Interview de Michel Prugue, président de la CFA
« D’abord restaurer la confiance »
Après la table ronde sur la volaille du 18 avril, Michel Prugue, le
président de la Confédération française de l’aviculture, considère que
la relance la filière avicole passe par le rétablissement de la
confiance chez les producteurs en leur donnant la possibilité de
répercuter l’augmentation de leurs charges et en allégeant les
contraintes administratives auxquelles ils sont soumis.
président de la Confédération française de l’aviculture, considère que
la relance la filière avicole passe par le rétablissement de la
confiance chez les producteurs en leur donnant la possibilité de
répercuter l’augmentation de leurs charges et en allégeant les
contraintes administratives auxquelles ils sont soumis.
Après l’affaire Doux qui a été à la une de l’actualité l’an dernier, dans quel état se trouve aujourd’hui l’aviculture ?
Michel Prugue : Malgré le démantèlement de l’entreprise Doux, la continuité de la branche export a permis de conserver les débouchés à l’exportation, ce qui est essentiel pour les producteurs et les salariés, notamment en Bretagne dont 50 % de la production est écoulée hors de nos frontières. Ce qui me permet d’insister sur la nécessité de conserver, pendant un certain temps encore, les restitutions pour permettre à la filière de s’adapter et de retrouver sa compétitivité. Mais, devant le dumping que pratiquent un certain nombre de concurrents, par rapport à leur coût de main d’œuvre, les dévaluations compétitives de leur monnaie, que sais-je encore, l’Europe doit prévoir à l’avenir des dispositifs d’accompagnement à l’exportation. Ne soyons pas naïfs, nous ne pouvons être en Europe les dindons de la farce. Et pour ce qui concerne la France en particulier, on ne peut imaginer que l’Etat fasse l’impasse sur l’exportation pour un secteur qui constitue un débouché essentiel pour nos céréales, contribue à l’emploi dans les zones rurales, sans solliciter de grands moyens budgétaires. Pourquoi par exemple, l’Etat ne soutiendrait-il pas la création d’un opérateur unique à l’exportation en partenariat avec d’autres entreprises pour constituer une réelle force de frappe sur les marchés des pays tiers ? Quant à la cession de la partie « frais » du groupe Doux, elle me laisse un goût d’inachevé, voire un goût amer. En deux mots, la création d’un opérateur supplémentaire sur le marché des GMS nuit à la concentration de l’offre. Conséquence, la concurrence et les rivalités entre entreprises s’exacerbent sur le marché pour le grand bénéfice de la distribution. On en arrive à la situation actuelle où les industriels diminuent les prix de reprise à la production parce qu’ils ont consenti des baisses à la grande distribution. Ce qui alimente le mécontentement des producteurs non seulement vis-à-vis de la distribution, mais aussi des abatteurs. Bref, on reporte l’effort d’ajustement sur les producteurs et on effondre les résultats des entreprises.
Un diagnostic satisfaisant
Comment avez-vous accueilli le plan d’avenir de la filière présenté par Alain Berger, le 18 avril ?
MP : Le diagnostic réalisé est satisfaisant. Alain Berger a écouté tous les membres de la filière et il a rédigé un rapport exhaustif qui répond aux attentes des uns et des autres. Néanmoins, il ne s’agit que d’une étape. D’autres rendez-vous sont prévus. Pour dire qu’on ne peut pas attendre longtemps pour procéder à une remise à plat du fonctionnement de la filière. Aujourd’hui, la priorité des priorités est de redonner confiance. Chez les producteurs, on y parviendra en leur donnant la possibilité de répercuter l’augmentation des charges, en procédant à une interprétation favorable des normes administratives, sanitaires, environnementales, de bien-être animal et de réduction des délais. Tout cela favorisant l’amélioration de la productivité nécessaire à la reconquête du marché national et renforcer nos exportations. Sans oublier de lever l’insécurité juridique provoquée par les recours d’associations qui peuvent bloquer un projet, même quand toutes les autorisations ont été accordées. Comment convaincre un éleveur de se lancer dans des investissements de centaines de milliers d’euros et les risques financiers que cela comporte pour une rémunération qu’il juge insatisfaisante. Et si en plus, il y a une certaine visibilité sur les marchés, les éleveurs n’hésiteront pas à s’engager dans une logique d’investissements, de modernisation des bâtiments, de production d’énergie renouvelable, et au final dans un cercle vertueux de compétitivité, d’amélioration des compétences, bref de dynamisme qui sera bénéfique à toute la filière. Des initiatives immédiates de la part des pouvoirs publics doivent donner le signal d’un changement d’esprit.
