé dès le retour des pluies et au plus tard au stade gonflement.
- Cas 2 : le rendement potentiel n’est pas affecté ET le dernier apport d’azote en date n’a pas reçu de pluviométrie conséquente (apport réalisé après le 10 mars). Dans ce cas, il est conseillé de revenir à la dose X en appliquant la mise en réserve dès le retour de pluies significatives. Cet apport peut être réalisé au plus tard à gonflement.
- Cas 3 : le rendement potentiel est déjà affecté (sec, JNO, gel, etc.) ET le dernier apport d’azote en date n’a pas reçu de pluviométrie conséquente (apport réalisé après le 10 mars). Dans ce cas, il faut limiter les investissements en intrants et se satisfaire de la dose d’azote déjà apportée.
Malgré l’absence de pluie et la volatilisation importante des apports en conditions sèches, il est probable qu’une certaine quantité d’azote, difficile à déterminer avec précision, reste aujourd’hui présente dans le sol. Elle sera absorbée par les plantes dès le retour des pluies.
Et pour les orges ?
En orge d’hiver, tous débouchés confondus, la période de sécheresse actuelle a sûrement un impact plus important sur le rendement que pour le blé étant donné sa faible possibilité de compensation. Compte tenu de l’avancée des stades, il n’est plus opportun de faire un apport d’azote.
En orge de printemps, un apport d’azote peut être valorisé en rendement et protéines jusqu’au stade 1N.
Plusieurs cas de figures se présentent.
- Semis précoces avant fin février : en cours de tallage, tout ou parti de l’azote a déjà pu être apporté et valorisé. Lorsqu’il reste un solde d’azote à apporter, il faudra attendre le retour de pluies significatives et au plus tard à 1 nœud.
- Semis après la mi-mars : en cours de levée, faire un apport d’azote dès le retour de pluies significatives et au plus tard à 1 nœud. Plus cet apport est réalisé proche du stade 1 nœud, plus le risque est grand de concentrer de la protéine.
- Si le potentiel de rendement était affecté par la sécheresse (manque à la levée, déficit de tallage, etc.), il faudra limiter les investissements en intrants et réviser à la baisse la dose totale d’azote.
Article rédigé par les partenaires de « Blé Objectif Protéines » (BOP) : L.PELCE & D.CHAVASSIEUX (ARVALIS), C.BOULLY (Bourgogne du Sud), R.FLAMAND (Ets Bresson), D.DEHER (CA 21), MA.LOISEAU (CA89), JN.HERRGOTT (Ynovae), M.MIMEAU (Dijon Céréales), D.LACHAUD (SAS RUZE), A.PETIT (SeineYonne), E.BONNIN (Soufflet Agriculture).