Conseil de l’agriculture Bourgogne Franche-Comté veut une Pac régionale unie en vue de 2021
Lundi à Dijon au Conseil régional, c’est une réunion hautement stratégique qui a mobilisé le Conseil de l’agriculture de Bourgogne Franche-Comté. L’enjeu étant de prendre à terme une position régionale « unie » pour la prochaine Pac. Cette dernière, initialement prévue pour 2020-2027 connaitra une année de transition au moins avant la nouvelle programmation en 2021. La région est donc dans les temps pour faire ses propositions. Mais beaucoup d’incertitudes demeurent, à commencer par le budget Pac - et ses déclinaisons régionales - forcément affecté par le futur Brexit.

Pour introduire ce moment « stratégique », la présidente de la Région, Marie-Guite Dufay n’y allait pas par quatre chemins : « nous n’avons pas le droit de nous rater », se disait-elle consciente en mentionnant notamment la « grande souffrance » des 30 % d’agriculteurs ne dégageant même pas 350 € de revenu mensuel. Depuis 14 mois, des réunions techniques se tiennent pour préparer cet « enjeu majeur » de la prochaine Pac et ses déclinaisons en région. « Depuis la Pac de 1992, nous, agriculteurs, sommes directement tributaires des soutiens publics », regrettait le président de la chambre régionale d’agriculture, Christian Decerle, sachant donc qu’il en va de la survie économique de beaucoup d’exploitations. Comme tous, il préférerait vivre de son travail unqiuement.
1/3 de fermes en moins en 30 ans
Place était d’abord donnée à une présentation de l’agriculture régionale. « Un quart des surfaces est encore dédié aux pâtures », débutait Mathilde Schryve du CERFrance BFC, soulignant ainsi que notre région possède 1,2 millions d’ha de prairies en Bourgogne et Franche-Comté, à l’Est et à l’Ouest majoritairement. Talonnées de près donc par les un million d’hectares de SCOP (céréales, oléagineux, protéagineux). Largement moindre en taille mais « prestigieux », le vignoble pèse pour un tiers du chiffre d’affaire agricole régional. Le tout générant 51.000 emplois sur les exploitations et le même chiffre en emplois indirects.
Reste que tous ces modèles sont fragiles. « En 30 ans (Pac 1992), un tiers des fermes a disparu ». Un quart des ménages agricoles sont pauvres. Deux tiers seraient en comptabilité négative sans les aides. Enfin, l’endettement moyen est de 226.000 €. Ce qui traduit une crise profonde freinant les transmissions. Sans oublier la multiplication des aléas (sanitaire, climatique…) et la pression sociétale (ZNT, végétaliens…). Du conseil départemental de Saône-et-Loire, Frédéric Brochot ressent cette « inquiétude » du monde agricole, notamment de l’élevage, qui a plus que jamais besoin de revenus et vite.
Le tournant du Brexit
Le directeur de la Draaf, Vincent Favrichon redisait qu’agriculture et forêt font face à des défis de « revenus et agro-écologiques ». Revenant sur le volet technique de la négociation de la prochaine Pac, il rappelait les quatre « ingrédients » nécessaires et pas encore arrêtés : un budget, un règlement Européen, un plan stratégique national et régional et enfin un système d’information pour suivre et contrôler le tout. Ce qui est connu en revanche est la fin des organisations communes des marchés viticoles ou des fruits. A la place une OCM unique pour toutes les filières. L’administration devra également passer à des indicateurs de résultats des aides, très difficiles à vérifier dans un contexte d’agriculture en crises cycliques...