Le ministre de l’Agriculture a beaucoup insisté sur la valorisation de l’origine France…
MP : Autant je suis sceptique sur la possibilité d’exporter massivement du label rouge qui correspond à une attente spécifique des consommateurs français, autant je suis favorable à un étiquetage de provenance de tous les produits, y compris pour la restauration collective en France pour reconquérir le marché intérieur qui est alimenté à hauteur de 45 % par les importations. Je rejoins également le ministre sur la nécessité de valoriser un cahier des charges « volailles de France », intégrant au-delà de la stricte origine, la qualité sanitaire, les normes bien-être, les normes sociales et environnementales. Contrairement à d’autres pays, nous ne savons pas valoriser auprès du consommateur toutes les règles que nous nous imposons et dont il ignore l’existence.
Réorganisation de l’outil industriel
Certains disent qu’il faut procéder à une restructuration de l’appareil industriel. Y êtes-vous favorable ?
MP : Plutôt que de restructuration je préfère parler de réorganisation de l’outil industriel. Je ne suis pas dans une logique de réduction des capacités de production. En revanche je n’exclus pas qu’il faille fermer des usines obsolètes et en construire d’autres. Peut-être même les localiser différemment. En tout cas, les pouvoirs publics doivent s’impliquer et la Banque publique d’investissement doit accompagner les professionnels dans le cadre d’un plan stratégique industriel. Une des clefs de la réussite de la filière avicole française passe par là.
Est-ce que l’interprofession que les ministères appellent de leurs vœux ne peut pas y contribuer aussi ?
MP : Si l’interprofession avait permis de régler les problèmes de la filière, elle serait déjà faite. Ceci étant, elle fonctionne déjà là pour la plupart des espèces avicoles : l’œuf, la dinde, le foie gras, le lapin, la pintade et il existe un comité interprofessionnel informel pour le poulet et le canard. Ce que nous souhaitons mettre en place, c’est une interprofession couvrant l’ensemble de la filière avec des sections par espèce. Il est en effet des sujets tels que le traitement des effluents d’élevage, le bien-être animal, les règles sanitaires, la compétitivité, d’autres encore… qui ne peuvent pas être traités de façon segmentée. Quant à savoir si la grande distribution doit intégrer l’interprofession, cela dépend de son comportement. Si elle arrive avec un esprit d’affrontement, il n’en est pas question. En revanche si elle affiche une réelle volonté de construction de filière et accepte par exemple de s’engager dans un vrai débat de régulation et de contractualisation, pourquoi pas ?
Michel Prugue : Malgré le démantèlement de l’entreprise Doux, la continuité de la branche export a permis de conserver les débouchés à l’exportation, ce qui est essentiel pour les producteurs et les salariés, notamment en Bretagne dont 50 % de la production est écoulée hors de nos frontières. Ce qui me permet d’insister sur la nécessité de conserver, pendant un certain temps encore, les restitutions pour permettre à la filière de s’adapter et de retrouver sa compétitivité. Mais, devant le dumping que pratiquent un certain nombre de concurrents, par rapport à leur coût de main d’œuvre, les dévaluations compétitives de leur monnaie, que sais-je encore, l’Europe doit prévoir à l’avenir des dispositifs d’accompagnement à l’exportation. Ne soyons pas naïfs, nous ne pouvons être en Europe les dindons de la farce. Et pour ce qui concerne la France en particulier, on ne peut imaginer que l’Etat fasse l’impasse sur l’exportation pour un secteur qui constitue un débouché essentiel pour nos céréales, contribue à l’emploi dans les zones rurales, sans solliciter de grands moyens budgétaires. Pourquoi par exemple, l’Etat ne soutiendrait-il pas la création d’un opérateur unique à l’exportation en partenariat avec d’autres entreprises pour constituer une réelle force de frappe sur les marchés des pays tiers ? Quant à la cession de la partie « frais » du groupe Doux, elle me laisse un goût d’inachevé, voire un goût amer. En deux mots, la création d’un opérateur supplémentaire sur le marché des GMS nuit à la concentration de l’offre. Conséquence, la concurrence et les rivalités entre entreprises s’exacerbent sur le marché pour le grand bénéfice de la distribution. On en arrive à la situation actuelle où les industriels diminuent les prix de reprise à la production parce qu’ils ont consenti des baisses à la grande distribution. Ce qui alimente le mécontentement des producteurs non seulement vis-à-vis de la distribution, mais aussi des abatteurs. Bref, on reporte l’effort d’ajustement sur les producteurs et on effondre les résultats des entreprises.
