Le maïs, sentinelle végétale : quand les plantes se préviennent entre elles face aux ravageurs
Une étude internationale révèle comment les plants de maïs alertent leurs voisins en cas d’attaque par la chenille légionnaire, grâce à un système sophistiqué de signaux volatils et de coopération microbienne souterraine.
Début juin marque, dans l’hémisphère Nord, la fin des semis de maïs. Mais c’est aussi la saison où les plants doivent affronter l’un de leurs plus redoutables ennemis : la chenille légionnaire d’automne (Spodoptera frugiperda), un insecte polyphage capable de ravager plus de 350 espèces végétales. Venue des Amériques, cette espèce invasive a conquis l’Afrique, l’Asie et fait aujourd’hui l’objet d’une vigilance accrue en Europe.
Face à cette menace, le maïs déploie des stratégies de défense insoupçonnées. Selon une étude publiée le 1er mai 2025 dans la revue Nature Plants, les plants attaqués émettent des composés organiques volatils (COV) dans l’air – des molécules odorantes semblables à celles que l’on associe à l’herbe fraîchement coupée. Ces signaux sont perçus par les plants voisins, encore intacts, qui réagissent immédiatement.
Sous terre, la réponse est tout aussi remarquable. Les racines des plants avertis libèrent des hormones appelées jasmonates, qui modifient la composition du microbiote du sol. Trois espèces de bactéries – Bacillus pacificus, Priestia aryabhattai et Rossellomorea marisflavi – voient leur population croître. Ces micro-organismes jouent un rôle clé en renforçant les défenses naturelles du maïs et en limitant les dégâts causés par les chenilles.
Ce mécanisme illustre la capacité des plantes à coopérer, via des signaux chimiques et des interactions microbiennes, pour assurer la survie collective. L’étude met aussi en lumière une protéine du maïs impliquée dans ce processus de résistance, offrant des pistes prometteuses pour une agriculture plus durable.
Pour Louis-Valentin Méteignier, chercheur à l’INRAE de Montpellier, « exposer des plantes à des doses purifiées de COV pourrait constituer une alternative agroécologique aux produits phytosanitaires », à condition de maîtriser leur diffusion dans l’environnement.
Enfin, ces travaux réhabilitent scientifiquement une pratique agronomique ancestrale : la rotation des cultures. En modifiant le microbiote du sol, certaines cultures précédentes créeraient un environnement « suppressif » favorable à la santé des plantations suivantes.
Cette découverte renforce l’idée que les plantes ne sont pas de simples organismes passifs, mais des acteurs sensibles et communicants au sein des agroécosystèmes. Une solidarité biologique, inscrite dans les racines mêmes du vivant.