Congrès national Gaec et société : une carte à jouer face aux mutations de l’agriculture
Dans un contexte de mutation des exploitations et des vocations, l’accueil en société est une clé pour répondre au défi majeur du renouvellement des générations. Comme l’a démontré la table ronde du 14 juin dernier, la possibilité de se tester est une piste pour des nouveaux installés aux profils de plus en plus atypiques.

« Dans les prochaines années 160.000 agriculteurs devraient partir à la retraite », indiquait Guillaume Gauthier, administrateur national à Jeunes Agriculteurs. Le taux de remplacement est loin d’être à la hauteur : 50.000 exploitants ne seront pas remplacés, informait le président de Gaec et Société, Gilles Brenon. « Cela nécessite tout de même d’installer 36.000 nouveaux agriculteurs par an, alors que les nouveaux chefs d’exploitation, en 2017, n’ont pas dépassé 21.500 », ajoutait-il. En parallèle, les profils des exploitations et des nouveaux installés évoluent. « La question de la transmission et de l’installation s’élargit, il est de moins en moins évident que le fils de l’exploitant reprenne l’exploitation familiale », expliquait pour sa part Guilhem Anzalone, enseignant-chercheur en sociologie à l’ESA d’Angers. « Les transmissions, qui normalement impliquent de léguer le patrimoine, le métier et le statut de chef d’exploitation peuvent être partielles », complétait-il. Ainsi, de nouveaux modèles d’exploitations émergent avec une superposition des modèles entrainant, par exemple, un recours accru à la prestation de services et donc aux entreprises de travaux agricoles, afin de dissocier possession du capital et travail de la terre. Le sociologue remarquait aussi un éclatement du modèle familial, exploitation dans laquelle la terre, le travail et le capital sont gérés par une même personne. Si elles représentent encore 60 % des exploitations françaises, on note tout de même l’émergence de firmes (10 % des exploitations françaises). Pour Gilles Brenon, il est donc nécessaire d’inventer de nouvelles formes d’agriculture de groupe et d’adapter les formes sociétaires à ces évolutions.
L’émergence de nouveaux profils
En plus d’un bouleversement du modèle d’exploitation, on note un changement dans le profil des jeunes installés. « Le public d’installés est différent, on remarque qu’il y a de plus en plus de personnes non-issues du milieu agricole et en reconversion », analysait Guillaume Gauthier. Philippe Tapin, responsable du Pôle développement à l’Union nationale des Maisons familiales rurales, notait de son côté un frémissement dans la formation continue pour adultes. « On sent que les besoins sont importants pour ce nouveau public qui s’installe hors cadre familial avec des projets différents, souvent tournés vers l’agriculture de niche », signalait-il. Là aussi, des adaptations sont nécessaires pour accueillir ce nouveau public. Guillaume Gauthier conseillait de commencer par réformer les points accueil-installation, qu’il juge peu adaptés à ces nouveaux entrants. L’arrivée de nouveaux profils entraîne aussi le développement de nouvelles formes d’installation en société. Mathieu Lersteau, paysan boulanger et maraîcher en Indre-et-Loire, s’est ainsi installé il y a cinq ans en SCOP (Société coopérative de production) avec ses cinq associés, presque tous non issus du milieu agricole. Il s’agissait, pour ces exploitants d’éviter le surendettement à l’installation, de construire une ferme « facilement transmissible », mais aussi d’améliorer leur protection sociale. « Nous avons tous été salariés auparavant et nous souhaitions préserver ces acquis », indiquait Mathieu Lersteau. Dans une SCOP, les gérants ont aussi le statut de salariés et bénéficient donc de la même protection sociale. Il existe actuellement moins de cinq SCOP agricole en France.
Se tester avant de s’installer
Pour Gaec et Sociétés, il ne s’agit pas seulement de réformer les sociétés, mais aussi d’inventer de nouvelles formes d’accueil dans les structures collectives. Gilles Brenon indiquait en effet qu’il existe de nombreuses opportunités d’installation dans les GAEC et les sociétés agricoles. Ces derniers regroupent 58% des chefs d’exploitations. « Les GAEC, groupements au sein desquels plus de 20 % des agriculteurs exercent leur activité à plusieurs, recèlent de véritables potentialités d’accueil », complétait-il. Pour faciliter l’entrée dans ces sociétés, l’association souhaite la création d’un « droit à l’essai » (lire par ailleurs notre article de la semaine dernière). Autre possibilité de s’essayer pour ceux qui envisagent de s’installer et qui ne sont pas issus du milieu agricole : les espaces-test agricoles, qui sont regroupés au sein du réseau Renata (il rassemble 80 membres, parmi lesquels 45 espaces-test en fonctionnement, 27 espaces-test en projet et 6 membres associés). Il s’agit de permettre à des futurs installés de tester leur exploitation en conditions réelles. « On leur prête de la terre et un numéro de Siret temporaire, nous leur apportons aussi du conseil », précisait Élodie Patrice, coordinatrice régionale de l’espace-test « Semeurs du possible ». Les futurs installés peuvent ainsi assurer leurs arrières en vérifiant que leur méthode de culture est fonctionnelle, qu’ils ont des débouchés commerciaux… Cela peut aussi leur permettre d’avoir des arguments concrets et chiffrés pour convaincre des banques de leur accorder un prêt. L’accueil de nouveaux installés peut être une clé pour répondre au défi du renouvellement des générations mais il doit être réformé pour s’adapter aux nouveaux profils.