Président du Conseil de l’Agriculture, Frédéric Perrot invitait donc à continuer la concertation entre la profession, OPA, Draaf, région… « gage de la réussite à venir d’une orientation partagée ». Mais il sait que le budget de la Pac va être sérieusement revu à la baisse après le Brexit. Pour l’heure, le premier pilier représente 3,9 milliards d’€ et le second 1,3 pour l’agriculture régionale sur la dernière programmation étalée sur 7 ans. L’hypothèse d’une baisse de 7% du budget consisterait à perdre 278 millions d’€. « Nous sommes à un tournant pour relever les défis des dix ans à venir. Notre agriculture régionale est vertueuse », plaidait-il pour la défendre.
Le sénateur, François Patriat ré-insistait sur l’importance désormais de ne « parler que d’une seule voix » en région. Plusieurs sénateurs et députés se relayaient pour englober d’autres priorités (formation en gestion des entreprises agricoles, recherches…) mais c’est bien le sénateur de Saône-et-Loire, Jérôme Durain qui appuyait là où cela fait mal aujourd’hui : « il nous faudra le soutien des populations. Or, elles méconnaissent ou ont du mépris pour l’agriculture. Il y a un travail culturel de réconciliation à faire. Les agriculteurs ne pourront faire sans le soutien de nos concitoyens », avertissait-il, sachant que le Gouvernement souhaite une concertation publique nationale avant de prendre position sur la Pac. Plusieurs ONG et partis politiques fourbissent aussi leurs armes pour brouiller ce message « uni » et « unique » des agriculteurs…
L’Europe libéralise sans vision durable
Qu’en est-il partout en Europe ? Le député Européen, Jérémy Decerle ne cachait pas qu’un soutien à une Pac forte « ne saute pas aux yeux » dans l’Union à 27 ou 28 pays. Il milite néanmoins pour que le Parlement puisse donner une orientation. Son argument : « si l’Europe libéralise (Ceta, Mercosur…), l’Europe doit se réapproprier la structuration des filières. De plus, l’Europe ne peut pas dire vouloir une politique environnementale durable avec des baisses de budget Pac », selon lui.
En tout cas, Lionel Borey président de la Fédération régionale des coopératives agricoles, se tient prêt à relever le défi « de la complémentarité des filières pour créer de la valeur » avec les outils régionaux. Un des meilleurs moyens de lutter « contre les distorsions de concurrence entre régions européennes » qui ne manqueront pas d’arriver, prévenait Vincent Lavier, président de la chambre d’Agriculture de Côte d’Or.
En charge de l’agriculture au conseil régional, Sophie Fonquernie redisait vouloir « garder une latitude sur les aides aux filières », même si aucune collectivité ne pourra compenser les baisses des aides Pac directes aux exploitations, nuançait Patrick Ayache, responsable des fonds Européens.
Besoin de revenus et de reconnaissance
Pour Christian Decerle pas de doute, cette réunion en appelle d’autres pour « redire le Nord » et la direction que veut prendre la région. « Ces rendez-vous sont déterminants pour les exploitations et toute l’économie rurale largement irriguées par les fonds Européens ». Allant au delà des enjeux économiques, politiques et sociétaux, il insistait sur le fait que les agriculteurs ont « autant besoin de reconnaissance que de revenus ». Il fustigeait donc « la cinquantaine de média qui pulvérisent la réalité des filières agricoles françaises, les détruisant, en donnant du crédit à des extrémistes ». Et devant un parterre d’élus – sénateurs et députés – de toute la région, il les mettait devant leurs responsabilités de communiquer positivement mais aussi de faire respecter la justice face aux délinquants anti-agriculture : « Nous avons besoin d’un sursaut collectif. Cette réunion donne de l’espoir. Mais ce n’est que le début. La bataille n’est pas gagnée d’avance ». La salle ne sachant plus s’il parlait de l’opinion publique ou de la Pac. Les deux sûrement puisqu’allant de paire.
L’agriculture n’est pas le problème mais bien la solution : pour nourrir les populations mais aussi contre le réchauffement climatique ou encore autour de la question de la gestion de l’eau. Autant d’atouts stratégiques à rappeler en ces temps géopolitiquement instables.