Un diagnostic satisfaisant
Comment avez-vous accueilli le plan d’avenir de la filière présenté par Alain Berger, le 18 avril ?
MP : Le diagnostic réalisé est satisfaisant. Alain Berger a écouté tous les membres de la filière et il a rédigé un rapport exhaustif qui répond aux attentes des uns et des autres. Néanmoins, il ne s’agit que d’une étape. D’autres rendez-vous sont prévus. Pour dire qu’on ne peut pas attendre longtemps pour procéder à une remise à plat du fonctionnement de la filière. Aujourd’hui, la priorité des priorités est de redonner confiance. Chez les producteurs, on y parviendra en leur donnant la possibilité de répercuter l’augmentation des charges, en procédant à une interprétation favorable des normes administratives, sanitaires, environnementales, de bien-être animal et de réduction des délais. Tout cela favorisant l’amélioration de la productivité nécessaire à la reconquête du marché national et renforcer nos exportations. Sans oublier de lever l’insécurité juridique provoquée par les recours d’associations qui peuvent bloquer un projet, même quand toutes les autorisations ont été accordées. Comment convaincre un éleveur de se lancer dans des investissements de centaines de milliers d’euros et les risques financiers que cela comporte pour une rémunération qu’il juge insatisfaisante. Et si en plus, il y a une certaine visibilité sur les marchés, les éleveurs n’hésiteront pas à s’engager dans une logique d’investissements, de modernisation des bâtiments, de production d’énergie renouvelable, et au final dans un cercle vertueux de compétitivité, d’amélioration des compétences, bref de dynamisme qui sera bénéfique à toute la filière. Des initiatives immédiates de la part des pouvoirs publics doivent donner le signal d’un changement d’esprit.
Le ministre de l’Agriculture a beaucoup insisté sur la valorisation de l’origine France…
MP : Autant je suis sceptique sur la possibilité d’exporter massivement du label rouge qui correspond à une attente spécifique des consommateurs français, autant je suis favorable à un étiquetage de provenance de tous les produits, y compris pour la restauration collective en France pour reconquérir le marché intérieur qui est alimenté à hauteur de 45 % par les importations. Je rejoins également le ministre sur la nécessité de valoriser un cahier des charges « volailles de France », intégrant au-delà de la stricte origine, la qualité sanitaire, les normes bien-être, les normes sociales et environnementales. Contrairement à d’autres pays, nous ne savons pas valoriser auprès du consommateur toutes les règles que nous nous imposons et dont il ignore l’existence.
Réorganisation de l’outil industriel
Certains disent qu’il faut procéder à une restructuration de l’appareil industriel. Y êtes-vous favorable ?
MP : Plutôt que de restructuration je préfère parler de réorganisation de l’outil industriel. Je ne suis pas dans une logique de réduction des capacités de production. En revanche je n’exclus pas qu’il faille fermer des usines obsolètes et en construire d’autres. Peut-être même les localiser différemment. En tout cas, les pouvoirs publics doivent s’impliquer et la Banque publique d’investissement doit accompagner les professionnels dans le cadre d’un plan stratégique industriel. Une des clefs de la réussite de la filière avicole française passe par là.
Est-ce que l’interprofession que les ministères appellent de leurs vœux ne peut pas y contribuer aussi ?
MP : Si l’interprofession avait permis de régler les problèmes de la filière, elle serait déjà faite. Ceci étant, elle fonctionne déjà là pour la plupart des espèces avicoles : l’œuf, la dinde, le foie gras, le lapin, la pintade et il existe un comité interprofessionnel informel pour le poulet et le canard. Ce que nous souhaitons mettre en place, c’est une interprofession couvrant l’ensemble de la filière avec des sections par espèce. Il est en effet des sujets tels que le traitement des effluents d’élevage, le bien-être animal, les règles sanitaires, la compétitivité, d’autres encore… qui ne peuvent pas être traités de façon segmentée. Quant à savoir si la grande distribution doit intégrer l’interprofession, cela dépend de son comportement. Si elle arrive avec un esprit d’affrontement, il n’en est pas question. En revanche si elle affiche une réelle volonté de construction de filière et accepte par exemple de s’engager dans un vrai débat de régulation et de contractualisation, pourquoi pas ?